Économie du droit réalisable, épistémologie du droit de vote en euro, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

La démocratie réinventée par l’initiative privée

À Paul Jorion vient d’être suggéré à la suite de sa dernière conférence à la VUB de soutenir une démarche de « crowd funding » pour financer le maintien de la Grèce dans la zone euro. Comme l’État grec ne parvient pas à couvrir toutes ses obligations légales et financières par les impôts et l’épargne des résidents grecs payables en euro, le déficit budgétaire serait comblé par une souscription internationale de bienfaiteurs privés. L’initiative privée viendrait pallier la défaillance des États souverains associés à la souveraineté grecque dans la zone euro. Appelons « association citoyenne de financement populaire » le dispositif envisagé de « crowd funding ».

Une souscription internationale en faveur de la Grèce montrerait que les citoyens d’Europe et du monde ne sont pas nécessairement cupides et nationalistes. La citoyenneté serait manifestée dans sa finalité universelle, coopérative, internationale et humaniste. Mais dans la même logique, le renflouement privé anonyme de la Grèce prendrait acte de l’absence de gouvernement politique de l’euro. L’euro serait consacré comme instrument exclusif de la libre circulation privée du capital totalement indépendant du financement public des États de droit ; lesquels sont pourtant la condition objective dirimante de l’appropriation privée du capital. La finalité et la nécessité des États et sociétés d’États à protéger et définir les droits des personnes conformément aux constitutions nationales des États actuels et aux traités actuels de la zone euro, serait de fait éludée.

Mettre en place un association citoyenne de financement populaire européen efficace au profit de la Grèce signifie concrètement reconstruire un dispositif extra-étatique de financement des intérêts communs des citoyens grecs. Le capital nominalement privé remplacerait la fiscalité. Le contrat associatif poserait un objet commun, en l’occurrence assurer le financement du bien commun en Grèce, dans un premier temps. L’association de financement populaire aurait à contractualiser ses règles d’engagement et de discussion de ses engagements. Enfin, elle définirait sa gouvernance par quoi les contributeurs sont identifiés et recensés et par quoi les citoyens sociétaires feront vivre la communauté conformément à son objet statutaire convenu entre tous les contributeurs.

Fonder une association internationale de citoyens en faveur d’un refinancement de la Grèce en euro revient à fonder un État d’origine privée international à finalité gouvernementale financière. Les premiers actes de ce pouvoir étatique de citoyenneté multinationale seraient :

  1. de poser des finalités communes relatives au respect du droit des sociétés politiques à exister souverainement dans une économie de lois et de droits approuvée et financée par des ressources propres mises en commun entre toutes les personnes adoptant une même citoyenneté multinationale ;
  2. de matérialiser la poursuite des finalités politiques mises en commun par un système de prix où tous les objets reconnus par les communautés souveraines sont achetables, empruntables, prêtables et vendables dans une unité de compte monétaire dont la convertibilité en biens et services livrables est garantie par la réserve publique commune de capital qui est appelée « réserve de change » ou « fonds propres » ;
  3. de constituer un corps propre de règles communes délibérables, interprétables et applicables par un gouvernement de personnes responsables et solidaires par un pouvoir de trois natures distinctes, législatif, exécutif et judiciaire, et séparés dans une comptabilité monétaire commune ;
  4. de systémiser en monnaie, la convertibilité des lois exécutées dans des corps souverains différentiables de règles homologues au sein du dispositif financier international communautaire de compensation interbancaire.

Vanité de l’euro hors de l’économie fédérale européenne

Les premiers actes d’un financement populaire associatif direct, simple et efficace de la citoyenneté en Grèce consistent en l’adoption des procédures actuelles essentielles de la démocratie. Procédures contenant encore des mécanismes de fiscalisation des dépenses communes dans ce qu’il reste de nos États de droit dans le régime instauré en euro de l’anarchie mondiale du capital financier virtuel. Rechercher le moyen de renflouer le gouvernement de la démocratie en Grèce revient à reconstruire dans une monnaie commune européenne un système d’évaluation des dépenses communes assurant les droits personnels privés ; et à fiabiliser dans chaque souveraineté la perception fiscale des dépenses communes contenues dans chaque paiement entre personnes privées.

Comme la prise en charge des dépenses communes n’est pas l’objet du système monétaire européen ordo-libéral, le sauvetage des souverainetés européennes de citoyennetés nationales émanera des mouvements de pensée et de revendication politique favorables à l’économie solidaire organisée du vivre ensemble. La monétisation du vivre ensemble implique une réformation politique. Les mouvements de la démocratie doivent se fédérer, comme Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne, à l’échelle internationale européenne afin de se présenter aux suffrages des citoyens. Une fois atteinte la masse critique de visibilité médiatique, les partis de la démocratie européenne doivent convoquer un congrès de fondation d’une société supranationale d’États de droit européen. Cette nouvelle société politique européenne pourra s’appeler « Fédération des démocraties d’Europe ».

La FDE aura pour objet de financer la démocratie en Europe dans le strict respect des lois actuelles nationales et européennes communautaires. Mais elle se dotera d’un capital en euro alimenté par les cotisations fiscales de toutes les personnes physiques et morales adhérentes. Le capital fédératif sera alloué par les procédures actuelles de la démocratie à toutes les structures étatiques locales, entrepreneuriales, nationales ou multinationales que la FDE reconnaîtra et assurera comme sociétés démocratiques. La Grèce comme toute autre société politique candidate à l’adhésion sera évaluée par l’assemblée générale des actionnaires de la FDE composée des personnes physiques adhérentes.

Les actionnaires de la démocratie européenne disposent d’une voix chacun, dont le poids est indépendant de toute quantité de capital monétaire géré ou contrôlé. Les citoyens personnes physiques votent pour les dotations du capital commun. Le capital de personnalité politique publique est alloué aux personnes morales représentées par leur organe de gouvernement en exercice. Le droit civil et le droit des sociétés actuels s’appliquent intégralement tels quels. La réalité nouvelle est le capital public en euro matérialisé dans un gouvernement financier européen fédératif. La fonction financière fédérative est de répartir la masse monétaire centrale déposée à la BCE entre toutes les sociétés de quelconque nature légalement adhérentes à la fédération de l’euro. Une allocation fédérale d’euro central à toutes les personnes morales solidaires en monnaie commune est juridiquement une consolidation de primes d’assurance de la loi appliquée par chaque organe social de gouvernement.

Modalités monétaires de la responsabilité politique fédérée

Le gouvernement fédéral en exercice est celui dont le projet de répartition budgétaire du capital a été approuvé par la majorité des votants de la FDE. Voter une certaine répartition du capital monétaire commun signifie accepter toutes les variations de cotisation fiscale induites par les dépenses d’assurance de la loi démocratique commune. Loi commune déposée, exécutée par le gouvernement fédéral élu en exercice, comme par tout autre gouvernement national, local ou entrepreneurial en exercice. La gouvernance fédérative se différencie des gouvernances nationales et locales par la circonscription du pouvoir fédéral à l’exécution comptable du budget monétaire. Le budget fédéral est la matérialisation des dépenses assurantielles adossées aux recettes fiscales de financement des objets de légalité commune.

Les lois et règlements de la démocratie sont délibérés à l’échelle nationale et locale. Leur interprétation et l’assurance de leur efficience démocratique réelle est appréciée à l’échelle confédérale. Le gouvernement financier fédéral est responsable exclusivement par le budget d’assurance de la démocratie, qu’il exécute. Tout citoyen de la FDE dispose d’une voix permanente qu’il attribue à la coalition gouvernementale fédérative dont le budget correspond le plus exactement à sa vision de la démocratie en Europe. Exécute son budget, la coalition politique gouvernementale disposant de la majorité relative des électeurs de la FDE. Le gouvernement fédéral en place est remplacé à la seconde où il perd la majorité.

L’élection du gouvernement financier de l’euro procède d’un vote continu unitaire de chaque citoyen européen. Plusieurs coalitions politiques distinctes défendent en permanence au Parlement Européen des budgets alternatifs applicables immédiatement en substitution du budget courant qui perdrait la majorité. L’actionnaire citoyen de l’euro est juge permanent de la conformité du budget confédéral à l’idée qu’il a de la démocratie européenne. La FDE est un contrat social européen de matérialisation de la démocratie nominale en démocratie réelle par la monnaie. En pratique, il suffit de digitaliser la monnaie en subordonnant son existence à l’identification unique de chaque personne physique capable d’effectuer un règlement.

La personne physique rendue ontologiquement dépositaire de la monnaie est par la réalité-même monétairement assurée dans ses droits en devenant personnellement responsable de leur matérialité. La monnaie personnaliste est au service de l’existence propre de chaque citoyen dans le bien commun de tous. L’unité monétaire émanant exclusivement de la personne physique se divise infiniment dans la durée projetable par l’anticipation financière. Mais à la cupidité de l’individu auto-centré, la monnaie personnaliste substitue tous les droits réalisables sous les différents objets de la loi commune délibérable en société. Le capital monétaire se définit et se matérialise comme une subdivision proportionnelle à tous les biens socialement définis. La société est unité monétaire décisive du capital reconnu par un prix légal.

Fiscalité du droit social en monnaie des personnes

Dans la FDE, le pouvoir d’achat de l’euro unitaire devient variable non par rapport à des produits nominaux mais par rapport à des objets réels livrables dans les sociétés réelles déposées en unité de compte. L’économie des prix est structurée par des sociétés politiques distinctes et solidaires dans une loi commune de démocratie. Le prix réel d’un euro dépend de la qualité effectivement rendue des biens promis par les sociétés politiques identifiables, responsables, fiscalisées et assurées par la confédération monétaire. La monnaie véritable de la démocratie est la possibilité de produire sous un même prix du même produit des réalités différenciables selon les sociétés politiques engagées dans le droit des personnes acheteuses et vendeuses. La différentiation se matérialise par des primes de change sur le transfert d’un prix d’une société acheteuse à une société vendeuse.

Dans l’actuel système de monnaie libérale dissociée de l’existence des personnes, le règlement d’une prime de change n’intervient qu’à l’occasion du paiement d’un prix dans une autre unité de compte que celle du contrat. La monnaie personnaliste introduit le calcul d’une prime de change dans tout paiement inter-social entre des référentiels différents de légalité objective. La réalité différente des bénéfices rendus aux personnes physiques réelles à cause des objets judiciaires différents d’une société vendeuse à une société acheteuse est exprimable en monnaie par la prime de change inter-sociale. Cette prime de change est captée par la société politique qui unifie deux sociétés spécifiques dans une économie de droits communs. La prime de change inter-sociale est l’actuelle taxe sur la valeur ajoutée.

L’euro qui assure la substance des droits personnels dans les choses est nécessairement convertible par une prime fiscale entre des sociétés politiques différentes. Un bien exporté d’une souveraineté à l’autre ne contient pas le même bénéfice comptable pour l’ensemble de ses vendeurs qui exportent et pour l’ensemble de ses acheteurs qui importent. Au lieu de réserver la plus-value de conversion juridique d’une transaction européenne à l’intermédiaire bancaire qui n’a aucune responsabilité d’équité et de justice, la fiscalisation de la prime de change restitue à la société politique d’assurance du commun bien économique le prix de l’origine judiciaire de la plus-value cambiaire. La prime de conversion de l’euro entre deux sociétés membres est en nécessité démocratique de nature fiscale et fédérale. La nécessité économique est réalisée par la fiscalisation fédérative des primes de change inter-étatiques en euro.

La liberté démocratique est alors assurée contre l’aliénation financière des peuples et des personnes par le crédit. La capitalisation fédérale des primes de change latentes dans les paiements inter-étatiques en euro est en soi une réserve assurantielle publique de tout dépôt comptabilisé au crédit d’une banque en euro. La contrevaleur légale de tout crédit comptable en euro se retrouve doublement assurée par la perception exhaustive et systématique de la TVA dans les souverainetés nationales et par le calcul liquidatif de plus-value cambiaire dans la FDE. Le capital de nature exclusivement privée dans l’euro actuel est enrichi d’une réalité assurantielle publique à son degré national d’existence. L’existence juridique nationale du capitale est financièrement garantie par un capital public fédératif international de l’Etat de droit en euro.

Processus financier d’assurance du crédit par la démocratie

La différentiation des capitalisations nationales de la loi commune peut être régulée par la fédéralisation fiscale du capital alloué à l’équilibre du crédit. Le crédit mesure le prix des droits réels des personnes réelles. L’adhésion d’une société nationale à la FDE induit un dédoublement monétaire de la fiscalité. Matériellement, la pression fiscale ne change pas mais la répartition du prélèvement fiscal devient égalitaire entre toutes les personnes physiques résidentes en euro et partagée entre la fédération et les nationalités. Une fraction de la fiscalité nationale est reversée au budget fédéral selon le risque personnel encouru par le bénéficiaire quelconque du paiement en euro. Un paiement en monnaie est la créance acquise en droit par un vendeur de la chose réelle sur une société politique irrévocablement engagée à restituer le prix en droit de la chose vendue.

Par essence, la fiscalisation du bien réglé en euro finance l’assurance des droits du vendeur à proportion de la réalité livrée. Grâce à la numérisation intégrale de la monnaie, la FDE crée une obligation inaliénable de déclaration exhaustive des objets livrés et de versement de la prime d’assurance fiscale votée par la démocratie. Pour chaque nature d’objet, le budget fédéral fixe la quote-part de fiscalité nationale qui doit lui être reversée afin d’assurer la réalité du droit dans les sociétés politiques de l’acheteur et du vendeur. Ainsi les États nationaux sont eux-mêmes taxés sur leur recettes fiscales par la communauté européenne fédérative des citoyens. La FDE est financièrement un marché de titrisation assurantielle du prix effectif réel de la démocratie dans chaque société membre de la fédération monétaire.

Dès lors le système interbancaire actuel de compensation en euro suffit à financer la démocratie réelle dans la zone euro. La mise en œuvre d’une fiscalité confédérale suppose un cadastre européen exhaustif et complet de la souveraineté des personnes morales. Toute société est déposée en euro pour assurer la liquidité de ses paiements internes et externes en droit de la démocratie. Toute société se dépose par son identification dans le cadastre européen tenu par la BCE en y déposant tous les objets qu’elle promet de produire et de vendre. Toute société est alors titrisée par un capital nominal en euro qui soit assurable par une dotation de capital fédéral.

Les paiements internes à une société sont effectués en capital nominal et les paiements externes en capital réel fédéral. L’euro réel est de nature fédérale et les euros nominaux sont propres à chaque société nationale, locale ou entrepreneuriale inscrite au cadastre monétaire européen. La différence entre un paiement réel et un paiement nominal est dans la prime fiscale de convertibilité du nominal au réel versée au budget fédéral. Si un capital nominal de souveraineté est insuffisamment doté en capital fiscal fédéral par rapport au prix réel des biens effectivement livrés au citoyen, alors en vertu de la rationalité économique classique, les prix domestiques sont poussés à la hausse par rapport aux prix externes. Le déséquilibrage des échanges extérieurs vient dévaluer le capital nominal domestique par rapport au capital réel en euro fédéral.

Retour aux fondements de la civilisation européenne

La fiscalisation fédérale de tous les prix dans une société de souverainetés européennes monétairement différentiables induit la restauration d’un ordre de la démocratie dans les échanges économiques. La réalité bascule du nominalisme juridique et financier, dans l’économie des droits humains transformables en biens réels universels. La délibération des personnes solidaires par la production de leurs droits se substitue à la comptabilisation oligarchique de dettes sans contrepartie réelle. Pour que la démocratie soit financée en Grèce et ailleurs, il suffit que les citoyens le veuillent et le décident. Les arguties de cupidité oligarchique contre la monnaie du droit humain sont vaines. L’autisme libéral est soigné par la démocratie grecque.

 

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