Notre débat sur la monnaie : et si c’était à refaire ?

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Les experts reconnus vous diront qu’engager le dialogue avec les « amateurs éclairés » qui tentent de poser un œil critique sur leur discipline, est non seulement une perte de temps mais peut se révéler aussi une expérience dangereuse pour vous puisque votre nom se retrouve in fine associé aux thèses hétérodoxes dont vous avez accepté de débattre avec eux.

La discussion que nous avons engagée sur « la création monétaire » pourrait sembler leur donner raison. Arrivé au bout du parcours, j’ai trouvé beaucoup d’erreurs de raisonnement et parfois pire : quelques falsifications intentionnelles. La position où je me retrouve à l’arrivée est celle que j’avais au départ : celle des « experts » reconnus de la question, celle qu’exprime la théorie financière dominante telle qu’on la trouve exprimée dans les livres de référence de ma profession d’ingénieur financier.

Ai-je des regrets ? Non, et ceci pour plusieurs raisons. La première est que j’aurais pu continuer d’entretenir un doute : ma connaissance était-elle un véritable savoir ou bien l’aboutissement d’un endoctrinement ? Vous m’avez obligé de refaire le raisonnement entièrement, du début à la fin, et j’en ai éprouvé chacune des étapes au test de vos multiples objections. La deuxième, est mon intérêt en soi pour le fonctionnement de l’explication, je lui consacre mon livre à paraître et l’anthropologie des savoirs est celle à laquelle je m’identifie complètement. La troisième raison, est la découverte que j’ai faite à cette occasion du mécanisme de la manipulation de l’opinion par la désinformation. L’exemple est excellent : l’argent – un sujet qui nous touche tous de près ou de loin ; l’argent – un moyen que nous utilisons tous les jours sans que cela nous pose de problèmes ; les banques – qui nous prennent cet argent sous des prétextes multiples ; la monnaie – qui repose sur une « multiplication des pains » : la magie des « réserves fractionnaires » ; soit, au total, une combinaison fatale de mystère et de ressentiment qui nous fait suspecter l’existence d’un « scandale » et nous encourage à relâcher les principes que nous appliquons habituellement au raisonnement. J’ai pu constater ici que les « amateurs éclairés » ne prêtent pas suffisamment attention au fait qu’un maillon vicié dans le raisonnement (faux par naïveté ou par rouerie) l’invalide entièrement ; en ignorant cela ils tendent aux « experts » qu’ils critiquent les verges pour les battre.

Referais-je l’expérience ? Oui, parce que je reste convaincu qu’il existe des cas où les « amateurs éclairés » y voient en effet plus clair que les experts d’un savoir qui s’est fossilisé au fil des années. Oui, parce que je reste fasciné par le processus de la découverte : j’ai accepté autrefois un débat sur les OVNI, où j’ai découvert de la mauvaise foi dans les deux camps, j’ai ensuite accepté ici-même un débat sur 9/11 qui m’a permis de découvrir comment la morgue des experts les empêche de communiquer les résultats pourtant justes auxquels ils parviennent. Avis simplement à ceux qui ont quelque chose à vendre, de brun ou de noir : je ne vous tolérerai pas davantage.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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192 réponses à “Notre débat sur la monnaie : et si c’était à refaire ?”

  1. Avatar de nadine
    nadine

    @ jean bayard

    Aprés vous avoir lu, je suis allé sur votre site que je trouve trés interessant mais je n’arrive toujours pas à comprendre votre phrase : »car l’épargne bancaire est placée dans des parkings monétaires sans utilité pour l’économie ».
    Je pensais que l’épargne etait reinjecté dans l’économie avec un intéret pour l’épargnant ?
    Si vous pouviez expliquer pourquoi ce n’est pas ainsi ça m’aidera à comprendre l’ensemble du raisonnement.
    En vous remerciant.

  2. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    Bonjour à tous,

    J’ai eu vent de ce fil de discussion par Etienne Chouard, qui l’a transmis au groupe des sociétalistes, dont je fais partie. Je vois que les pro et les anti « ex nihilo » sont bien fermes sur leurs appuis.

    Je vois aussi de longs développements, très instructifs, mais qui parfois rendent difficile l’excision de l’information, ou de l’interrogation, pertinente.

    Enfin, j’ai parfois le sentiment que certains arguments se rapportent au sexe des anges…

    En conclusion, il reste quelques interrogations, auxquelles chacun trouvera facilement la réponse:

    – La monnaie moderne est-elle une réalité matérielle, ou un symbole de la richesse réelle?

    -Si c’est un symbole, elle ne peut être produite physiquement, même si elle est parfois « endossée » par un substrat réel (billet, pièce, titre au porteur, etc).

    -Si elle ne peut être produite physiquement, alors elle est par nature tirée du néant, et non pas de la réalité tangible qui nous entoure.

    Donc, et je pense que tout le monde est d’accord sur ce point, la monnaie moderne est une pure création de l’esprit humain. Elle n’existe pas en tant qu’elle même, quand bien même il existerait une production physique par le travail de l’Homme (découplage entre monnaie et valeur).

    Dès lors, une grande question reste en suspens au fil des débats sur le présent blog: QUI crée la monnaie à partir de rien? Cette question est éminemment politique, car elle implique de décider subséquemment qui DEVRAIT dans l’idéal émettre la monnaie, pour quels usages, à quelles conditions, etc.

    Or, c’est bien ce débat-là qui est escamoté dans notre monde. Et c’est bien cet escamotage qui nous conduit, collectivement, à suivre des préceptes et des voies qui conduisent l’humanité à sa perte.

    Donc, il me semble que, quel que soit le mécanisme par lequel la monnaie est créée puis distribuée aux acteurs économiques, celui-ci ne répond absolument pas aux exigences du développement humain. C’est donc qu’il est nécessaire de le modifier. Et vite.

    Brieuc

  3. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Brieuc Le Fèvre @ 5 décembre 2008 à 20h41
    dit:

    «  »- La monnaie moderne est-elle une réalité matérielle, ou un symbole de la richesse réelle?

    -Si c’est un symbole, elle ne peut être produite physiquement, même si elle est parfois “endossée” par un substrat réel (billet, pièce, titre au porteur, etc).

    -Si elle ne peut être produite physiquement, alors elle est par nature tirée du néant, et non pas de la réalité tangible qui nous entoure.

    Donc, et je pense que tout le monde est d’accord sur ce point, la monnaie moderne est une pure création de l’esprit humain. Elle n’existe pas en tant qu’elle même, quand bien même il existerait une production physique par le travail de l’Homme (découplage entre monnaie et valeur). » »

    J’ai peut-être raté un sens de ce que tu dis. Car, attention: « si la monnaie peut être produite physiquement,
    alors –> elle est par nature tirée du néant, et non pas de la réalité tangible qui nous entoure. »
    Mais si, la monnaie doit être tirée de la réalité ! C’est la réalité produite l’ « étalon » qui détermine la monnaie.

    Sans entrer dans le système financier actuel, on peut affirmer que la monnaie immatérielle est « tirée du néant » PARCE QU’IL Y A une production physique accomplie. Cette production physique EST fait donc partie de la réalité tangible qui nous entoure et qui permet, parce qu’il y a cette réalité produite, qu’il y ait alors un REFLET de la dite production, ce reflet est donc monétaire, et il est concrètement le vrai pouvoir d’achat, sans prendre dans les poches de personne et sans oublier personne.

    Aujourd’hui, il n’en est rien. Le crédit est payant et cher, avec les intérêts à verser en plus des remboursements, le crédit est généralement octroyé par anticipation de la production et la création de la monnaie qui y correspond est, ici, l’objet des commentaires.

    Je résumerais en un seul mot, non pas QUI crée la monnaie, mais QUOI la crée, ce qui me paraît plus « fondamental » et objectif. C’est QUOI qui nécessite la création de la monnaie? C’est la nécessité d’acquerir un permis légal d’acheter les biens offerts sur le marché parce que demandés. Si je produis moi-même, j’ai besoin d’acheter certaines choses que je ne fabrique pas. Ce que je fabrique ne me coûte rien, ou seulement des matières premières. Donc j’ai besoin de permis d’acheter ce que je ne fais pas, mon client qui ne fabrique pas ce que je fabrique a besoin de permis d’acheter pour acheter mes produits, etc. Tous les producteurs sont « en règle » pour avoir des permis d’acheter, par rapport à ce qu’ils produisent des choses que les autres ne font pas.

    Si cette base de la monnaie est pratiquée, il ne doit pas y avoir ces périodes (assez fréquentes) où les permis d’acheter manquent alors que les produits surabondent.

    Si nous ne pouvions pas acheter des produits par manque de produits, le problème n’aurait rien à voir avec le problème de la rareté monétaire. Rareté dans les poches de ceux qui en ont besoin, car actuellement la monnaie surabonde mais elle n’est JAMAIS LÀ OÙ IL FAUT !

    Si nous ne pouvons pas acheter des produits par manque de monnaie, c’est là toute la question lancinante et douloureuse comme une plaie purulente qui ne guérit jamais, avec les conséquences sociales dramatiques de détériorations suraiguës des rapports entre les hommes, ce qui se comprendrait mieux par manque de produits et services, mais qui ne se comprend nullement par manque de monnaie puisque les produits et les services existent en abondance et ne demandent qu’à trouver preneur, preneur solvable s’entend.

    L’investigation monétaire montre au minimum le résultat affligeant que le pouvoir d’achat est siphoné par le fonctionement du système financier à intérêts voleurs, parfaitement injustifiés. Par comparaison imagée, c’est comme si un train en partance avec 600 places ne pouvait pas embarquer les 600 voyageurs se présentant tous en règle avec l’argent (alias la production) de leur billet payé, et que la compagnie (alias les banques) déclare: nous ne pouvons prendre que 300 voyageurs car nous n’avons imprimé que 300 billets (alias politique du « crédit »). Aussitôt: bousculades et bagarres violentes, surcoût grimpant en flèche, des voyageurs préférant ne pas partir et revendre leur billets faisant monter les enchères trois ou quatre fois son prix d’achat, etc… le train finalement part avec 200 personnes gromelantes, 400 sièges vides pourtant ayant pu être payés, laissant le pugilat de 400 personnes frustrées sur les quais… Et au prochain départ, la compagnie aura augmenté ses billets en conséquence… Voici une allégorie du monde contemporain.

    Les producteurs fabriquent tous les produits nécessaires à la vie, mais, très curieusement, sauf un seul !! La monnaie. Nous sommes largement capables de faire ce que font les banquiers en tant qu’entrepreneurs privés et actionnaires sur le dos de la société, mais nous pouvons faire très bien et même mieux leur travail pour la Justice de la société toute entière!
    Ça vaut le coup de se bouger un peut quand même?

  4. Avatar de Candide
    Candide

    @ Jean Bayard et Rumbo (notamment)

    Je ne suis toujours pas convaincu par cette idée de « dépôts intouchables » et d’ »argent qui dort sur des parkings monnétaires ». Elle sous-entend l’existence de cloisonnements étanches dans les comptes des banques, ce qui me semble complètement contre-intuitif.

    En outre, la définition de la monnaie comme reflet de la richesse (actuelle ou future) me paraît pour le moins contestable, car cette équivalence est par définition instable. Un même objet peut avoir un prix très différent en fonction des circonstances, voire du lieu.

  5. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Candide dit :
    6 décembre 2008 à 13:22

    Si je lis, j’espère le plus attentivement possible jean Bayard, vu son expérience de comptabilité bancaire, je ne porte pas outre mesure d’attention aux « dépôts intouchables d’argent qui dorment sur les pakings bancaires » ; peut-être pourrons-nous glâner, ici et là, quelques éléments supplémentaires permettant de mieux situer cette assertion de Jean Bayard.

    D’autre part, il est toujours possible que l’équivalence: production-monnaie qui, à mon sens, est primordiale, soit « instable », le contraire étonnerait quelque peu. Mais c’est là ce qui serait l’essence et la pratique d’un organisme de création monétaire et son contrôle non privé pour un espace économique donné: régional, national, ou pluri-national, ou encore de réseaux économiques, d’accompagner et de réagir efficacement et positivement, pour l’intérêt général du bien commun dans la Justice, au niveau de la création et de l’émission monétaire relativement aux fluctuations de toute nature.

    Précison importante: quand je dis: équivalence rigide entre production et monnaie, ou: préserver l’unité entre la production et la monnaie, cela veut dire la même chose. Il s’agit là de la production industrielle et agricole – NOUVELLE – à laquelle DOIT CORRESPONDRE la CRÉATION D’UN ARGENT – NOUVEAU -, et ceci, bien sûr, une fois balancées et soldées toutes les dépenses de production de l’exercice en question. Précision encore, les ventes et transferts d’objets d’occasions ne rentrent pas dans cette égalité, donc son calcul.

  6. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    @Rumbo,

    En quelques secondes (je n’ai pas le temps de lire tout, ni de développer mes réponses en ce dimanche midi, repas de famille oblige 😉 )

    La monnaie est immatérielle. Je parle de son essence même. Le fait qu’elle doive représenter quelque chose de physique pour avoir un sens est la plus absolue vérité, et c’est ce que vous dites.

    Par contre, il est absolument certain que la monnaie n’est en rien nécessaire pour échanger du travail. C’est un moyen pratique, certes, mais pas indispensable. Et c’est en cela qu’elle est une pure création humaine ; le travail ne crée pas la monnaie, mais la richesse. La monnaie représente la richesse. Et en ce sens, vous avez raison quand vous réorientez ma question vers « pour QUOI la monnaie est-elle faite », plutôt que « par QUI est-elle faite ».

    Ceci dit, je file à table. Bon dimanche à tous!!!

    Brieuc

  7. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    @Rumbo et Candide,

    Après avoir lu l’intégralité des post suivant le mien du 5 décembre, je me joins à Rumbo sur toute la ligne: la monnaie doit représenter une réalité matérielle, parce que son rôle premier est de permettre l’échange du travail.

    Candide, je suis aussi d’accord avec vos propos: l’équivalence monnaie-production dépend du temps et du lieu de l’échange. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai l’habitude de dire que la monnaie est une représentation symbolique et conventionnelle de la valeur du travail.

    Et en mixant les deux, je me trouve aussi d’accord avec moi-même (ouf! J’échappe à la schizophrénie cette fois encore! 😉 ), à savoir que la monnaie est une pure création humaine, sans réalité objective, et qui doit donc, pour avoir un sens, se rattacher à une production réelle. Ceci me permet de penser que le fondement même du capitalisme financier (créer de l’argent à partir de l’argent) est une aberration, de même que l’idée qu’une « croissance » bénéficiant à l’humanité puisse se dégager de la spéculation, des produits dérivés, des paradis fiscaux, etc.

    La monnaie doit être créée par la production, et éventuellement pour la production, c’est à dire par anticipation (crédit), et sans intérêt.

    Ce qui, pour nous ramener au sujet principal de ce fil, implique de retirer aux banques privées le privilège de créer la monnaie (pour ceux qui croient à cette version, et j’en suis), ou à leur reprendre le privilège d’être seules à décider de l’allocation de la monnaie aux initiatives humaines (pour ceux qui pensent que la monnaie préexiste à son prêt par une banque privée). Dans les deux cas, il sera nécessaire, pour le bien commun, de repenser sérieusement le fonctionnement du circuit monétaire.

    Brieuc

    Brieuc

  8. Avatar de jean bayard
    jean bayard

    Bonjour à tous,
    @Nadine et @Candide
    Toujours en panne de connexion, jusqu’à la fin de la semaine si tout va bien du côté d’Orange.
    Il m’est difficile de vous répondre d’un cybercafé. Si vous voulez bien attendre le début de la semaine prochaine, j’essairai de répondre à vos questions sur les parkings monétaires.
    Merci et à bientôt
    jean

  9. Avatar de Jean Bayard

    Bonjour @ tous

    J’ai enfin retrouvé mes marques avec la connexion sur le Net.

    Voici, à mon avis, ce qui distingue les banques créatrices de monnaie des établissements financiers qui ne peuvent que la faire circuler.

    Pour créer la monnaie, les banques doivent remplir les conditions suivantes :

    a) elles doivent être banques de dépôts, puisqu’elles émettent de la monnaie scripturale en créditant le compte de dépôt à vue (DAV) de leur client, c’est pourquoi l’on dit que « les crédits font les dépôts »,
    b) elles mettent des moyens de paiement à la disposition de leurs clients,
    c) elles sont domiciliataires, c’est-à-dire que leurs clients peuvent tirer sur leurs caisses (leur domicile),
    d) tout comme elles peuvent tirer sur elles-mêmes, ou sur leurs caisses ce qui revient au même,
    e) elles ont accès à la compensation du fait qu’elles sont domiciliataires des transactions de leurs clients, et par abus de position de leurs opérations pour propre compte,
    f) elles ne sont donc pas dans l’obligation d’utiliser leur compte ouvert à la Banque Centrale, et ne se privent pas de cette liberté chaque fois que cela leur est possible, c’est-à-dire le plus souvent.

    Les établissements financiers ne peuvent que faire circuler la monnaie, car ils sont sous la dépendance d’un compte de banque approvisionné pour effectuer leurs opérations : d’emprunts pour se fournir en monnaie et de prêts d’argent à la clientèle. Ainsi, peut-on dire que « les dépôts font les crédits » chez les établissements financiers. Ils ne remplissent en principe aucune des conditions exposées ci-dessus pour créer la monnaie.

    Il existe toutefois une exception, existait devrais-je dire, ce sont les comptes chèques postaux (CCP), avant l’avènement de la Banque Postale, laquelle bénéficie à présent du statut de banque, si je ne me trompe.

    Voici comment fonctionnait les CCP, étant précisé que ceux-ci répondaient aux conditions a) b) et c) ci-dessus, sauf qu’ils n’ont jamais prêté d’argent, vous allez voir pourquoi. L’Etat français a toujours disposé des fonds drainés par les CCP, principalement la monnaie scripturale, mais aussi les espèces dans la mesure où celles-ci étaient en excédent.

    Tous les chèques et virements tirés sur une banque quelconque à l’ordre des CCP, étaient endossés à l’ordre du Trésor Public, crédités à son compte à la Banque de France, puis traités en compensation. Inversement, tous les chèques et virements tirés sur les CCP à l’ordre d’une banque quelconque, étaient traités en compensation puis débités au compte du Trésor à la Banque de France.

    Si vous faites le bilan des opérations, vous vous apercevrez que le Trésor a disposé ainsi de toute l’épargne de la clientèle des CCP. Si cette épargne est liquide, à la différence de celle qui est dans les parkings monétaires bancaires, c’est qu’elle a toujours été sur un compte extérieur aux CCP, celui du Trésor qui s’en est servi tout naturellement. C’était le but de l’opération !

    A fin 1996, le solde des comptes réciproques, d’une part au passif du bilan du Trésor Public au compte « Dépôts des services financiers de La Poste » et d’autre part à l’actif du bilan de La Poste au compte « Dépôts au Trésor », s’élevait à 176,8 milliards de francs. En 7 ans (89/96) il s’est accru de 13%. (source Banque de France – Bulletin Hors Série 1996). C’est la dernière publication dont j’ai eu connaissance.

    Maintenant je vais essayer de vous expliquer pourquoi, de mon point de vue, la monnaie qui se trouve en compte de dépôts à vue (disponibilités) ou à terme (épargne) en banque ne peut pas circuler, sauf sur ordre des titulaires de ces comptes.

    En créditant le compte de son client d’un prêt qu’elle lui a consenti (1.000 unités monétaires, par exemple) la banque a constaté une créance à son actif. Vous remarquerez qu’elle ne peut pas disposer de la monnaie qu’elle vient de créer, car la contrepartie : la créance inscrite à l’actif de la banque, n’est pas de la monnaie. Si cette somme ne peut quitter la banque que sur ordre de son client. Si celui-ci émet un chèque à l’ordre d’un fournisseur, il en résultera nécessairement une dette de cette banque envers une banque concurrente de même montant. Cette opération n’est jamais isolée, bien entendu, elle est comprise dans un ensemble de transactions, mais elle est « re-traçable ». Notre banque devra à une consœur ce qu’elle devait à son client. La monnaie ne perd jamais sa contrepartie, jusqu’au remboursement partiel ou total de la créance détenue par la banque sur son client.

    Dans tout le système bancaire, les disponibilités en comptes de DAV de tous les clients appartiennent à ces clients, pas aux banques. Puisque ces disponibilités ont pour contrepartie des créances et autres actifs (à l’origine de l’émission monétaire). Profitant de la complexité du système, le pouvoir monétaire nous trompe quand il prétend le contraire.

    Enfin, quand les clients de la banque procèdent à des virements de leurs comptes de DAV à leurs comptes d’épargne, la contrepartie des créances et autres actifs de la banque n’est plus la somme des DAV mais celle des DAV + les dépôts d’épargne. C’est pourquoi, l’épargne bancaire est une épargne morte, placée dans des parkings monétaires sans utilité pour l’économie, contrairement à ce que l’on croit.

    Si les banques ne peuvent pas disposer des fonds de leurs clients, c’est qu’ils n’ont pas de contrepartie en monnaie, dans une banque extérieure comme dans l’exemple des CCP. Si la Banque centrale imposait aux banques de faire passer chez elle toutes leurs transactions (encaissements et paiement), il en serait tout autrement. Mais ce n’est pas le cas.

    Ainsi que je l’ai déjà écrit ici, c’est toute la différence entre le sujet et l’objet, si je puis dire, la banque tire sur elle-même, tandis que l’établissement financier tire sur sa banque.

    En fait, les banques ont réussi à échapper au contrôle de la Banque centrale (et celle-ci ne va pas le clamer sur les toits !) quand elles émettent de la monnaie, et aussi profitant des lacunes de la réglementation, quand elles utilisent le système à leurs fins propres, ce qui est inadmissible. L’affaire des subprimes est là pour nous le rappeler. Les seules limites à l’émission monétaire par les banques sont : la demande de monnaie et le ratio de solvabilité.

    Merci de votre attention. J’espère avoir répondu à votre attente.
    jean

  10. Avatar de nadine
    nadine

    @Jean Bayard

    Merci Monsieur Bayard pour cette expertise qui force le respect mais je ne crois pas à la création monetaire par les banques néanmoins vous me faites douter (Il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis comme on dit).
    Si les banques font de la création monétaire en faisant du crédit, comment se fait il que la bulle du crédit n’est pas engendré une hyperinflation et que justement à l’heure actuelle certains economistes préconisent la monetisation de la dette en faisant tourner « la planche à billet »? C’est donc que les banques ont créé de la dette et non pas de la monnaie sinon pourquoi monétiser?
    En attendant votre réponse merci.

  11. Avatar de Jean Bayard

    @ Nadine
    Bonjour,
    Vous mettez le doigt sur le point le plus important, crucial même, du fonctionnement de nos économies. J’ai pu vérifier que la sphère réelle de l’activité de production (celle qui est à l’origine de l’inflation des prix) manque cruellement de monnaie, tandis que la sphère de l’activité financière et monétaire en regorge. Je vous recommande d’aller faire un tour sur mon site Internet et de lire l’exposé sur la macroéconomie. Vous comprendrez alors pourquoi l’épargne bancaire ralentit l’allure de marche de l’activité de production tandis que le crédit l’accélère. C’est précisément parce que l’épargne en banque est gelée par le système (parkings monétaires) qu’elle fait défaut à l’économie (activité de production).
    jean

  12. Avatar de D. Butant
    D. Butant

    Les habits neufs de l’empereur

    @Paul Jorion et @Jean Bayard

    J’ai suivi de loin en loin le débat sur la monnaie mais bien avant le début de la crise. Et nous revoici, presqu’au départ !

    L’expert, témoin et agent participant aux processus complexes de circulation d’argent, assure que
    la discussion engagée sur « la création monétaire » pourrait sembler donner raison aux non-experts, mais qu’il n’en est rien.

    Les non-experts avancent qu’une partie de l’argent est créée à partir de « rien »
    (c’est à peu près çà ? Ca fait un peu bizarre en l’écrivant en français de base !!).

    Je me permets d’intervenir juste avec ce conte (pourquoi pas ?, évidemment c’est moins distingué qu’avec des citations bibliques).

    Vous rappelez vous de ce conte ? Un tailleur, expert très réputé, est appellé auprès d’un gouvernant, pour réaliser les habits les plus extraordinaires qu’on ait jamais vus. Toute la cour s’extasie sur les habits neufs de l’empereur !
    Seul , un enfant s’exclame : l’empereur est nu !

    Dans le conte, je crois que ça se finit bien , tout le monde finit par se rendre à l’évidence !!

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