Etat-Providence / Etat-Prédateur

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

La recension aujourd’hui dans l’Austin American Statesman du livre de James K. Galbraith (fils de John Kenneth Galbraith), The Predator State : How Conservatives Abandoned the Free Market and Why Liberals Should Too (New York : Free Press, 2008), par Roger Gathman, appelle de ma part, les remarques suivantes :

1) La déconfiture du mouvement syndical aux Etats-Unis ne résulte pas uniquement du travail de sape du patronat mais aussi de son adoption calamiteuse d’un modèle mafieux ;

2) La concentration de l’Etat-Providence aux Etats-Unis dans le domaine de l’accès à la propriété de son logement (facteur d’unification entre minorités ethniques multiples – y compris parmi les blancs : Anglais, Irlandais, Italiens, etc.) débouche à intervalles réguliers sur des bulles financières à l’éclatement dévastateur ;

3) La privatisation des guerres américaines (soldats professionnels remplacé par des mercenaires) comme on le constate aujourd’hui en Irak où le nombre de « contractuels » dépasse désormais celui des militaires, est essentiellement motivée par le fait que les pertes humaines en contractuels ne sont pas publiées (et sont même censément « inconnaissables ») – évitant ainsi l’ »effet psychologique » qui mina la confiance dans la guerre au Vietnam ;

4) Le tiraillement entre deux modèles de société : centré sur le monde des affaires / centré sur une démocratie directe, n’est pas neuf aux Etats-Unis, il existe déjà sous sa forme complète et moderne dans l’affrontement entre les conceptions de deux « pères fondateurs » : Alexander Hamilton (pouvoir de fait attribué aux banquiers) et Thomas Jefferson (pouvoir de fait attribué à l’Etat fédéral).

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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2 réponses à “Etat-Providence / Etat-Prédateur”

  1. Avatar de Armand

    Je pense que tout est, en effet, là, Paul : Jefferson ou Hamilton.

    L’Amérique, ça n’existe pas, ou plutôt ça n’existe plus. Ce n’est plus qu’une projection virtuelle –hollywoodienne– dans les esprits de mots sans essence, de concepts creux.

    Le véritable choix eu lieu ily a deux siècles. Lorsque les Français offrir La statue de la Liberté éclairant le monde à ceux qui, alors, le méritaient. Depuis ni ceux-ci ne sont dignes de se prévaloir de Liberté, ni ceux-là d’en mériter l’hommage.

  2. Avatar de Étienne Chouard

    À propos d’Alexander Hamilton :

    Bonjour,

    N’y a-t-il pas un contresens à reprocher à Hamilton l’abandon du pouvoir monétaire aux banquiers (sous-entendu ‘privés’) alors qu’il plaidait au contraire, à ma connaissance, pour le « crédit productif », c’est-à-dire une banque nationale publique finançant (sans intérêts) les investissements publics ?

    À propos de Hamilton (et de Friedrich List, ce penseur méconnu tellement utile aujourd’hui !, récemment réédité – « Système national d’économie politique », Tell Gallimard, 1998 – grâce à Emmanuel Todd qui a écrit une très intéressante préface), à propos de Hamilton donc, ne ratez pas le document suivant, que je trouve littéralement passionnant :

    Le véritable Système américain d’économie politique contre le libre-échange»

    Il semble que Larouche (aux USA) et Cheminade (en France) – héritiers des Whigs semble-t-il, c’est-à-dire de la pensée de Hamilton et de List précisément, et critiques opiniâtres de la superstition libre-échangiste et laissez-fairiste – fassent l’objet des pires calomnies (ils se sont probablement fait beaucoup d’ennemis influents en dénonçant à la fois l’oligarchie financière et libre-échangiste d’un côté, et l’écologie décroissantiste de l’autre)… alors que, objectivement, même si on peut évidemment être en désaccord avec telle ou telle thèse, leur site est une mine de documents utiles pour comprendre les intrigues internationales qui justifient (et financent) les doctrines économiques à la mode. Paul, avez-vous des infos américaines qui ne soient pas de simples rumeurs sur ce mouvement et ces idées ?

    Pour le sabotage de la création monétaire aux USA, j’avais cru comprendre que c’est Wilson qui avait lâché le morceau en 1913…

    À ce sujet, voir l’incroyable documentaire (que vous avez sûrement déjà signalé quelque part sur ce blog) :

    « America from freedom to fascim »

    (le lien vers la première vidéo est HS ; en voici un autre.

    C’est à ne pas rater, je crois.

    Amicalement.

    Étienne.

    PS : Voyez aussi ce texte très intéressant qui insiste sur l’usage –impérativement productif– qui doit être fait de la monnaie créée par la puissance publique :

    « Le crédit productif : le financement des grands projets par une banque nationale »

    PPS : j’ai parlé hier du tirage au sort comme alternative astucieuse à l’élection, mais sans détailler.
    Pour ceux que ça intéresse, j’ai rédigé une synthèse sur ce point clef de toute démocratie digne de ce nom :

    « Tirage au sort ou élection ? Démocratie ou aristocratie ? Qui est légitime pour faire ce choix de société ? Le peuple lui-même ou ses élus ? »

    Ce n’est pas du tout sans rapport avec la monnaie et les crises financières : à mon avis, l’élection (on ne le savait peut-être pas au départ, mais aujourd’hui, c’est une évidence) permet finalement (toujours et partout) aux riches d’acheter le pouvoir.

    L’élection permet aux riches d’acheter le pouvoir.
    Le tirage au sort l’interdirait.

    Et tant qu’on ne sortira pas de l’ornière institutionnelle de l’élection (et des partis, nécessaires pour gagner les élections et seulement pour cela), on ne changera rien au sabordage monétaire actuel : je crois que les deux réflexions sont liées : pas de souveraineté monétaire sans reprendre le contrôle de la Constitution, c’est-à-dire le contrôle de nos élus. C’est au plus haut niveau du droit qu’il faut protéger la souveraineté monétaire et cela, JAMAIS les élus actuels ne le feront (à cause, probablement, de leur dette électorale, passée et à venir).

    1) Monnaie et Constitution me paraissent donc deux préoccupations citoyennes indissociables, et 2) on n’a pas grand-chose à attendre de nos élus : c’est à nous (les autres, ceux qui n’ont pas le pouvoir et qui exigeons d’être bien protégés contre les abus de pouvoir) de nous réapproprier le processus constituant.

    Donc, le tirage au sort devrait naturellement vous intéresser tous, vous qui réfléchissez à la monnaie 😉

    Et bien, il était long, ce post scriptum, pardon… 🙂

    Étienne.

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