À propos du billet de Bruno Colmant « Allumer les grands phares sur la crise », par Guy Weets

Billet invité, en réponse au dernier billet du blog de Bruno Colmant, « Allumer les grands phares sur la crise »

Monsieur Colmant, vous nous livrez là un excellent résumé des aspects financiers de la crise, mais la finance n’est-elle pas qu’une représentation de moins en moins fiable de l’activité économique réelle ?

Voici une piste de réflexion qui va dans le sens de votre billet, mais vu sous un angle différent.

La richesse produite par l’activité humaine chaque année varie peu, elle est partiellement corrélée à la démographie et à la productivité qui évoluent lentement.

Allumer les grands phares sur la crise, c’est aussi admettre que cette richesse doit servir trois objectifs :

1) entretenir et développer les infrastructures servant à produire des biens et services, ce qui comprend entre autres la formation, le transport, l’extraction de ressources non renouvelables et bien d’autres encore ;

2) restaurer les écosystèmes détruits par l’activité humaine et lutter contre le changement climatique ;

3) améliorer les biens et services aux personnes.

Le premier objectif coûte de plus en plus cher car on a commencé par exploiter les ressources les plus aisément accessibles. Les coûts d’exploitation ne peuvent qu’augmenter, quel que soit le gain de productivité réalisé. Ainsi, il y a 30 ans, il fallait investir un baril de pétrole pour en récolter 200. Aujourd’hui on en tire en moyenne 5 à 10. Quand on en sera à 1 pour 1, ce sera fini, même s’il reste des milliards de barils dans la croûte terrestre.

Le deuxième objectif a été négligé, nous avons une dette écologique à payer qui n’est reprise nulle part ! En outre, les coûts écologiques explosent justement à cause de la rareté croissante des ressources. Voir le désastre écologique des sables bitumeux au Canada, de l’exploitation de la lignite en Allemagne (pour pouvoir sortir du nucléaire !), des gaz de schiste aux États-Unis , gourmands en eau et produit chimiques au moment même où la pénurie d’eau potable menace.

Le troisième objectif ne se porte pas mieux : les gadgets inutiles s’accumulent mais les services vitaux se dégradent et la pauvreté explose. Je ne parlerai pas ici des services nuisibles comme la finance casino que vous connaissez bien.

Pour cacher cette défaite de la pensée dominante, on a fait porter le poids de nos erreurs et entêtements sur les générations futures.

La science économique, qui n’est pas plus une science que ne l’est la scientologie, a échoué sur tous les fronts. Nous avons tous marché comme des zombies attirés par tout ce qui brille et nous fait croire plus intelligent, plus riche ou plus puissant que nos voisins. Il va falloir payer et le plus vite sera le mieux si on ne veut pas que les générations futures nous haïssent.

Diagnostiquer le cancer ne sert à rien si on n’a pas de thérapie. Si on a une thérapie, c’est bien mais ce serait mieux d’en connaitre les causes. Le cancer consumériste se développe, la chimiothérapie financière ne fonctionne plus. Ne pourrait-on pas enfin réfléchir sur les causes ? Une piste : l’incapacité de penser les activités de l’homme comme un système où tout est lié.

Ps : on le savait déjà en 1972 !

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