LE SOIR D’UNE BATAILLE, par Zébu

Billet invité.

Le système politique :

« La première leçon de ce soir, c’est que le système politicien est carbonisé » (Olivier Besancenot, sur i-télé)

« Quand on additionne l’abstention plus le nombre de personnes qui ne sont plus inscrites sur les listes électorales (…) la majorité des gens ne votent plus »

Les non-inscrits (ou ceux pensant ne pas l’être) représentent entre 10 et 13% du corps électoral.

A cela, on peut adjoindre les 38,6% d’abstentionnistes, en attendant d’avoir les chiffres définitifs du Ministère de l’Intérieur.

Soit une moitié, au mieux, ayant choisi d’exprimer un choix lors de ce premier tour des élections municipales.

 

L’abstention :

En constante progression, même pour des élections dont on ne cesse de dire, à raison, qu’elles sont avec la Présidentielle les plus suivies, car permettant d’élire les représentants de la plus grande proximité d’avec les électeurs.

En moyenne, jusqu’à la fin des années 70, l’abstention représentait au plus 25% des inscrits puis avait connu un étiage avec les élections, fortement politisées, de 77 et de 83, aux alentours de 21%.

Trente ans plus tard, ce taux d’abstention a progressé de 80%. En suivant ce même schéma de progression par un raisonnement par l’absurde, on obtiendra 68% d’abstentions en 2044 (uniquement sur la base des inscrits).

La question est donc de savoir quel est le seuil de tolérance que le corps électoral admet pour considérer une élection comme légitime, sachant que dès lors qu’un système politique n’est plus majoritairement admis comme légitime, il encourt irrémédiablement le risque d’être mis à bas.

Le prochain record à battre sera celui des européennes en Mai prochain, où l’on pourrait atteindre les deux tiers (!) des inscrits et sans doute les 3 quarts du corps électoral.

A priori, les partis politiques participant au système actuel ne semblent pas s’interroger fondamentalement sur cette question : « tant qu’il y aura des citoyens … ».

Il y a fort à parier que les multiples affaires en cours ont contribué et continueront à contribuer à ce phénomène, tant que les partis politiques et le système politique dans son ensemble ne prendront pas les mesures qui s’imposent, à commencer par appliquer le mandat unique dès maintenant et pas en 2017, ou cesser de publier ‘en toute transparence’ le patrimoine des représentants élus pour ne rien dire et ne rien faire face au pantouflage des inspecteurs des finances, entre autres exemples.

 

Les partis politiques et le FN

La sur-médiatisation des victoires électorales déjà acquises et celles à venir du FN au second tour ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt : le FN n’est qu’un troisième parti politique ‘en puissance’.

D’abord parce qu’il faudra scruter en nombre de voix la répartition entre les partis, où l’on observera sans doute que le FN réalise ses mêmes scores habituels (entre 17 et 20% des voix exprimés). Sur ce point, on pourrait avoir la surprise de constater peut-être que le FN rivalise avec le PS, parti majoritaire à l’Assemblée Nationale, loin derrière cependant l’UMP.

Ensuite parce que l’emprise territoriale du FN n’est pas réalisée et ne lui permet pas, encore, de lui créer l’ossature politique qui lui manquait.

Néanmoins, tous les partis politiques en France sont confrontés à l’évidence dans un nombre très important de villes ciblées par le FN : ce parti est devenu un véritable challenger, capable d’arriver en tête et même de distancer sévèrement les autres partis lors des élections, plus seulement de contribuer à être un ‘faiseur de Rois’. Avec 7% des suffrages exprimés sur l’ensemble de la France, il multiplie par 6 ses scores de 2008. Il y a tout lieu de penser que le FN a de bonnes chances, sauf ‘sursaut’ des citoyens (auxquels on fait toujours appel quand on ne sait plus rien faire d’autre) de diriger plusieurs dizaines de communes en lieu et place des 5 actuelles et d’obtenir plusieurs centaines d’élus quand il en a 85 aujourd’hui.

Ce n’est pas encore une structuration politique locale suffisante pour concurrencer les autres formations les mieux pourvues (et de loin), mais c’est un embryon qui ne demande qu’à grossir. Le probable adoubement politique au niveau supra-local (et supranational) qu’apportera l’élection européenne au FN viendra renforcer cette légitimité structurelle à venir. En attendant les élections de 2015 (régionales, cantonales, sénatoriales) et surtout législatives de 2017 …

On peut d’ailleurs noter qu’en lieu et place de disséminer partout des candidats, le FN a su viser certains territoires, sur lesquels il est déjà implanté politiquement et localement (Vaucluse, Gard), l’implantation qui réussira aux municipales en 2014, servant alors d’appuis pour les législatives de 2017 sur ces mêmes territoires (Nord, Var, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales, …).

 

Le ‘pouvoir en place’ :

Indéniablement, le ‘pouvoir en place’, celui qui définit et dirige les politiques menées (Parlement, Gouvernement et Président de la République) depuis 2 ans, est ébranlé. Le glas est venu de Marseille.

Les discours de pure rhétorique consistant à relocaliser les résultats des élections locales ne pourront pas être utilisés cette fois-ci. Et comme toujours, les solutions envisagées seront inadaptées au regard des réalités : changer un gouvernement et même un premier ministre n’y feront rien.

La question des politiques menées restera donc posée, jusqu’en 2017.

Nous assisterons ainsi à la fuite en avant, prévisible, du ‘pouvoir en place’, faute de volonté de se confronter aux réalités, notamment financières.

 

Les commentateurs :

Ceux-là prédisaient que de toute façon le FN verrait sa progression limitée, ‘par nature’, manquant à la fois de capacité à s’ancrer durablement (notamment localement) et à la fois de marges électorales du fait de la stabilité du nombre de voix obtenues. Ce faisant, il ne servait à rien de hurler avec les loups, sinon que de faire le lit de cette extrême-droite reconvertie par une Marine Le Pen fine tacticienne en ‘parti populiste’ : le FN n’aura jamais la capacité politique des autres partis majeurs que sont le PS et l’UMP.

C’était bien évidemment sans compter sur le système politique actuel, la démocratie représentative, lequel système se fonde uniquement sur les suffrages exprimés, lesquels fondent à vue d’œil ou connaissent un véritable ‘sursaut’ de participation selon les cas de figure, augmentant d’autant les voix d’un FN globalement certes stables mais la constance et l’adhésion étant des vertus que les commentateurs méprisent, il faut bien admettre que ceux-ci règnent au royaume des aveugles.

Dans le contexte actuel (courbe du chômage poursuivant sa lancée, croissance en berne, affaires de corruption et de trahisons, scandales d’État et privés au plus haut niveau, politiques d’austérité, réductions budgétaires, instabilité géopolitique, …), tout permet de penser que le FN sera en capacité de concurrencer les plus grands partis politiques de France lors des élections législatives en 2017.

 

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