LE TEMPS QU’IL FAIT LE 5 JUIN 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 5 juin 2015. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 5 juin 2015, et, eh bien, ça va faire sept ans que je fais ces vidéos le vendredi, et 52 par an, fois 7, ça nous fait plus de 350. Et le plus remarquable, sans doute, c’est que chaque vendredi, quand je me mets devant cette webcam pour faire ma petite vidéo, eh bien, je n’ai jamais le problème de me demander : « Est-ce que tu as quelque chose à raconter ? » Au contraire, ça se bouscule ! Ça se bouscule et ça nous montre que nous sommes dans un monde où il se passe des choses.

Il se passe des choses ! Moi, je suis né à la fin des années 40. Dans les années 50, malgré la guerre froide en arrière-plan, on nous disait qu’il n’y allait plus rien se passer. Voilà, notre monde allait rester dans un état plus ou moins stationnaire, et en fait non, ce monde, quelques années plus tard, cinquante ans plus tard, est en train de se déglinguer, et il faut parler de cela si on veut, si on veut, eh bien, que tout ça ne se concrétise pas par la disparition de l’espèce en tant que telle. Nous sommes dans un monde à la Mad Max, et ce n’est peut-être pas par hasard si on ressort des films sur ce thème : un monde de l’effondrement. Mais il faut en parler pour essayer d’empêcher que ça se passe de cette manière.

Alors, de quoi je voudrais vous parler ? Eh bien, je voudrais d’abord vous montrer un petit document. [P.J. montre le document.] Voilà. Vous voyez ? C’est un document qui est produit par un organisme qui s’appelle LuxembourgforFinance, et ce qui est montré sur la carte, ce sont les pays dont l’échelle a été modifiée pour représenter les transactions financières à travers les frontières. Et cette petite plaquette, qui est donc produite par des organismes luxembourgeois, mais qui est aussi sponsorisée par des grandes firmes d’audit comme KPMG, PricewaterhouseCoopers, aussi par des banques comme HSBC, qui est bien dans l’actualité, hier, parce qu’elle a dû payer une grosse amende à la Suisse, mais elle a quand même été exonérée du crime de blanchiment d’argent sale. Et donc, le but de cette petite plaquette, c’est de nous montrer que le Luxembourg est un exemple en matière de finance, [que] c’est un grand centre financier, voilà, qui doit être utilisé comme le bon exemple pour les autres. Les autres devraient s’aligner là-dessus.

Manque de pot, manque de pot : le premier juin, la Belgique a déclaré que le Luxembourg était un paradis fiscal, un havre fiscal. Bon, ce que tout le monde savait, mais enfin, c’est une déclaration officielle, et ça veut dire que les transactions entre la Belgique et le Luxembourg qui dépassent 100 000 Euros doivent être signalées à l’attention des autorités. Alors, eh bien, ça la fout un petit peu mal pour un pays qui se présente en exemple. Alors il y a tout de suite des grands cris qui ont été poussés, mais, vous le savez, bon, ce n’est pas tolérable, bien entendu, ce dumping fiscal. Il y a eu des articles, il y a eu en particulier un article dans le Financial Times, qui montrait comment ça se passait. Il y avait un monsieur, si j’ai bon souvenir, qui s’appelle Marcus, et qui, voilà, qui était dans un bureau, et puis les entreprises venaient, se présentaient, en disant : « Voilà, on ne voudrait pas payer beaucoup d’impôts, combien est-ce que vous nous demandez de payer, au Luxembourg ? » Et le monsieur disait des chiffres très très bas, et voilà comment ça se passait.

A l’époque, Monsieur Juncker était premier ministre du Luxembourg, il n’était pas au courant – enfin c’est ce qu’il nous affirme ! – il n’était pas au courant que ça se passait de cette manière-là. Ou plutôt, peut-être, ce n’était pas considéré comme aussi grave que maintenant, quand les Etats ont besoin de l’argent de leurs contribuables, ont besoin que les gens payent leurs impôts, parce que, eh bien, il y a des trous dans les finances, un petit peu partout. Ce n’était pas vu de la même manière, c’était vu même comme assez chic, voilà, d’avoir son argent au Luxembourg et le pays lui-même avait une belle image.

Eh bien, cette image est en train de se ternir, et ça fait partie des petites victoires que nous obtenons : c’est que le domaine financier est un petit peu sur la défensive. Et on dit toujours, il y a des gens qui m’envoient des mails en disant : « Mais Monsieur Jorion, vous ne nous donnez jamais de bonnes nouvelles, c’est toujours des mauvaises nouvelles, vous êtes un Cassandre, etc. », et hier, j’ai donné une bonne nouvelle, j’ai donné une très bonne nouvelle. J’ai montré, j’ai souligné que la Grèce était en train de marquer des points dans son bras de fer avec la Troïka, et vous avez beaucoup aimé ça.

Vous avez beaucoup aimé ça : j’ai regardé, tout à l’heure, avant de commencer ma vidéo. Ça a été liké – « liké », vous savez, de « like », de « bien aimer », sur Facebook – plus de mille fois. Quand j’ai regardé, je crois que ça avait été re-tweeté 96 fois. Vous aimez les bonnes nouvelles, en fait ! Voilà, vous êtes comme tout le monde, vous aimez les bonnes nouvelles, et le fait que la Troïka est en train d’être un peu sur la défensive, [et que] le petit David, contre le gros Goliath, est en train de marquer des points, vous aimez bien ça, et donc je vais continuer à vous tenir au courant de ce genre de choses, puisque c’est des bonnes nouvelles. Il y a des revers, il y a des revers qui sont subis par la finance, dans sa [volonté de] domination, de maître de l’univers.

Il y a quelque chose que vous ne suivez peut-être pas trop, parce que ça ne se voit pas trop dans les nouvelles. C’est un monsieur qui s’appelle Tom Hayes. Tom Hayes est accusé d’avoir manipulé le Libor, et il est en procès actuellement. Et ce monsieur, il dit, comme l’avait fait Jérôme Kerviel à l’époque : « Eh bien écoutez, non ! Maintenant, on me dit que c’était pas bien, mais mes patrons disaient : ‘Il faut que ça bouge, que le Libor bouge dans telle direction’, ils ne me disaient pas exactement comment il fallait le faire, je n’avais pas une longue liste d’instructions, mais enfin, bon, c’était discuté au plus haut niveau dans ma banque. » Il était un petit peu plus haut, je dirais, dans la hiérarchie, que Monsieur Kerviel, et c’est ce qui lui permet de se défendre, je dirais, avec un peu plus de vigueur.

Le temps a passé, aussi. Il faut dire, dans le cas de Kerviel, vous savez bien, bon : il y avait eu des pertes considérables sur les subprimes, et comme la Société Générale était parmi les premières à perdre beaucoup d’argent, il n’y avait pas la mode de dire : « Eh bien, c’est à cause des subprimes », elle est arrivée un petit peu trop tôt et elle a essayé d’inventer autre chose, et on a inventé Monsieur Kerviel. Ça ne veut pas dire qu’il ne faisait pas des opérations sur les marchés. Ça ne veut pas dire, surtout, qu’il ne gagnait pas beaucoup d’argent pour la banque et qu’on trouvait ça formidable, et le jour, le jour où il y a eu un petit pépin sur les marchés, eh bien voilà, ça a commencé à baisser. Et comme il avait gagné un milliard, eh bien, il a perdu beaucoup de milliards aussi, et beaucoup de ces milliards ont été évidemment perdus le jour où on a essayé de défaire des positions dans un marché boursier qui était absolument chahuté et où toutes les positions boursières perdaient plusieurs [points de pourcentage] sur leur cote, etc., c’était le pire jour pour le faire, ce qui a multiplié les pertes. Mais voilà : si la Société Générale s’était retrouvée dans cette position, je dirais, trois semaines plus tard, elle aurait fait comme tout le monde, elle aurait dit : « c’est les subprimes », elle n’aurait pas utilisé une astuce qui consiste à dire que c’était essentiellement dû à un « rogue trader », à un trader fou.

Les nouvelles, donc, de la finance sont plus ou moins bonnes pour ce qui nous concerne, c’est-à-dire qu’en fait, les choses vont dans la relativement bonne direction. Je suis distrait, parce qu’il y a quelque chose dont je voulais vous parler de ce point de vue-là, et c’est une petite anecdote : c’est le fait que – vous vous souvenez peut-être – c’était en 2009, c’était peu de temps après l’effondrement, l’effondrement généralisé de la finance, il y a Monsieur Jean-Maxence Granier qui avait fait un rapport en France, [dans lequel] il avait eu l’amabilité de me mettre comme étant l’une des personnalités dont l’opinion comptait sur l’évolution de la finance, et il évaluait à l’époque quatre attitudes possibles pour les gouvernements : reconstituer la finance à l’identique, modifier le système de fond en comble mais on reste dans un cadre capitaliste, modifier le système de fond en comble mais on remet en cause certains présupposés importants du capitalisme – je donne un exemple : la propriété privée sous une forme légèrement différente, etc. – et, quatrième position, on ne fait rien, tout s’effondre et il faut recommencer avec quelque chose de tout neuf. Et il y a quelques jours, je me trouve dans un restaurant, et il y a quelqu’un qui me regarde, une dame, et puis il y a un monsieur qui vient s’asseoir à côté d’elle, et puis elle lui explique quelque chose, et le monsieur se lève et vient me dire bonjour, et il me dit : « Je suis Jean-Maxence Granier ». Et il y a une photo qui a été faite par la compagne de Monsieur Granier et que je mettrai à la suite de la vidéo. Alors, il prépare un autre rapport sur la manière dont les choses sont maintenant. Voilà.

On avance, on avance petit à petit, on marque quelques petits points ici et là. On peut mener, je dirais, des campagnes sur un thème particulier. Il se [fait] que je devais faire une chronique pour le magazine, le magazine du monde des affaires en Belgique qui s’appelle Trends-Tendances, et c’est paru hier, et j’ai fait un article sur la marchandisation, vous le verrez dans quelques temps – à moins que vous achetiez le magazine, et là, vous aurez l’occasion de le lire directement à l’intérieur du magazine. J’ai une chronique qui sort dans le Monde mardi prochain. Je l’ai faite sur le même thème de la marchandisation, du fait qu’on attache un prix à tout, qu’on ne se préoccupe plus de la qualité, que l’éthique a été bazardée, et, voilà, il faut taper sur le clou, il faut enfoncer le clou, il faut répéter ça, il faut marteler.

Il faut marteler, parce que, eh bien, parce qu’on est en train de marquer quelques points. Et comme je vous l’ai dit, comme je l’ai remarqué, vous aimez beaucoup ça, vous aimez les bonnes nouvelles, et je vais continuer à [les] souligner. Je l’ai fait depuis un certain temps, mais il y a un frémissement, il y a un frémissement. Il y a déjà eu des frémissements avant, qui n’ont pas donné grand-chose, mais là, pour le moment, il y a un frémissement, il faut répercuter ça, il faut en parler. Et c’est gentil quand vous likez ça à plus d’un millier, quand vous re-tweetez mes tweets de l’ordre d’une centaine de fois, c’est une très bonne chose, ça répand les bonnes nouvelles, voilà.

Aller, j’arrête là-dessus, à la semaine prochaine. Au revoir !

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