L’actualité de demain : AVOIR LE « AAA » OU PAS, par François Leclerc

Billet invité.

C’est une histoire bien dans l’air du temps. Les États sont notés par des agences dont c’est l’activité commerciale, comme le sont les entreprises et les actifs financiers en général. Faute d’être en mesure de calculer le risque afférent à un investissement, il est fait appel à des spécialistes dont les notes font référence et déclenchent même parfois automatiquement des ventes, notamment dans le cas des fonds de pension. Même les banques centrales en tiennent compte pour déterminer les actifs qu’elles acceptent en garantie. Tout le monde est ainsi censé disposer de la même information afin d’assurer un fonctionnement du marché en conformité avec la théorie selon laquelle elle doit être « symétrique ».

L’affaire devient plus scabreuse quand il s’agit de la notation des États, car une baisse de leur notation a un sérieux impact sur le coût de leur dette, la dette souveraine étant par ailleurs un des piliers du système financier. Il faut des circonstances exceptionnelles, comme celles que nous connaissons, pour que des États dont la note est baissée – les États-Unis, la France – n’enregistrent pas de hausse de leurs taux obligataires. Le gouvernement américain craint cependant qu’une nouvelle crise liée au déplafonnement de la dette ne suscite une dégradation, comme la fois précédente, car il ne faut pas tenter le diable.

David Cameron, le premier ministre britannique, vient d’afficher ne pas craindre cette perspective, déclarant que la crédibilité de sa politique de réduction du déficit était plus importante que le jugement des agences de notation. Une manière de préparer à la mauvaise nouvelle de sa dégradation, alors que le Royaume-Uni bénéficie encore de la meilleure note des trois principales agences de notation, et de justifier la poursuite de sa politique d’austérité, qui pourtant ne produit pas les résultats escomptés.

Bien qu’elles se soient beaucoup trompées, notamment dans la notation des produits structurés, les agences sont toujours là, car le marché serait semble-t-il perdu sans référence. Comme si la justesse de la boussole était secondaire, à condition que le Nord soit le même pour tout le monde. Dans un domaine proche, n’en est-il pas de même de la qualité de la mesure de la valeur des actifs dans les bilans, dont quelques esprits avisés reconnaissent la carence des modèles qui permettent de la calculer ? L’opacité dans laquelle baigne l’activité financière lui est somme toute consubstantielle, loin de la théorie qui la veut transparente.

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