Un vrai marché est un espace de solidarité politique subjective, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité. À propos de PROJET D’ARTICLE POUR « L’ENCYCLOPÉDIE AU XXIème SIÈCLE » – MONDIALISATION, par Michel Leis.

Le chapitre de Le prix (2010) que je reprendrais pour critiquer la mondialisation et le modèle en vigueur du libre-échange, est celui où Paul Jorion explique les solidarités et les négociations qui se nouent dans les professions de la pêche pour répartir sur tous les acteurs du marché les chocs et les transformations de l’équilibre des prix entre l’offre et la demande (pp. 127–131). C’est à partir du travail de Paul Jorion que je me suis rendu compte qu’un marché délimité par des personnes identifiables et un consensus de règles et de coutumes est porteur d’un capital commun par quoi sont absorbés les chocs affectant la communauté au fil du temps. Un marché régulé par l’Etat négociable et collectif d’une communauté de production mutualise le risque économique entre tous les rôles tous les acteurs.

Les marchés régulés par des États de compétence générale ou particulière sont des accumulateurs de capital assurantiel. Ce qui est assuré, c’est l’équilibre des rapports entre les acteurs dans un mode de production collective. La mondialisation d’aujourd’hui fondée sur le démantèlement des États vise à libérer le capital assurantiel de sa finalité politique afin de le distribuer aux intérêts privés hors sol, des intérêts anonymes déconnectés de toute obligation de solidarité. La libre circulation du capital et des marchandises interdit l’adossement dans les limites des sociétés politiques, de la richesse réelle à sa représentation en monnaie. Les spéculateurs peuvent exproprier le capital public des marchés, à l’économie réelle et au citoyen consommateur. La crise des subprimes a été déclenchée par les intérêts indépendants de toute communauté humaine pour privatiser l’intégralité du capital des États institués officiels.

L’opposition entre libre-échange et protectionnisme par les frontières physiques et politiques est purement intellectuelle. Dans la réalité, seuls les flux financiers peuvent être filtrés aux frontières des marchés délimités par des États. Les États sont réels s’ils accumulent un capital de solidarité national, et spéculatifs s’ils sont instrumentalisés pour prélever des impôts au profit des créanciers hors sol. L’Union Européenne construite sur le libre échange n’a, comme les États-Unis d’Amérique, qu’une finalité financière spéculative : siphonner le capital des sociétés nationales au profit d’intérêts oligarchiques. La théorie des avantages comparatifs est pure spéculation intellectuelle fondée sur la finalité de l’économie dans l’accumulation financière privée et non dans la satisfaction des besoins humains.

Le démantèlement des États de droit va entraîner la disparition de la propriété sur les actifs réels. La concentration financière du capital enlèvera toute assise réelle aux banques et aux monnaies actuelles. Les intérêts financiers eux-mêmes devront reconstruire des États et des marchés protégés afin de reconstituer le capital politique communautaire qui puisse assurer leurs activités risquées. La seule incertitude quant à la reconstitution d’une protection financière des nations réside dans la nature du régime politique qui sera adoptée : féodalisme ou démocratie.

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