Les 80% et la rentrée des classes, par Zébu

Billet invité.

Les 80% et la rentrée des classes

Mais comment pourrais-je jamais trouver un terrain d’entente aussi massif avec mes congénères ?

Comment imaginer que tel ou tel puisse être ‘en puissance’ un partenaire pour dire non aux prêtres qui nous arrachent le cœur et l’oseille pour l’offrir à leurs divinités sonnantes et trébuchantes ?

Et lui, et elle, franchement, t’y crois toi, dans cette sordide société de consommation de masse ?

Ainsi allai-je dans un temple de la consommation, ruminant mon pessimisme en maudissant par avance le moment où il me faudrait franchir ses portes pour m’enquérir de la mystérieuse mais néanmoins impérieuse liste de fournitures scolaires en cette rentrée du même nom.

Où il me faudrait subir les assauts des vagissements enfantins en cette fin de la deuxième journée laborieuse de la semaine de travail, les cris et les claques, les bousculades feutrées mais sournoises, ‘touche pas au compas, je l’ai vu le premier’. « Entre ici, toi et ton terrible cortège d’individualités indépassables. »

Or, d’écharpages, d’étripements, il n’y eut point. Les hommes, les femmes et mêmes les enfants, tous concouraient dans un brouhaha feutré à ce que chacun épuise sa liste sans qu’aucun n’ait à subir l’hybris du voisin, assenant ses vérités sur les feuilles A4 trouées comme autant de massues préhistoriques.

Interloqué, je m’introduisis dans la file d’attente, dans la direction salvatrice de la sortie, sans que la famille maghrébine porteuse de caddy et d’enfants ne vienne s’interposer entre moi et l’horizon de la caisse, malgré mes quelques éléments scolaires, conscient que j’étais que le rapport de force de consommation m’était par trop défavorable pour espérer mieux qu’un regard de dédain, qui ne vint jamais.

Dans l’attente, anxieux, je suivais un couple, femme et homme tatoués jusqu’au cou, Monsieur portant une adorable fillette aux boucles dorées qui étrangement restait tranquillement dans les bras de papa sans crier.

Lequel papa m’invita, malgré une masse de produits deux fois plus importante que ma liste rabougrie, à les précéder. Hébété, je ne pus que le remercier de son invitation et tenter d’expliquer son geste irrationnel par un ‘de toute façon, les enfants sont prioritaires, hein …’, mais sans conviction.

Arrivant hagard devant la caissière, j’osais alors demander d’où provenait l’odeur de poisson qui régnait alors, laquelle caissière me répondit en poursuivant la conversation (!) qu’une cliente avait renversé le jus de noix de Saint Jacques sur son pantalon (si vous me lisez, même si vous haïssez les caissières, ne renversez jamais le jus de noix de Saint Jacques sur elles : c’est un crime, que seul surpasse le renversement … d’eau de javel (!), confirmé par la dame caissière ; y a des psychopathes, j’vous jure …).

Et en sortant indemne de cet enfer, et avec toutes les choses qui étaient marquées sur cette liste dans les mains (sauf un paquet de feuille A4 perforées bleues, mais on s’en fout) et ma carte bleue (elle aussi) fonctionnant encore, je me surpris à penser : « Les 80%, je les connais … »

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta