Les interactions complexes de l’économie et de l’environnement, par Guy Weets

Billet invité.

Le remarquable billet de Cédric Chevalier sur le « formatage  » des économistes m’a irrésistiblement rappelé une aventure similaire et complémentaire ou certains acteurs sont les mêmes. Jugez-en.

Il y a une quinzaine d’année, j’étais en charge d’un programme de recherche qu’on pourrait appeler  » Outils Informatiques et défis environnementaux ». Dans la ligne d’une pensée qui avait émergé il y a quelques décennies, les environnementalistes se représentaient les problèmes environnementaux comme des systèmes socio-écologiques complexes loin de l’équilibre, dit plus simplement en évolution constante.

A la base de cette école de pensée on trouve Denis Meadows éditeur du rapport du Club de Rome « Les limites de la Croissance » et le modèle World3. Le modèle était assez simple, on était à la fin des années 1960 et les ordinateurs étaient bien moins puissants que le plus rudimentaire des téléphones portables d’aujourd’hui. En dépit de ces limitations, le modèle prenait en compte des relations de causalité multiples et des boucles de rétroaction complexes intégrant des sous-systèmes aussi divers que la croissance de la population, la surconsommation des ressources non renouvelables, les structures de production et de consommation, les mécanismes de décision politique, l’alimentation, etc.

Au cours du temps ces modèles ont été déclinés à plusieurs échelles (nationales, régionales, globale). La difficulté n’était pas tant la complexité des modèles que le fait que l’environnement, la biodiversité, l’écosystème, affecte et est affecté par pratiquement tous les aspects de la vie humaine et par là est en relation forte avec un large ensemble de valeurs qu’elles soient éthiques, politiques, sociales, culturelles et bien sûr économiques.

Le programme de recherche que je souhaitais lancer devait intégrer l’économie dans le système socio-écologique. J’écrivais à l’époque : « dans une perspective systémique, l’économie et l’écosystème dans laquelle elle fonctionne doit faire appel aux concepts développés dans le dynamique des systèmes : non-linéarité, décalage temporel des processus qui connectent les différents composants du système » et si possible identifier les incertitudes irréductibles, l’indéterminé, l’irréversibilité et finalement l’ignorance. Ces derniers points visaient à donner une base théorique solide au principe de précaution promu par la Commission.

J’avais peu de contact à cette époque avec les économistes, ma connaissance était limitée à un peu d’économétrie – j’avais travaillé quelque peu avec le Bureau du Plan-

J’ai donc rendu visite au CORE à LLN pour leur proposer de participer à un projet de recherche à définir en plus de détails. Le défi était de taille, il fallait combiner des modèles numériques avec des modèles stochastiques et des modèles qualitatifs basés sur la logique floue. A ma grande surprise ma proposition fut rejetée sur la base que l’économie n’avait rien à voir avec l’écologie et que le social était marginal et déjà pris en compte. Seuls les Allemands et les Américains se sont montrés intéressés par cette approche, ce n’était pas suffisant et le projet a été enterré. L’an dernier j’ai rencontré au parlement européen Denis Meadows qui présentait les limites de la croissance 40 ans après. Son message était simple et concis : la croissance durable n’est plus une option, l’effondrement économique est proche, tous les modèles le prédisent… Il fut chaleureusement applaudi puis chacun retourna à ses activités.

A Paul Jorion : croyez-vous qu’on puisse leur faire honte?

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