L’EXPORT ET LA DETTE TOMBENT A L’EAU, QUE RESTE-T-IL DANS LE BATEAU ? par François Leclerc

Billet invité.

La cause était entendue, au lendemain de l’épisode aigu de la crise : le salut viendrait par l’export que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) avait brillamment contribué à développer. Les Chinois étaient sommés de valoriser leur monnaie pour freiner leurs exportations inondant les marchés occidentaux, et les Européens d’accroitre leur compétitivité pour augmenter les leurs. Mais le résultat n’est pas au rendez-vous, il y a quelque chose qui cloche là-dedans ! Le FMI vient de rendre publiques ses dernières prévisions mondiales et manifeste à nouveau son inquiétude. Il y a de quoi : ce sera la neuvième fois en trois ans qu’il révisera celles-ci à la baisse…

De puissants facteurs s’additionnent pour créer une spirale descendante, aux effets plus ou moins prononcés suivant les régions du monde et les pays ; la contagion se répand au sein d’une économie devenue mondialisée au sein de laquelle les pays exportateurs se révèlent très dépendants de la santé de leurs clients. La baisse de la production industrielle allemande vient de frapper les esprits, elle que l’on croyait intouchable en raison de son excellence. Le Japon connait un gros trou d’air en raison d’une augmentation de la TVA destinée à modestement limiter un déficit budgétaire et une dette gigantesques. Le Brésil est rudement touché, son modèle de développement reposant sur les exportations agricoles et le développement de son marché intérieur sur le crédit aux classes moyennes.

Le cas de la Chine reste pour l’instant en suspens, après que ses dirigeants ont tenté de maintenir sa croissance en ouvrant en grand les vannes du crédit et en développant un programme de grands équipements. Elle a aujourd’hui le choix entre restreindre le crédit et laisser les systèmes financiers officiel et informel prendre toute leur part des défauts, ou de s’efforcer de maintenir vaille que vaille un niveau de croissance sauvegardant l’emploi en prenant des demi-mesures, ce qui rendra demain encore plus douloureux l’exercice précédent, quand il ne pourra plus être éludé. En se remettant dans les mains du marché, comme elle a commencé de le faire, la Chine transmettra alors partie de ses dettes au système financier mondial…

A l’arrivée, l’Europe va perdre son principal point d’appui, le miracle asiatique va se dégonfler et l’Amérique latine va être entraînée. La spirale va se poursuivre, le reste du monde en ressentira les effets.

Mais le FMI a un autre souci : il constate un nouveau déséquilibre entre les excès des marchés financiers et le faible niveau du crédit bancaire européen. Les banques ne seraient pas assez solides, est-il fort tardivement constaté, et le shadow banking prospérerait, les entreprises se tournant vers ses acteurs pour emprunter, ou bien n’étant pas demanderesses. De quoi réduire à néant tous les efforts entrepris de régulation du secteur bancaire !

Il avait pourtant été enjoint aux dirigeants chinois et allemands de renverser la vapeur et de développer leur marché intérieur pour rééquilibrer le monde. Et la Fed a même commencé à légèrement réduire sa voilure et la taille de son bilan, afin de ne plus alimenter l’appétit au risque. Mais deux autres facteurs font obstacle à une normalisation : la discipline budgétaire européenne, dont le rythme ne tient pas compte de la croissance – comme le réclame maintenant François Hollande – et le refus d’investisseurs échaudés de s’aventurer sur un marché d’actifs structurés qui sentent désormais le soufre. De plus, le dernier pays à avoir procédé à l’endettement sans compter, avec un temps de retard, est la Chine et l’on en voit le résultat !

Ni l’export, ni la dette (qu’il faut au contraire restructurer en grand) ! Une page est tournée et il va falloir trouver un autre moteur à la consommation, et donc à la croissance, puisque les liquidités des banques centrales ne descendent pas dans l’économie et que la courroie de la transmission monétaire est cassée ! Comme modèle alternatif, il ne reste plus guère que la redistribution et le partage, mais on n’ose à peine le rappeler…

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