CHRÉODE ET CATASTROPHISME APOCALYPTIQUE, par Olivier Brouwer*

Billet invité

Bonjour Paul Jorion,

Ceci est une réaction à votre billet du 19 juillet, « COMMENT J’AI APPRIS À AIMER LE CATASTROPHISME APOCALYPTIQUE », après avoir écouté les interventions de Jean-Marc Lévy-Leblond et de Pascal Bruckner.

Et je dois bien le dire : là, ça commence à devenir intéressant !

À quel destin l’humanité est-elle promise ? Je parie d’ailleurs, en aparté, que c’est l’objet du prochain opus BD que vous nous préparez et qui à ce stade s’intitulerait « Après l’espèce ».

La question centrale semble être la suivante : pouvons-nous échapper au sombre destin qui nous est prédit (le « nous » étant l’humanité dans son ensemble), et surtout, si oui, comment ?

« Il est possible d’échapper à une chréode mais cela demande un apport énergétique considérable », dites-vous. Malheureusement, la « chréode » ne figure pas plus dans mon Petit Robert que dans Wiktionnaire… alors qu’elle semble toute pleine de promesses ! Mais si je vous comprends bien, l’humanité échappant à la chréode devrait à peu près ressembler à un homme qui, emporté en kayak sur le fleuve Colorado, et arrivé dans le grand canyon, se prenait tout à coup à l’envie, plutôt que de continuer tout droit, d’en escalader la paroi.

(Cette image ne doit pas être tout à fait étrangère, dans mon esprit, de celle de Christopher McCandless, le héros d’« Into the Wild ».)

J’en reviens à la question initiale : à quel destin l’humanité est-elle promise ?

Si je résume bien ce qui est étalé sur votre blog à grand renfort d’articles tous plus pertinents les uns que les autres :

1. On est dans la m… jusqu’au dessus du cou.

2. Les responsables de cette situation sont principalement les détenteurs du grand capital et dans une moindre mesure leurs sbires, les hommes (et femmes, ne soyons pas sexistes !) politiques « élus »… et en instance de réélection (car leurs campagnes électorales sont financées par les précédents).

3. Ces mêmes détenteurs du grand capital possèdent aussi une grande part de la solution, qui passerait par la « déconcentration » de la richesse (et aussi l’arrêt du High Frequency Trading et de la spéculation en général et autres saloperies influençant les prix sans lien aucun avec la réalité de ce qu’ils représentent), ce qui dégagerait des fonds nécessaires à tout ce qui permettrait un « mieux vivre ensemble » : production d’une alimentation plus saine, diminution du temps de travail, dépollution, réappropriation par le plus grand nombre des moyens de production, etc.

4. Manque de bol, ça voudrait dire qu’ils auraient un peu moins d’argent, et après tous les efforts qu’ils ont fait pour en amasser, eh bien… ils ont pas envie.

5. Nous allons droit dans le mur, à moins que.

À ce stade-ci, trois sous-questions :

5a. En quoi consiste ce « mur » dans lequel nous allons ? Est-ce forcément le scénario « Mad Max » ? Ou pouvons-nous en imaginer d’autres (auquel cas nous pourrions nous y préparer par anticipation) ?

5b. Que faut-il mettre derrière le « à moins que » ?

5c. Que pouvons-nous espérer comme monde si par extraordinaire la réponse à la question 5b (en espérant qu’elle soit la plus pertinente possible) devenait réalité ?

Et c’est ici que la chréode repointe le bout de son nez…

Échapper à la chréode : pas tout à fait impossible, mais très difficile (et je ne me risquerai pas, ayant lu vos derniers articles sur Keynes, à essayer de calculer une probabilité ! 😉 ). Et la difficulté est d’autant plus grande que la réponse ne peut pas être uniquement individuelle. Une réponse individuelle est – comme le fait très bien remarquer Pascal Bruckner – complètement illusoire. Et même un grand nombre de réponses individuelles. La réponse totalitaire me semble totalement illusoire elle aussi. Elle s’apparente selon moi à une réponse individuelle, mais d’une individualité plus forte que les autres, qui ne laisserait pas aux autres le choix de leur propre réponse. C’est-à-dire, en un mot, d’un embrigadement. Selon moi, la réponse ne peut être qu’à la fois individuelle et collective.

Oui collective, c’est vite dit, mais collective comment ? Il faudrait que « la vertu » soit encouragée plutôt que découragée par « les institutions », comme le fait remarquer Saint-Just. Là, ici, il n’y a pas d’autre choix que de changer de cadre, et c’est pour ça que c’est si difficile. « Il faut un nouveau Bretton Woods », vous époumonez-vous à dire… Oui, mais il faudrait aussi que ce nouveau Bretton Woods ne soit pas régi par le même type de rapports de force que le Bretton Woods précédent…

Ce qui serait amusant, en fait, ce serait d’avoir deux « Après l’espèce », suivant que l’humanité a échappé à la chréode ou non (mais est-ce si tranché que ça, finalement ?). Sous cet angle, c’est à creuser, il me semble. Je sais, nous essayons ici de répondre à tout ça… Et les réponses sont à inventer, elles ne sont pas toutes faites… Il n’empêche que je vais quand même me refaire en vitesse une intégrale Mad Max, moi… On ne sait jamais, ça peut toujours servir !

* Qui intervenait sur le blog sous le pseudo « Olivier B »

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