La science économique et les temps qui sont les nôtres

Alain Caillé a publié dans le numéro 30 de La Revue du MAUSS semestrielle un Manifeste vers une économie politique institutionnaliste. Le 31 mars, il appelait ses amis du MAUSS (dont je suis) à signer ce manifeste s’ils ne l’avaient déjà fait, tout au moins, précisait-il, « ceux d’entre vous qui sont économistes ». Cette restriction me faisait tiquer et j’entendais y répondre, quand, le lendemain, Alain faisait circuler une lettre que lui avait écrite Christian du Tertre. Plus tard dans la journée du 1er avril, je faisais parvenir à Alain, aux MAUSSiens et à Christian, le message suivant :

Alain,

Une critique amicale (qui s’adresse aussi à Christian du Tertre). Tu écris à propos de l’appel à la signature d’un « Manifeste pour une économie politique institutionnaliste » : « Ça serait bien que ceux d’entre vous qui sont économistes et ne l’ont pas encore fait le fassent ». Je comprends ton souci de fédérer les économistes qui n’appartiennent pas à cette « école de Chicago » qui tient aujourd’hui le haut du pavé. Ce ne serait pas une mauvaise chose en effet pour ceux qui sont « ailleurs », qu’ils serrent les rangs s’ils veulent gagner un peu de pouvoir dans l’université et dans la recherche. Mais le fait-même qu’il faille faire des appels du pied après tant d’années de cohabitation acrimonieuse entre eux me rappelle qu’il est bien tard car cela fait quoi ? vingt ans ? trente ans ? que les « institutionnalistes » sont là, penchés au bord d’un nouveau paradigme, paralysés et incapables de faire le saut ! La crise dans laquelle nous sommes aujourd’hui plongés était prévisible et je ne leur ferai pas l’insulte de penser qu’ils ne l’ont pas vu venir mais qu’ont-ils dit ? je les ai vus pour ma part muets comme des carpes !

Il existe en Amérique une valeur sympathique, l’importance de donner à celui qui a échoué une deuxième chance, et c’est pour cela que je n’exclus pas les économistes du nombre de ceux qui doivent – car la chose est maintenant urgente – être à l’origine d’un nouveau paradigme pour l’étude des phénomènes économiques. Mais je crois qu’il serait judicieux que tu fasses appel à toutes les bonnes volontés. Pour mettre à une nouvelle sauce une vieille rengaine : l’économie est trop importante pour qu’on la laisse aux seuls économistes.

Merci,

Paul

Le 3 avril, Christian du Tertre réagissait à mon message par une deuxième lettre, également très importante. Il m’a aimablement autorisé à reproduire ici ses deux lettres.

Bien entendu, les problèmes institutionnels des économistes français ne sont pas nécessairement les miens mais il existe à nos préoccupations une partie commune tout à considérable qui justifie mon implication.

Lettre envoyée à Alain Caillé, le 1er avril 2008.

Cher collègue,

nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises sans nous connaître très bien. Je trouve l’idée d’un manifeste pour une économie politique institutionnaliste extrêmement importante. Cette initiative me donne l’occasion de revenir sur certains enjeux de notre communauté scientifiques et éthiques.

Nous sommes dans une période charnière où des ouvertures et de nouveaux combats se présentent qui ne sont pas perdus d’avance :

– les dispositifs institutionnels de la recherche et de l’enseignement supérieur, notamment en France mais aussi en Europe, sont en train d’être ébranlés. Cela peut être l’occasion de faire évoluer les choses si nous ne restons pas figés sur des positions de principes abstraits de « défense de la recherche » ou de « défense de l’université ». Il faut changer la recherche et changer l’université sur la base de processus discutés entre nous, sur des principes de collégialité, de rapport à la société, de rapport au réel de notre travail de chercheur. Nous avons besoin de critiquer et de proposer ;

– la période est charnière, également, pour des raisons de générations, de transmission de valeur et de problématiques de recherche. Un petit bilan rapide et un peu sévère me laisse penser que : un grand nombre de professeurs sont en train de partir à la retraite ou sur le point de partir. La situation actuelle est, pour eux, la dernière occasion de se rendre utiles. La génération des professeurs de cinquante ans est beaucoup moins nombreuse et a peu percé sur le plan théorique ; elle est de plus mal organisée, la concurrence qui s’est installée entre eux ayant laissé des traces. La génération des professeurs de quarante ans est, selon moi, à la dérive ; dans son ensemble, elle a sacrifié le fond critique des approches institutionnalistes pour passer sous les fourches canoniques des économistes néoclassiques et matheux. Les maîtres de conférences qui ont dépassé la cinquantaine et la soixantaine sont souvent « cassés » et dispersés ; les plus jeunes (quarante ans) essaient de se construire un parcours, mais c’est très difficile, pour eux car ils manquent d’appui, notamment institutionnels. Les plus jeunes, encore (trentaine) sont attirés par la portée heuristique et critique des problématiques institutionnalistes, mais se trouvent souvent confrontés aux difficultés de l’intégration dans l’institution universitaire compte tenu du poids de la pensée orthodoxe. En conclusion, la situation n’est pas brillante, mais pas désespérée si on avance avec lucidité et persévérance en prenant une semi autonomie vis-à-vis de l’institution actuelle.

Dans cette perspective, voilà où j’en suis dans ma réflexion et sur les initiatives qu’il m’apparaît nécessaire de prendre :

Selon moi, en économie quatre enjeux se présentent :

1. l’évaluation de la recherche ; il ne faut pas laisser l’initiative à une vision bureaucratique et « néo-taylorienne » de l’évaluation qui bloque une évaluation des difficultés rencontrées dans notre travail de recherche et qui favorise, sur un plan institutionnel, nos « ennemis » ; Il faut donc d’une part engager sur ce thème une réflexion ; d’autre part engager là où nous sommes dans nos institutions des contre dispositifs.

Premières propositions : une réflexion et des initiatives ont été prises par des chercheurs spécialistes du travail appartenant aussi à d’autres disciplines (colloques à Paris 1, en juin 2007 publication en cours) avec François Hubault, ergonome, Christophe Dejours, psychodynamique du travail, professeur au CNAM et moi même) ; colloques et séries d’intervention au Brésil sur ces enjeux en mars 2008 par ces chercheurs. Conférences d’ATEMIS en 2007 sur le thème de l’évaluation…
Le Germe de l’université Paris Diderot a commencé à organiser un colloque sur ce thème de l’évaluation. Ceux qui sont intéressés peuvent s’y associer, en leur nom personnel ou au nom de leur institution de recherche ; c’est un processus long qui s’engage. Me contacter pour y contribuer.
Par ailleurs, dans nos universités, au CNU, au CNRS, à l’INRA, des débats sont engagés sur l’évaluation ; il faut s’en préoccuper et s’y engager. Je propose que toutes les personnes qui souhaitent y contribuer se regroupent (je suis prêt à faire dans un premier temps office de « boite au lettre »). L’association Recherche et régulation peut être un point d’appui à une telle coordination ;

2. Sur le plan institutionnel, en France, il faut casser le monopole de l’agrégation en économie et casser le monopole du CNU 5ème section. Il faut constituer les bases d’une autre discipline : « économie institutionnaliste » ou « économie politique institutionnaliste » séparée de l’économie mathématique (notamment de l’économétrie), de l’économie de l’équilibre. L’enjeu est de se constituer en discipline à part. La bataille interne a été perdue par les générations précédentes (agrégation externes maintenues, agrégations internes convoquées au fil de l’eau, position opportunistes d’un trop grand nombre de nos collègues ayant passé l’agrégation… Nous avons à rompre avec cette orientation ; nous avons besoin de faire un détour pour trouver d’autres formes de recrutement et de promotion ;

3. Pour renforcer ce processus institutionnel, nous avons besoin de faire converger les revues à comité de lecture dans le cadre de « l’économie institutionnaliste », éviter l’éparpillement et la concurrence entre elles, mais éviter aussi le manque de diversité ; dans cette perspective, il faut se battre ensemble pour que ces revues soient répertoriées par le CNRS, l’INRA et refuser le système des étoiles ;

4. Dans la même perspective, le rapprochement avec des revues étrangères est très utile. Cependant, ll faut éviter la suprématie des revues anglo-saxonnes. Rédiger en anglais est utile pour échanger au niveau mondial, mais la subtilité de la langue maternelle est essentielle pour avoir des critiques fondées, nuancées, contributives, inventives. Faire des colloques directement en anglais comme le font certains de mes collègues régulationnistes (Prochain colloque de Paris13) est une catastrophe, une véritable liquidation des aspects de patrimoine culturel dont sont porteuses les langues maternelles. Il faut rompre avec ces pratiques déplorables. Il faut encourager les traductions, mais ne pas substituer un article en anglais à la rédaction en français. Dans cette perspective, il faut faire alliance avec les Allemands qui paradoxalement utilisent plus que nous leur langue maternelle, les Espagnols, les Portugais,…, les Québécois. Cela permet également des échanges avec le continent sud américains qui recherche des points d’appui hors de l’Amérique du Nord ;

5. Nous sommes beaucoup trop dispersés. Nous avons besoin de nous coordonner pour faire converger nos approches. Je me réjouis de l’initiative de la revue MAUSS. Ne faisons pas de « nos petites différences » des contradictions trop fortes, parfois utiles à nos ego, mais aux conséquences déplorables. De son côté l’association Recherche et Régulation organise, dans le cadre de son séminaire ARC2 un débat le lundi 14 avril sur la réforme de l’université ; c’est un rendez-vous qui peut -être utile au renforcement de cette convergence ; Cette association peut-être un point d’appui à une meilleure coordination entre nous. Bien entendu, un point d’appui simplement, l’ensemble des autres composantes de cet espace se retrouvant sous l’appellation « économie politique institutionnaliste » sont essentielles ;

6. En tant qu’économistes, nous devons engager une réflexion approfondie sur l’économie de la connaissance, la production de connaissances, l’émergence de nouveaux dispositifs institutionnalistes dans cette sphère d’activité qu’est la recherche, la formation, les études et le conseil… La recherche en sciences sociales et humaines ne relève pas des mêmes ressorts que la recherche en sciences du vivant ou en sciences dites exactes. Les dispositifs institutionnels hérités de l’histoire sont très marqués par la recherche en sciences exactes et très peu pertinents vis-à-vis de nos disciplines. A cet égard, il est nécessaire d’analyser cette économie de la connaissance en lien avec les autres disciplines des sciences sociales; engager des comparaisons internationales. La question du travail intellectuel doit être au coeur de la réflexion. Trop d’économistes, notamment régulationistes, après avoir fait du rapport salarial (années soixante-dix et quatre-vingts) un aspect central de leurs recherches ont abandonné ce domaine de recherche pour aller vers de d’autres champs importants de l’économie, mais sans faire plus aucun lien avec le travail. Le problème n’est pas de se préoccuper des autres champs de l’économie, mais d’abandonner la centralité du travail. Elle est selon moi l’une des causes de la situation dans laquelle nous sommes ; car quant au fond c’est l’abandon de la « valeur travail » que ces chercheurs accréditent par leur démission quant au rapport salarial ;

– 7. Cela me renvoie à la nécessité de trouver un lieu où puisse être discuté la posture de chercheur, notamment d’économiste institutionnaliste ou de socio-économiste. Un lieu où puissent se discuter nos « disputes » entre pairs ; notamment notre rapport au réel. Sur quelles enquêtes travaillons nous, sur quelles données construites sur quelles bases? Quels concepts fondamentaux mobilisons nous ? Quels faits stylisés et quels concepts intermédiaires ? Quelles exigences vis-à-vis des jeunes ? Quelle culture quant à l’histoire de la pensée (j’ai rencontré dans les écoles de la régulation, des Maîtres de conférence, jeunes recrues, penchant vers notre courant de pensée, n’ayant jamais lu ni travaillé les classiques et Marx, faisant des contresens « manifestes » par écrit…) ! Je ne les blâme pas, mais je me dis qu’il y a malgré tout du pain sur la planche pour discuter de notre métier, du pain sur la planche pour nos anciens afin qu’ils ne partent pas sans avoir transmis aux jeunes tout ce patrimoine essentiel pour faire de nous des chercheurs pertinents, contributifs, capables de tenir une posture éthique malgré les « attraits » de la carrière et des titres.

Cette lettre est pour moi l’occasion de relancer un débat que j’ai ouvert au sein du Conseil d’administration de l’association « Recherche et Régulation » au mois de janvier 2008 et qui est resté sans suite en dehors du séminaire ARC2.

Je réitère ma proposition de servir de point d’appui aux collègues qui considèrent que quelque chose est possible et que les quatre années qui viennent sont une « fenêtre de tir » pour faire bouger les choses.

Cher collègue, cette longue lettre que je t’écris est le signe de ma reconnaissance, quant à l’initiative que tu as prise. Je signe bien évidemment le texte. Je serais ravi de déjeuner ou dîner avec toi pour en discuter plus longuement.

Amicalement

NB. J’ai reçu ton document par l’intermédiaire de Bernard Chavance qui est dans mon labo et qui est un ami de très longue date.

Christian du Tertre

Lettre envoyée à Paul Jorion et à Alain Caillé reprise le 3 avril

Je comprends votre critique et je ne suis pas loin de la partager. Il me semble que l’immobilisme que vous critiquez, à juste titre, chez les économistes institutionnalistes, signifie que l’engagement n’est pas qu’une question intellectuelle. Un paradigme qui relève de l’économie politique institutionnelle est essentiel, mais pas suffisant à l’action. Le problème n’est pas de donner une deuxième chance ou une troisième voire une quatrième, mais de comprendre les « raisons des autres » et d’essayer de voir en quoi des éléments ont manqué dans les périodes précédentes.

De mon point de vue, quatre autres conditions doivent être réunies, en dus d’une analyse partagée sur l’économie politique institutionnaliste :

1. Discuter ne notre métier et de notre « posture » de chercheur dans notre métier. Cette question a été largement abordée par les ergonomes et les psychologues du travail pour de nombreuses catégories de salariés dans une conjoncture de grande transformation structurelle du contenu du travail, du travail comme activité. Il faudrait s’en préoccuper également pour notre métier de chercheur en sciences sociales et humaines. Dans cette perspective, le point (d’ailleurs pas abordé dans le manifeste), à mon avis pourtant essentiel, tient au fait que nos sociétés (depuis les trente ans mentionnées dans votre mail) ont connu des modifications structurelles fondamentales : passage d’une économie tirée par l’industrie à une économie tirée par les services // une économie fondée sur des attributs dénombrables et mesurables quant aux produits et aux services rendus, à une économie que je nomme « immatérielle » fondée sur des attributs non dénombrables et non mesurables // une économie où la connaissance provenait essentiellement des sciences exactes avec des dispositifs de médiation avec les technologies (produits/équipements productifs) ; les sciences sociales et humaines étaient renvoyées au seul domaine de la philosophie politique ; à une économie où les sciences sociales et humaines non seulement restent essentielles au domaine de la philosophie politique, mais deviennent des connaissances fondamentales dans le cadre d’une économie de service et d’une économie de l’immatériel // si la subjectivité et l’intersubjectivité ont été largement niés et réduits dans l’économie industrielle, notamment taylorienne et fordienne, aujourd’hui, la subjectivité et l’intersubjectivité sont au cœur des dynamiques économiques et du travail ; ce sont des dimensions essentielles de la dynamique économique ; mais attention pour le pire ou pour le meilleur (exploitation du stress, culpabilisation, rumeurs, perversion…/ ou nouvel équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ; espace de construction de soi dans le lien à l’autre ; assez créatif de la coopération…). Ces questions sont présentes dans les entreprises, dans toutes les formes d’organisations. Les alliances entre l’économie orthodoxe, certains courants de la psychologie cognitive, des neurosciences, les alliances avec la psychologie comportementale, les technologie du coaching etc.… s’organisent sous nos yeux et ont des effets dévastateurs dans les organisations. De notre côté nous devons ouvrir les sciences sociales aux sciences humaines qui traitent du travail comme centralité des activités et du sujet (psychanalyse freudienne, psychopathologie du travail…) et trouver les modes d’articulation avec les organisations du travail contemporaines à faire évoluer, à « gérer » différemment (les gestionnaires sont de ce point de vue interpellés). Passer à côté de ces réflexions conduira à reproduire l’isolement de « l’économie politique institutionnaliste » vis-à-vis du réel et in fine de son isolement comme courant de pensée ;

2. Notre communauté « même apparemment bien pensante » a été traversée par la dureté de la concurrence entre « collègues », conséquence d’un côté de la politique mise en place par les institutions universitaires, grands établissements comme le CNAM ou l’EHESS, le CNRS, l’INRA, l’INRS…; de l’autre par l’abandon de posture éthique de collègues. Disons les choses simplement, les « coups bas » ont malheureusement été nombreux y compris entre chercheurs « bien pensant » se réclamant de « l’économie solidaire », de l’économie institutionnaliste, de la socio-économie. Arriver à concilier posture intellectuelle, posture de métier et posture déontologique est essentielle pour que la confiance soit l’un des ressorts de ce que nous aspirons à construire. La cohérence entre la pensée, l’engagement et la civilité entre nous (« les conditions du vivre ensemble ») ne peut pas être passée sous la table. J’apprécie beaucoup dans le texte manifeste le passage 14 « bâtir une communauté morale et juste » ; « aucune communauté politique ne peut être édifiée et perdurer si elle ne partage pas certaines valeurs centrales et elle ne peut pas être vivante si la majorité de ses membres ne sont pas persuadés…, que le plus grand nombre d’entre eux (et tout particulièrement les leaders politiques et culturels (souligné par moi), les respectent en effet ». Parfaitement d’accord, parfaitement important ;

3. Je souhaite, revenir aussi sur le travail, notre travail de chercheur dont nous parlons très peu ; des difficultés que nous rencontrons dans la recherche, dans l’enseignement, dans le sens de nos recherches vis-à-vis de la société civile, à l’ère de la quasi absence des syndicats de salariés et des partis se réclamant d’une pensée et d’une action civile. Deux problèmes se posent :
i. le lien avec les acteurs, avec le réel, les évènements ;
ii. les dispositifs que nous avons à mettre en place au sein de notre profession, vis-à-vis des jeunes, des moins jeunes, des confirmés et des seniors (en retraite ou proche de la retraite). Un exemple : donner un avis fondé sur une thèse demande du temps, de l’énergie, des connaissances et de l’expérience ; la diversité des générations est utile…

4. Dernier point, ne sous-estimons pas les effets subjectifs de nos échecs, des trahisons que nous avons rencontrées… Ne mettons pas la tête sous l’oreiller et parlons aussi de cela pour être à même de les dépasser. Comme tout travail de « réparation » ou de « deuil », cela demande du temps, de mettre l’impatience de côté et de la tolérance.

Les collègues seront peut-être moins muets comme des carpes, recroquevillés sur la défense de leur « pré-carré » et sur le peu d’estime qu’ils ont d’eux-mêmes, lorsque l’on trouvera l’espace de discuter de cela, de le partager pour le dépasser.

Le projet que vous lancez est selon moi, intellectuel, institutionnel, professionnel et humain. C’est dans cette capacité à articuler et à mettre des mots sur ces enjeux qu’il m’intéresse et qu’il peut être porteur de mouvement et d’avenir plus prometteur.
Encore une fois, merci d’être porteur de cette initiative.

Christian du Tertre

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4 réponses à “La science économique et les temps qui sont les nôtres”

  1. Avatar de Eric Dannemark

    Cette discussion est bien sympathique. A certains égards. Seulement. Car elle vient beaucoup trop tard. La marchandisation de la connaissance est avancée et l’université se consacre de plus en plus à produire des marchandises à livrer sur le marché du « travail ». Les enseignants de « science » économique ou autre, agrégés ou pas, doivent amuser leurs clients et en faire des travailleurs prêts à l’emploi. La taylorisation gagne l’université et les métiers dits intellectuels sont des métiers d’experts en utilisation de logiciels. Un système saturé entre en régression. La régression est en route. Les économistes qui pensent leur discipline ou leur objet comme une île à part des autres disciplines ou de la société – quand bien même la trouveraient ils institutionnelle, et alors amendable, finiront peut être par se rendre compte de la régression plus vite que leurs autres collègues; mais ce n’est pas pour autant qu’ils se mettront en capacité de forger les moyens de construire un autre système, une autre civilisation. Ils sont moins utiles que de moins intellectuels qu’eux mais qui dans les interstices ou ailleurs sont en résistance et commencent à mettre en place des briques, des liens porteurs d’espérance. Tout autant que ceux qui, comme Alain Caillé y a invité, « dépensent » l’économie plutôt que de vouloir la panser ou la penser alors qu’elle ne peut l’être, elle ne peut même pas être dite, et qu’user encore de son phonème c’est rester pollué dans un système dont la régression journalière nous accable.

  2. Avatar de fnur
    fnur

    Concernant les conditions de travail dans le privé que j’expérimente, les problèmes s’aggravent sous l’effet de mode des consultants ou coachs en tout genre. Un exemple est l’open space ou bureau paysager( ça fait écologique ) qui s’est généralisé afin prétend on de favoriser la communication.

    En réalité, on demande aux gens de concevoir, travailler, réfléchir donc dans un bruit permanent. Les directions qui imposent cette aberration trouvent que ces fameux bureaux paysagers sont plus jolis, plus tendance en somme, même si les usagers pour la plupart sont stressés. Il s’agit d’une véritable entreprise de suppression de l’intimité. Quelque chose d’assez proche des pratiques de certaines sectes.

    Il serait temps de remplacer les consultants en organisation, payés très cher souvent pour raconter des histoires, incultes et arrogants de par leurs rémunérations leur donnant le sentiment d’appartenir à une élite, n’ayant pour lecture que des textes de propagande de marketing, par des chercheurs en sciences humaines afin de réhumaniser les conditions de la production. Remettre le travail( push ) et ses conditions au centre du politique, plutôt que le marché( pull ).

    Le plus étrange dans tout ça est que ces mauvaises conditions de travail sont, en plus d’être nocives pour ceux qui les subissent, contre productives, surtout lorsque l’on prétend produire de l’innovation.

  3. Avatar de Karluss
    Karluss

    Deleuze avait raison, l’université ne doit pas remplacer les écoles … ni l’inverse !

  4. Avatar de Bizz
    Bizz

    « La crise dans laquelle nous sommes aujourd’hui plongés était prévisible et je ne leur ferai pas l’insulte de penser qu’ils ne l’ont pas vu venir mais qu’ont-ils dit ? »
    De combien d’autres décideurs notamment politiques peut on dire la même chose ? Au regard de publications sur internet de sites spécialisés, n’étant moi même pas connaisseur, rien ne semblait plus inéluctable que cette crise …

    « l’économie est trop importante pour qu’on la laisse aux seuls économistes. »
    J’ajouterais que les économistes se doivent d’intervenir au delà de l’économie, la où leurs théories (réflexions, orientations) s’appliquent sans que personne ne puisse les mettre en doute. Les conséquences sociales (répartition de la richesse, dégradation des états dit sociaux, exploitation moderne proche de l’esclavage) de la pensée unique néo-libérale sont elles acceptées de tous les économistes ?

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