Le fiasco grec : PARFOIS, LES MOTS NE SONT D’AUCUN SECOURS, par François Leclerc

Billet invité

Présentée par les autorités comme le mouton noir de la zone euro – tout en éludant toute autocritique à propos de son ancienne admission – la Grèce est le révélateur de leur fiasco. Sans qu’il soit besoin d’une longue démonstration, un seul chiffre suffit : presque 58 % des jeunes entre 15 et 24 ans ne trouvent pas aujourd’hui de travail, selon les dernières données d’ELTSAT. La Grèce ne doit sortir de l’euro à aucun prix pour assurer sa cohésion, mais à quel prix va-t-elle y rester ?

On connait déjà celui que les Grecs payent, à l’exclusion notable des armateurs et de l’Église orthodoxe, mais l’on ignore encore celui que les bailleurs de fonds de la Grèce vont devoir régler. Car afin d’éviter l’éclatement de la zone euro et de renflouer les banques européennes qui avaient financé la Grèce, il lui a été prêté à fonds perdus : les quelques 240 milliards d’euros de prêts actuels ne pourront pas être remboursés. Ne pouvant être assumée, cette perspective est repoussée au plus loin possible, valant signature de ce fiasco que l’on cherche à masquer.

Il est très probable que les parlementaires européens qui enquêtent à propos du rôle de la Troïka dans les pays qui ont eu affaire avec elle ne pourront pas aller jusqu’au bout de leurs intentions, obligés de composer avec un Parlement dont la majorité soutient son action. Il est aussi peu vraisemblable que la Troïka n’éclate, en dépit de ses dissensions internes que la situation grecque exacerbe, car elle rend un service qui sans cela reviendrait à la Commission, ce que ne souhaite pas le gouvernement allemand. La sortie du FMI a bien été évoquée, mais nul n’a intérêt à en prendre l’initiative, tandis que la BCE se réfugie derrière son rôle de consultant, alors qu’elle dépasse par son implication effective les bornes officielles de sa mission.

Alors, il va falloir gagner du temps, comme toujours lorsque l’on ne sait pas quoi faire ! Mais le gouvernement grec fait savoir par tous les canaux qu’il est au bout du rouleau et risque de tomber s’il lui est trop demandé. À la Troïka, il réclame publiquement l’abandon de son attitude « maximaliste ». Intégrant qu’une nouvelle restructuration de sa dette n’est pas acceptable par ses interlocuteurs (sauf pour le FMI qui l’a réclamée), il recherche une solution permettant à la fois de combler un trou de 14 à 15 milliards d’euros dans son plan de marche et d’éviter d’entrer dans la logique contraignante d’un troisième plan de sauvetage. Ceci alors que le pays ne parvient pas à remplir ses obligations, les prévisions de recette des privatisations de la Troïka se révélant par ailleurs très fantaisistes, comme d’ailleurs toutes ses projections successives.

Parmi les bricolages financiers envisagés, le ministre grec des finances va jusqu’à évoquer de tester le marché au second semestre, avec une modeste émission obligataire à cinq ans, dans le sillage de l’embellie déjà mise à profit par les Irlandais et les Portugais, dont les Espagnols bénéficient également. Un milliard d’euros ayant été accordé par les ministres des finances européens pour faire la soudure, avec quels expédients financer les 13 à 14 milliards qui restent à trouver afin de ne pas avoir à signer un nouveau mémorandum avec la Troïka ? Tout, mais pas cela ! Les bidouillages proposés sont retoqués par la BCE et ses créditeurs, qui ne veulent pas non plus entendre parler d’une nouvelle remise de peine qui, cette fois-ci, symboliserait leur propre échec et annoncerait d’autres pertes à venir.

Ils en sont là. La Grèce tient en quelque sorte sa revanche et se dresse comme une statue devant laquelle les fidèles indécis ne savent pas à quel saint ils doivent se vouer. Seule consolation : ceux qui ont créé cette situation n’en hériteront pas…

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