Le dilemme Amelia, la travailleuse venue du Cloud, par Lazarillo de Tormes

Billet invité.

En novembre dernier j’ai reçu, comme tout le monde, une invitation de Ray Kurzweil à m’intéresser à un évènement new-yorkais organisé par la société IP-Soft. Objet de l’acte: nous présenter Amelia le tout dernier produit de leur portefeuille. En bref, Amelia est présentée comme étant un agent cognitif, downloadable sur commande, capable d’un grand nombre d’opérations au sein de l’entreprise et dotée de compétences dynamiques d’auto-apprentissage et d’interaction. Lorsqu’elle n’obtient pas la réponse à une question dans les bases de données auxquelles elle est connectée, elle transmet le problème à un collègue humain (sic) et observe le mode de résolution pour une gestion ultérieure en mode autonome. On nous explique qu’outre un quotient intellectuel elle dispose d’un quotient emotionnel, l’ironie allant jusqu’au choix du prénom. En effet, Amelia vient de l’ancien germanique amal signifiant travail. Sourira qui pourra.

J’ai immédiatement eu une pensée émue pour ces jeunes Marocains aperçus l’été dernier dans la banlieue de Casablanca sortant de leur journée de travail dans un call center et payés au smig marocain, soit 1,20 Euro/heure. Souvenez-vous bien, ce jour-là Jean-Claude a peut-être tenté de vous vendre un salon en cuir ou Solange un ensemble de 6 boxers cotton made in China pour le prix de 3. Amelia, je le sens, va changer nos vies.

Pour clarifier d’emblée les choses et rassurer ceux qui me soupçonneraient de relations dangereuses avec Ray Kurzweil, on ne s’est jamais vus ni même parlé. Je suis simplement abonné à son flux RSS et reçois ses états d’âme quotidiens dans ma boîte mail. Pour les tenants du cerveau global, Ray et moi sommes deux noeuds parmi des milliards d’autres noeuds, de natures diverses (naturelle, artificielle, logicielle, organique…) susceptibles d’échanger des informations à travers le réseau auquel nous sommes connectés.

Dans un réseau informatique, chaque nœud a un identifiant unique, son adresse IP. Par conséquent il se pourrait que IP-Soft signifie « ressource logicielle disponible via IP au sein d’un réseau global». Cela semble une supposition logique lorsque l’on prend le temps d’analyser leur gamme de produits dans le détail. A tous ceux qui se sentiraient étrangers à ces notions et à l’influence qu’elles ont sur nos vies, un clic ici vous permettra de vous découvrir sous un autre jour et de ressentir un esprit de communauté plus ou moins engageant selon les affinités. Bienvenus dans le réseau pour ceux ignoraient encore qu’ils en faisaient partie.

Le dilemme que je perçois dans les conversations que je peux avoir sur le concept de cerveau global avec mon entourage est symbolisé par les positions extrêmes d’euphorie enthousiaste et de défiance profonde. Admettre que le calcul matriciel (matrice se traduisant en anglais par Matrix) est l’un des outils clé de l’analyse des réseaux peut donner des sueurs froides aux plus cinéphiles d’entre nous. A moins bien sûr que les acteurs des avancées dans le domaine ne soient naturellement et majoritairement bienveillants. Croisons les doigts pour qu’ils aient la tête, et par extension le cerveau, bien sur les épaules. Et qu’ils la gardent.

Ray (67.159.5.242) et moi (91.182.215.88) vous souhaitons, à travers la plateforme du blog de Paul Jorion (188.165.242.192) un 2015 plein d’échanges fructueux au sein du cerveau global. Bonne année !

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