LA NSA A DE BEAUX JOURS DEVANT ELLE, par François Leclerc

Billet invité.

Dix-huit mois se sont écoulés depuis les révélations d’Edward Snowden et le Sénat américain vient d’étouffer dans l’œuf, au moins provisoirement, les timides velléités de réforme des activités généralisées d’espionnage de la National Security Agency (NSA).

Sous l’impulsion des sénateurs républicains, l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi démocrate a été hier repoussé, au prétexte revendiqué de ne restreindre en rien les activités d’espionnage généralisé des réseaux de communication de la NSA. « Alors que les États-Unis mènent une campagne militaire pour affaiblir, démanteler et vaincre l’EIIL, ce n’est pas le moment d’examiner une proposition de loi qui supprime les outils dont nous avons besoin pour combattre l’EIIL », a déclaré le sénateur Mitch McConnell, leader du groupe républicain. Il y avait un avant et un après Snowden en raison du retentissement de son action, entendait-on dire, mais cela ne va pas empêcher la NSA de poursuivre comme avant.

Barack Obama s’étant appliqué à limiter les dégâts, la loi adoptée cet été par la Chambre des représentants n’était pas exempte d’importantes failles et de finesses permettant de se faufiler – à l’image des nouvelles réglementations financières – mais c’était encore trop pour les défenseurs de la NSA au Sénat. Exemple parmi d’autres, que doit-on exactement entendre par « cible » devant être préalablement autorisée par un juge pour être surveillée : une personne, un préfixe téléphonique, un code postal ou une ville entière ?

Défendant leur réputation et leur business, les entreprises leaders du web – AOL, Apple, Dropbox, Evernote, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Twitter et Yahoo! – avaient dimanche dernier collectivement appelé dans une lettre ouverte, mais en pure perte, à l’adoption du texte de loi. Il va falloir attendre juin 2015, à l’expiration de la loi antiterroriste intitulée Patriot Act sur laquelle s’appuie la NSA pour exercer ses talents, pour avoir du neuf dans ce domaine.

Les périls s’accumulent, de toutes natures. L’instauration d’un Internet à deux vitesses a les faveurs des opérateurs de télécom, qui font vigoureusement campagne aux États-Unis, ce qui ferait école si cela devait être adopté, aboutissant à une sélection de la qualité de service par l’argent et reléguant ceux qui n’en disposent pas. Mais une autre manche se profile, celle de la fragmentation d’Internet. Alors que se poursuivent les discussions à propos de la gouvernance d’Internet en vue de la succession des autorités américaines à la tête de l’Icann, lourde de conséquences potentielles, le gouvernement chinois a organisé sa « conférence universelle de l’Internet ». Cela a été l’occasion d’annoncer la couleur : « Une bonne régulation de l’Internet a des effets sur la dignité, la souveraineté et les intérêts de l’État, ainsi que sur la sécurité internationale et la stabilité sociale » a expliqué Ma Kai, le vice-Premier ministre, laissant présager de nouvelles mesures destiné à museler le réseau.

Tout est-il pour autant perdu d’avance ? Ce n’est pas ce que semblent penser les dirigeants de Facebook, qui viennent de décider d’un partenariat avec la société Open Whisper Systems dont devrait bénéficier leur application de messagerie mobile WhatsApp, qui revendique 600 millions d’utilisateurs. Celle-ci a développé un système de cryptage intitulé TextSecure sous licence libre, dont Edward Snowden a vanté l’efficacité.

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