La « Troisième révolution industrielle » dans le Nord-Pas-de-Calais, par Stéphane-Samuel Pourtalès

Le 1er octobre 2014 au soir dans les sous-sols du palais de Chaillot.

Peu de femmes, beaucoup d’hommes, la plupart en costume-cravate, avec un bon quart de jeunes loups trentenaires aux vestes millimétrées et aux chaussures très brillantes et très pointues…

Une conférence de l’institut Palladio (fondation créée et parrainée par des gros promoteurs immobiliers, des bureaux d’études et acteurs principaux de la construction, et même par General Electric).

Tout ce beau monde écoutait respectueusement… un exposé sur la mise en œuvre du plan de Jeremy Rifkin pour la « Troisième révolution industrielle » dans le Nord-Pas-de-Calais.

L’orateur (Claude Lenglet) est responsable pour la région de la mise en œuvre du « plan ». Il s’étonne lui-même du succès du projet :

Les principaux décideurs dans l’affaire sont le président de la région (PS) et le président de la chambre de commerce et industrie (pas PS). Main dans la main.

Le vote de la commande à Rifkin au conseil régional ? A l’unanimité.

Le plan n’était pas encore finalisé par Rifkin que déjà tout un tas de projets « innovants » se bousculaient au portillon, « et ces projets n’étaient pas de notre initiative ».

Tout le monde s’y est mis : cogénération depuis une usine de production d’aluminium, plan d’installation de bornes pour véhicules électriques, universités zéro carbone…

Un milliard d’investissements à moyen terme… (je commence à comprendre les habits du public).

Mais nous sommes paralysés par les normes et les lois… voyez tel exemple, n’est-ce pas désolant… à bas l’État, vive l’initiative régionale.

Quelques questions, le temps de redire en cœur que « l’écologie, ça ne se fait pas avec des lois », et surtout d’apaiser quelques doutes parmi le public : hypothétique, difficile, la troisième révolution industrielle ? Mais vous n’avez pas compris : on y est déjà !

Ils semblaient vraiment sincères, les orateurs, quand ils disaient ça. Leurs yeux brillaient de croissance retrouvée.

Et un petit détour par Schumpeter pour préciser que si la croissance verte crée des emplois, il faut être « honnête avec les Français », c’est en bilan d’un processus de destruction créatrice et 600 000 emplois créés, ça veut dire 1 million d’emplois détruits et 1.6 millions d’emplois créés. Alors pour que le processus se pérennise, il va falloir « accompagner » les « gens », tout en exigeant de ces mêmes « gens » « un peu de mobilité » pour l’inévitable reconversion.

J’en ai retenu que l’intervention du controversé Rifkin avait quand même permis de convaincre et de fédérer diverses actions en faveur de l’écologie. Son « professionnalisme » a souvent été pointé. Son discours efficace et entreprenant a gagné sinon les esprits, du moins les cœurs.

J’ai remarqué aussi que l’on ne parlait pas du pourvoyeur de fonds (l’État si décrié). J’ai été intéressé par une analyse du particularisme régional : Le Nord, région glorieuse de la première révolution industrielle, aujourd’hui « sinistrée », et qui se lance dans l’avenir parce qu’elle est dos au mur. Une phrase souvent répétée, et qui apparemment était consensuelle dans les acteurs publics et privés du projet : « les ambitions énoncées semblent inatteignables (-60% de dépenses énergétiques à PIB constant), mais de toute façon, vu la situation dans notre région, ne rien faire serait pire que tout ».

Et comment ça a commencé, tout ça ? C’est les deux présidents qui l’ont voulu. Celui qui était PS et celui qui ne l’était pas. Là, l’orateur a signalé quelque chose en passant, sans rien en conclure, comme hors sujet : ces deux hommes sont tous deux en fin de mandat. Celui de la chambre de commerce ne peut pas se représenter. Celui de la région ne veut pas. Ils ont tous les deux dans les 70 ans.

Il faut peut-être le détachement des (pré)retraités pour oser changer. Dans ce cas, la France est bien placée pour la révolution !

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