Crise européenne : aux limites de l’invulnérabilité…, par Gérard Dumont

Billet invité.

Il y a maintenant près de deux ans je rédigeais ici un billet dont le titre était le suivant : “La dronisation de la crise européenne”.

La lecture de l’ouvrage Théorie du drone (Ed, La Fabrique) d’un jeune philosophe du CNRS en la personne de Grégoire Chamayou m’avait, de manière assez inattendue, amené à effectuer des rapprochements entre ce véritable emblème de la guerre ou plutôt de la chasse anti-terroriste mondiale qu’est le drone et certains des fondements de la crise européenne.

Ce qui avait largement retenu mon attention à l’époque était le parallèle entre la faculté du drone à projeter du pouvoir sans devoir en souffrir d’une quelconque vulnérabilité et son équivalent en matière de gestion de la crise européenne concernant les institutions de l’union européenne.

Or c’est bien un retour de bâton, lui même provenant d’un certain invariant de l’histoire des peuples à reprendre possession de leur destin, que le gouvernement grec élu est en train d’infliger à ce statut d’invulnérabilité des institutions européennes.

Il faut l’admettre, ces institutions font de moins en moins preuve de retenue dans cette lutte acharnée en vue de préserver cette invulnérabilité. La décision prise hier par l’Eurogroupe (pas vraiment une institution européenne… mais passons) de mettre fin au programme d’aide financière à la Grèce le 30 Juin témoigne du prix que sont prêts à payer les institutions européennes afin d’éviter de faire face à leur propre vulnérabilité.

Car le référendum annoncé par le premier ministre grec Alexis Tsipras sur l’acceptation ou non par le peuple grec du projet d’accord avec ses créanciers et que vise précisément à éviter la décision prise par l’Eurogroupe constitue une véritable menace vis à vis de cette invulnérabilité.

Certes les institutions européennes en ont vu d’autres (référendums français et néerlandais de 2005, menace de référendum grec en 2011…) mais cette fois ci, la souffrance du peuple grec semble leur faire comprendre que la partie sera moins facile et que finalement la meilleure façon de gagner serait de ne pas jouer…

Pour revenir à la dimension militaire et à l’ouvrage de Grégoire Chamayou c’est un retour à une certaine morale du sacrifice politique héroïque (qui oblige d’ailleurs à s’exposer à la vulnérabilité du vrai débat et du choix politique) à laquelle se soumet dignement Alexis Tsipras face à la morale de la norme et de la règle technique des institutions européennes et du FMI.

Ne nous n’y trompons pas, l’Europe est à un tournant de son histoire.

Je citais en Juin 2013 Günther Anders, grand intellectuel allemand du 20ème siècle qui prophétisait l’Europe dans son ouvrage Hiroshima est partout, comme : “un paradis habité par des meurtriers sans méchanceté et par des victimes sans haine”.

Aujourd’hui, le paradis d’une Europe des peuples s’éloigne, les “invulnérables” meurtriers sans méchanceté montrent de plus en plus les dents mais les victimes restent heureusement pour l’instant sans haine… pour l’instant…

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