POUR ALIMENTER S’IL EN EST BESOIN SA COLÈRE… ET SI POSSIBLE SA RÉFLEXION, par François Leclerc

Billet invité.

Goldman Sachs, JP Morgan, Citibank, HSBC, BNP Paribas, Barclays, Commerzbank, Deutsche Bank, UBS… : aucun ou presque des membres du très sélect club des mégabanques occidentales n’échappe à la vindicte. Ils soufrent en silence et font le gros dos en attendant que cela passe, car l’annonce de règlements à l’amiable longuement négociés continue de pleuvoir dru, assorti de celles des amendes en conséquence. Mais liste de ce qui reste à venir est longue comme un jour sans pain, sous réserve d’ajouts qui ne vont pas manquer, ce qui n’est sans doute pas pas sans rapport avec la révélation de l’existence d’informateurs rémunérés par les autorités américaines…. Les lanceurs d’alerte, c’est bien ! mais il n’est pas interdit de donner un petit coup de pouce à la chance…

Une escalade est enregistrée, faisant croire qu’après la fin de l’omerta, celle de l’impunité pourrait advenir. Non pas pour de malheureux traders lampistes – façon de parler, vu de leurs bonus – voués à jouer les boucs émissaires, mais pour leur hiérarchie qui n’a rien vu et encore moins décidé. Passe encore que la banque soit dans l’obligation de plaider coupable, comme la BNP Paribas a du s’y résigner pour sauver sa licence américaine ou comme la Deutsche Bank y est fermement conviée, mais un premier banquier s’est décidé à faire de même au Royaume-Uni. Va-t-on prochainement voir derrière les barreaux des banquiers indélicats qui se croyaient tout permis puisqu’ils n’étaient pas pris ? Eric Holder, le ministre de la justice américain en avait évoqué la perspective avant de démissionner.

Suivant le pays où elles exercent leurs talents, les autorités ne font certes pas preuve de la même détermination. Les américaines emmènent le gros du peloton après s’en être échappé, les britanniques suivent difficilement et les allemandes et françaises sont à la traîne. Une nouvelle carte du Tendre se dessine ! Le virage amorcé ne doit pas masquer le maintien de vieilles connivences des régulateurs avec les banques qu’ils contrôlent, tel que le journal ProPublica l’exhibe sur la place publique avec l’enregistrement de 46 heures de conversations téléphoniques secrètement enregistrées en 2012 par une ancienne employée de la Fed de New York chargée de superviser Goldman Sachs.

Mais le relais est pris par des investisseurs américains échaudés sur le marché des supprimes – les derniers en date ont entamé une class action contre JP Morgan – ou au Royaume-Uni par les détenteurs de millions de polices d’assurances de prêt bidon dont les émetteurs indélicats doivent à grands frais rembourser les primes su décision de justice. La Commission – qui l’eut cru ! – est sur la piste de fraudeurs suspectés d’optimisation fiscale, et Starbucks, Amazon ainsi qu’Apple sont sur la sellette. Une filiale financière du groupe Fiat, qui lui fournit des services de trésorerie, est l’objet d’une autre enquête où le Luxembourg est impliqué, ce pays cher au nouveau président de la Commission qui nous coûte si cher. Elle intervient après l’utilisation par cette compagnie du « tax ruling », une procédure permettant de demander à l’avance le traitement fiscal qui va vous être réservé, ou d’obtenir à l’avance certaines garanties…

La Commission agit dans la foulée de l’OCDE qui, de manière méritoire et impensable il y a encore peu, engage le fer à propos des intaxables coupables d’érosion de l’assiette fiscale et de transfert de bénéfices, et tente de boucher quelques uns des trous de la réglementation fiscale et d’instaurer de nouvelles règles. Elle en laisse toutefois d’autres béants – le sort des « boîtes à brevet » et des entreprises numériques notamment, rien moins que cela – comme remarqué par Tax Justice Network. Dans la lutte qu’ils mènent avec opiniâtreté pour réduire l’endettement, leurs électeurs aux fesses, les gouvernements occidentaux ne sont pas contre récupérer quelques recettes fiscales. Aux États-Unis, Barack Obama est parti en guerre contre les « déserteurs fiscaux » – une posture électorale avantageuse aux résultats incertains – visant les entreprises qui transfèrent vers des cieux plus accueillants leurs résidences fiscales en achetant des concurrents dont c’est le siège social.

Il serait injuste de ne pas faire part de la détermination des banques à tout faire pour que les manipulations du Libor et de toute sa petite famille, de l’or et de l’argent, du Forex (le marché des devises) dans lesquelles elles ont toutes ou presque trempées appartiennent au passé. Les grands noms de la finance mondiale vont lancer Perzo, un nouveau service de messagerie destiné aux salles de marché permettant aux traders d’envoyer en toute sécurité des messages à leurs clients ou d’échanger des informations entre eux. Les initiateurs affirment que cela va renforcer le contrôle de leurs ouailles, à moins que cela ne les protègen eux des indiscrétions. Ce qui de toute façon ne fera pas les affaires de Bloomberg, dont le service va être concurrencé par ses clients qui veulent diminuer le coût de ses terminaux. Cela s’appelle faire d’une pierre deux coups !

Et les régulateurs qui réfléchissent à de nouvelles procédures protégeant les marchés de nouvelles manipulations ? Ils ne donnent pas l’impression de vouloir révolutionner le monde ! Le Conseil de stabilité financière (FSB) a émis une série de recommandations en vue de la réunion de novembre du G20 à Brisbane (Australie), dont la mesure phare est d’étendre à cinq longues minutes la fenêtre de calcul des taux des devises majeures par WM/Reuters qui en est chargé, afin de réduire les incitations à la manipulation… La face du monde va en ressortir changée…

Notons incidemment que pendant les travaux de ravalement de la façade, les affaires continuent dans la banque de l’ombre !

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