LE TEMPS QU’IL FAIT LE 3 OCTOBRE 2014 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 3 octobre 2014. Merci à Olivier Brouwer.

Bonjour, nous sommes le vendredi 3 octobre 2014, et j’avais le projet de vous parler de choses de finances. Et puis, j’en suis en fait incapable, parce que depuis ce matin, je ne pense qu’à une seule chose : qu’à ce qui s’est passé hier dans la soirée. Et il faut que je vous en parle. C’est un projet ancien : c’est un projet qui date de sept ans. J’en avais parlé en septembre 2007, ici sur le blog.

Je m’étais souvenu : j’avais essayé de dresser une liste complète, je crois que je n’avais été vraiment pas loin d’avoir réussi à le faire, de mes condisciples en première année primaire. Ça se passait à l’école préparatoire à l’athénée de Saint-Gilles à Bruxelles. J’avais reconstitué une liste de mes condisciples dont je me souvenais et j’avais dit : « Si vous lisez ça, contactez-moi ». Et vous pourrez voir : il y en a deux qui m’ont contacté. Pas immédiatement : l’un l’année suivante et un autre quatre ans plus tard, et ils étaient là hier soir. Voilà.

On s’était promis de se voir, il y en avait un autre qui avait été contacté, que  j’avais eu l’occasion de voir, moi, de mon côté, et j’avais d’ailleurs consacré un petit billet à lui, à sa carrière, à sa carrière de champion d’haltérophilie. Et, à ma surprise, il y en avait deux autres hier soir.

Et l’un de ceux qui sont venus avait un père photographe, et il est venu avec… voilà, je vais essayer de vous la montrer, c’est notre… En France, on appellait « la treizième », ce truc-là. En Belgique, ça s’appelait beaucoup plus arithmétiquement la « première année » d’école primaire.

Et voilà, hier soir, il y en avait six sur cette… sur ce tableau ; si vous êtes curieux de savoir à quoi moi je ressemblais, eh bien celui dont le père était photographe a fait un gros plan et voilà, on me voit, moi je suis là, je suis celui avec la raie sur le côté et un grand sourire, là au milieu, voilà.

Et je crois que rien ne pouvait me faire davantage plaisir que de retrouver ces enfants de ma classe. Ça se passait donc il y a 62 ans, on s’est promis de se revoir, bien entendu, on s’est promis d’essayer d’encore en trouver d’autres pour étoffer l’échantillon…

Et qu’est-ce qui rendait ce genre de choses aussi chaleureux, cette réunion d’anciens combattants ? Eh bien, ce n’est pas tellement les histoires qui ont été racontées, à mon avis, sur ce qui nous est arrivé depuis, mais ce sont les éléments supplémentaires de contexte, qu’on n’avait pas. C’est-à-dire par exemple, eh bien, des explications de chacun d’entre nous sur nos parents, sur ce qu’ils faisaient, sur le contexte familial, ça c’est passionnant. Parce que nous, nous nous connaissions, nous avions 6 ans, bon, on n’était pas, sans doute, des sociologues en herbe ! Moi j’ai été épaté, j’ai été épaté de l’admiration, de l’amour, de ces enfants qui connaissaient ma mère, lui portaient. Ma mère était un personnage un peu hors du commun. Elle était très admirée par certaines personnes mais je n’ai jamais su exactement ce qui s’était passé, pour son attitude pendant la guerre, pendant laquelle elle n’était pas bien vieille : elle avait entre 18 ans et 22 ans. Mais certaines personnes parlaient de manière un peu secrète, et ma mère ne voulait pas en parler, de la manière dont elle s’était conduite pendant cette époque, au point qu’une déclaration a été faite un jour par quelqu’un aussi, déclaration très sibylline. C’était dans un testament : une dame qui a dit qu’il était important qu’elle parle, qu’elle évoque – pas pour dire exactement ce qui s’était passé – qu’elle évoque l’attitude de ma mère pendant la guerre de 40.

Et moi j’aimais beaucoup ma mère, bien entendu, mais de voir qu’elle avait laissé une image de légende parmi ces autres enfants qui avaient 6 ans à l’époque, ça m’a fait évidemment un très grand plaisir. Et d’apprendre des choses sur leurs parents, sur leur milieu familial, sur comment, voilà, comment eux vivaient la vie à cette époque-là, à une époque où nous, dans la cour de récré, eh bien à cet âge-là, nous ne parlions pas de ces choses-là.

Voilà. Alors, un Temps qu’il fait un petit peu bizarre par rapport à ce dont je parle d’habitude, mais je n’aurais pas eu la possibilité de dire autre chose que ce que j’ai dit aujourd’hui.

J’ai appris entre autres… moi j’étais le deuxième de la classe, cette année-là. Et le premier de la classe était là. Et il a expliqué pourquoi il était le premier de la classe et moi le second. Voilà. Rien qui ne soit honorable chez lui, mais voilà, j’ai appris, entre autres, un petit élément d’information qui m’a scié, et c’est ce genre de choses qui fait de ce type de rencontres quelque chose d’exceptionnel.

Difficile de faire comprendre [ça] aux jeunes, moi j’aurais 25 ans, je ne comprendrais pas ce que Paul Jorion est en train de dire là, mais faites-moi confiance ! Faites-moi confiance : si vous avez la capacité, plus tard, de faire ce que nous avons fait hier soir et que nous avons envie de refaire, n’hésitez pas : c’est des choses à faire, c’est des choses importantes dans la vie.

Voilà. A bientôt !

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