L’actualité de la crise : ALEA JACTA EST ! par François Leclerc

Billet invité.

Sommet ou pas sommet ce prochain vendredi  ? La question n’était pas tranchée ce mercredi matin entre ceux qui voudraient forcer la décision, ce qui revient à s’inscrire dans le cadre du plan de l’Institute of International Finance (IIF), qui fait un étonnant forcing, et ceux qui ne veulent pas se faire forcer la main dans la précipitation du moment. En comptabilisant les variantes, pas moins de 7 à 8 plans se trouvent sur la table.

On avait appris dans la journée que la Grèce pouvait tenir jusqu’au 14 septembre, veille du jour prévu pour le versement de la prochaine et sixième tranche du prêt déjà consenti par l’Union européenne et le FMI. Faute d’un accord sur la suite, il y aurait en effet peu de chance qu’elle puisse être débloquée aussi facilement que la précédente vient de l’être.

Mais ce n’est plus seulement la Grèce qui est en cause, la zone euro étant désormais en première ligne avec l’entrée de l’Italie dans le jeu. Il serait fastidieux de citer toutes les déclarations qui ont égrené la journée d’hier et n’ont fait qu’ajouter à la confusion déjà installée, Moody’s faisant une piqûre de rappel en dégradant la note de l’Irlande, désormais spéculative, en attendant pire puisqu’il est précisé : avec perspective négative. L’agence considère en effet inévitable qu’un second plan de sauvetage sera nécessaire pour sortir l’Irlande de sa situation.

Le taux obligataire irlandais à 10 ans franchissait ce matin la barre des 13% (13,339% à 10 heures). Les bourses et le marché obligataire s’étant comme on dit ressaisis hier soir, puissamment secourues par les achats de titres massifs opérés en catastrophe par la BCE.

Le plan du lobby des mégabanques qui tenait mardi soir la corde fait la part du feu : il repose sur l’idée triviale qu’il faut diminuer la charge de la dette sur la Grèce pour redonner crédibilité à sa solvabilité. Ses modalités générales reposent sur le principe du rachat de titres souverains par le Fonds de stabilité financière, ainsi que par la Grèce elle-même, grâce à un second plan de sauvetage financé par les Etats européens et, éventuellement, le FMI. Les titres étant achetés à la valeur du marché, c’est à dire subissant une décote estimée à environ 50%.

La BCE, qui n’est pas restée inactive en réagissant aux plongeons enregistrés sur les marchés, peut se prévaloir d’avoir à nouveau sauvé des dirigeants européens irresponsables pour ne pas avoir suivi ses avis et financé sans discuter l’achat de la dette grecque. Bien qu’elle ne se soit pas prononcée publiquement à propos du plan de l’envoyé spécial des mégabanques, Charles Dallara, celui-ci ne cadre pas spécialement avec ses intentions, en raison de la décote qu’il comporte. A moins qu’une quelconque roublardise de dernière heure, ou de bas de page, ne vienne amoindrir sa portée ou en reporter la charge sur les Etats. Tout est possible au jeu de billard.

Devant la menace que représenterait l’entrée de l’Italie dans la zone des tempêtes, les positions des intervenants ont évolué en Allemagne. Le tabloïd Bild, qui a fait campagne contre toute aide financière allemande, a senti le vent : « La réponse honnête est que nous n’avons pas le choix » écrit Ulrich Becker, son éditorialiste, préconisant une restructuration de la dette grecque et même portugaise, pour conclure : « nous devons tous être préparés a en supporter les conséquences financières ». Giulio Tremonti, le ministre italien des finances, veut de son côté faire adopter en catastrophe dès dimanche prochain (avant le lundi, jour fatidique d’ouverture des marchés) le nouveau plan d’austérité et de mesures de privatisation, afin de montrer patte blanche aux marchés.

Le tableau ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas les mesures préventives prises par les mégabanques européennes, au cas où la situation déraperait. Elles déposent massivement des fonds à la BCE, pour les mettre en sûreté, et se protègent en achetant des CDS couvrant d’éventuelles pertes sur les titres des pays secoués par la crise actuelle. Le doute s’installant, le marché interbancaire en connaît le contre-coup, les banques répugnant à se prêter entre elles, même à très court terme.

Ce qui est en cause, c’est l’éventualité d’une sortie de la zone euro d’un premier pays et l’incapacité des dirigeants européens à y trouver une parade. Devant la perspective que l’Italie et l’Espagne puissent être entraînées dans la tourmente financière, la BCE est devenue le dernier rempart, estime pour sa part Willem Buitter, chef économiste de Citigroup, cité par le Wall Street Journal. Enfin, de nombreux signes de nervosité sont visibles sur les marchés financiers américains.

La simultanéité de la crise en cours avec la publication des résultats des stress tests des banques européennes n’arrange rien. Selon de premières fuites, six banques espagnoles, une autrichienne et sans doute une grecque ne passeraient pas l’épreuve, deux Landesbanken allemande y parvenant de toute justesse. Concernant l’Italie, on relève que ses banques ont à l’instar des banques grecques acheté en masse de la dette émise par leur pays, la soutenant ainsi, mais les fragilisant à l’extrême en retour, lorsque la dette est attaquée sur les marchés. Car lorsque les taux obligataires montent, la valeur de celles-ci diminue en proportion. Le danger est que, pour se protéger, les banques italiennes vendent leurs titres sur le marché et contribuent à faire monter les taux, détériorant ainsi davantage la situation globale.

Les regards devraient aussi rapidement se tourner vers l’Espagne, où le gouvernement a multiplié les déclarations apaisantes, tout en cherchant à obtenir des Allemands qu’ils s’engagent rapidement.

A suivre …

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110 réponses à “L’actualité de la crise : ALEA JACTA EST ! par François Leclerc”

  1. Avatar de dissy
    dissy

    « La France sera le prochain pays touché par la crise de la dette »

    Le Point.fr –
    Dans une interview au Point.fr, l’économiste Philippe Dessertine estime que la crise de la dette publique en Europe va rapidement toucher la France.

    http://www.lepoint.fr/economie/la-france-sera-le-prochain-pays-touche-par-la-crise-de-la-dette-13-07-2011-1352517_28.php

  2. Avatar de Jeff
    Jeff

    Christian Saint-Etienne :«Soit la zone euro se fédéralise, soit l’Allemagne en sort»

    « Si la dette de l’Italie est attaquée, il n’est plus possible de bricoler comme on l’a fait jusqu’à présent. La fédéralisation étant très peu probable, reste la sortie de l’Allemagne. J’estime les chances de son départ à 30% dans les trois prochaines années »

    http://www.liberation.fr/economie/01012348617-soit-la-zone-euro-se-federalise-soit-l-allemagne-en-sort

  3. Avatar de Armaggedon

    Les abus de métaphore permettent de mettre en évidence les réalités : Aléa jacta est !
    Sauf qu »aucun César n’apparait à l’horizon . Pourquoi ? César croulait sous les dettes , mais
    derriére lui suivait la légion et quelle légion ! Celle de la plébe dont il y était le dernier chef ,
    miraculeusement rescapé . Et dont il avait réalisé le programme en résolvant l’impossible équation de l’Antiquité : distribuer des terres sans les reprendre aux expropriants et par la guerre .
    A ce moment là , pas besoin d’or pour rétablir la monnaie mais seulement à condition de cette révolution . L’ or n’est pas une panacée , il peut étre manipulé , l’Espagne de Philippe II l’a fait ,
    l’Empire Britannique avec les mines d’Afrique du Sud , les US avant la crise des années 30 en l’accaparant en un énorme stock . Actuellement ce n’est pas négligeable de constater que la Chine est devenue 1er producteur mondial et 1er raffineur pour l’argent : ils ont peut étre quelques raisons !
    Le Benign Neglect sur l’or , sans l’audace d’un César , est à mon avis la défaite assurée .

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