LE TEMPS QU’IL FAIT LE 26 JUIN 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 26 juin 2015. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 26 juin 2015. Et vous avez vu, pour la Grèce, eh bien on essaye de vous tenir informés autant qu’on peut, et on n’est pas si nombreux, on n’est pas si nombreux à vous parler de la Grèce. Il y a plusieurs raisons d’en parler et je donne aussi la parole à ceux qui m’envoient des billets, vous avez vu. Je reçois pas mal de propositions de billets et je les affiche. Alors, il y a des gens qui me disent : « Oui mais c’est contradictoire, ce que dit l’un n’est pas compatible avec ce que dit l’autre ! » Mais ça n’a pas d’importance, j’aime bien qu’il y ait un débat qui s’installe comme cela. Alors, en gros, bien entendu, eh bien, nous sommes du côté de, nous sommes du côté de la raison, nous sommes du côté des êtres humains contre les machines qui broient, et donc, il n’y a pas beaucoup d’hésitation dans ce que nous disons. Je ne vais pas vous parler de ça aujourd’hui, on essaye de vous tenir au courant en direct.

Je voudrais parler d’autre chose. Je voudrais vous poser une colle. Et en fait, c’est un problème auquel je me suis déjà coltiné, un petit peu, pas de manière tout à fait directe, mais voilà. Et ça se trouve dans « Misère de la pensée économique ». Alors, si vous êtes très riche et que vous ne l’avez pas encore, eh bien, achetez le, et si vous n’êtes pas très riche, il y a une autre possibilité, je crois que c’est depuis février de cette année-ci, ça existe aussi en Livre de poche. Et là-dedans, il y a un chapitre qui s’appelle (je vais essayer de retrouver comment ça s’appelle) : « Les composantes fondamentales ». Les composantes fondamentales, c’est un peu une réponse, en fait, à Karl Marx, qui nous avait dit, à la suite de Riccardo, qu’il y a de la valeur, et la valeur, c’est le travail, et il n’y a pas autre chose que du travail, parce qu’il y a des choses au fond des mines et tout ça, mais si il n’y avait pas de travail, ça ne sortirait pas et ainsi de suite. Et c’était une vision très différente de celle des Socialistes, qui disaient, [dans] une perspective, je dirais, un peu hégélienne – les Socialistes, je veux dire du 19ème siècle, il ne faut pas confondre (j’allais dire, il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes) ! – les Socialistes du début du 19ème siècle, les concurrents, ceux qui étaient en dialogue avec Marx, eux considéraient, un petit peu dans la perspective de Hegel, que l’homme est un catalyseur à la surface du globe, que c’est la bonté de la nature qui nous offre plein de choses, et que si nous nous mettons là, je dirais, un petit peu en éléments complémentaires, eh bien, nous pouvons faire apparaître des choses qui seront la richesse dont nous bénéficierons.

Alors, j’avais repris un peu tout ça, toutes ces idées de composantes, de ce qu’il y a, de ce qu’on met ensemble quand on essaye de produire quelque chose, des récompenses des uns et des autres, et j’avais essayé de mettre ça un petit peu à plat. J’étais assez satisfait de la manière [dont j’avais écrit ça]. Il y a une trentaine de pages, vous verrez ça si vous n’avez jamais lu ça, il y a une trentaine de pages à ce sujet et je crois que ça met les choses un petit peu à plat, en particulier que ça souligne le rôle que joue la propriété privée dans tout ça. Si il n’y avait pas la propriété privée, tout ça serait en fait beaucoup plus simple et plus facile à régler, mais on a mis, nous, on a mis la propriété privée. C’est-à-dire qu’on a donné ces aubaines, comme disait Proudhon, ces dons qui nous sont faits par la nature, eh bien, nous avons mis des êtres humains là-dessus, par-dessus, qui prennent un octroi, qui font payer des droits au passage sur l’utilisation des choses qui leur appartiennent désormais. C’est un truc complètement fou, la propriété privée ! Je sais, il y a des endroits où on a essayé de supprimer ça, mais de manière très maladroite et ça n’a rien donné, mais c’est un truc fou, je veux dire, ça nous tuera, hein, ça nous tuera un jour ou l’autre.

Alors, pourquoi je vous parle de ça, c’est parce qu’on m’envoie l’autre jour – et ça, ça a un rapport avec où je serai la semaine qui vient. Le 1er et le 2 juillet, je serai à Lausanne, où il se passe un événement qui s’appelle G21, qui a un sous-titre qui s’appelle « Swisstainability », un jeu de mots sur « sustainability », la durabilité en anglais, et le mot « Suisse ». Ça se passe en Suisse, ça se passe à Lausanne, et je crois que c’est la troisième fois que Barbara Steudler organise ces événements-là, et c’est bien fait ! Je veux dire que moi je vais quand même souvent à des colloques où on se demande pourquoi on a invité telle et telle personne, parce que ces personnes n’ont pas grand-chose à dire, et là, c’est dense ! Je l’ai remis en tête de gondole sur le blog pour que vous puissiez voir la liste des gens qui viennent. Parmi ces gens-là, il y a des gens avec qui je dialogue, en fait, je dirais, pratiquement tous les jours. C’est pas du vent ! On parle de beaucoup de choses, vous allez voir : de transformer la planète pour qu’elle soit de nouveau utilisable, … Il y a beaucoup de gens, on parle de beaucoup de choses, et je recevais un courrier, l’autre jour, d’un des participants, et qui a une proposition sur la manière de, comment dire, de tenir compte dans notre économie – et ça se refléterait dans le Produit Intérieur Brut – de tenir compte du fait que, eh bien, nous puisons, nous épuisons la planète autour de nous.

Et quand on essaye de traiter ce problème de manière classique, à l’intérieur du cadre de la science économique, on s’aperçoit d’une chose. C’est que ces dons de la nature, ces gains que nous faisons à partir des dons de la nature, ces aubaines, ça n’a aucune place, en fait, dans la science économique. C’est considéré comme un donné qui est mis entre parenthèses. Quand les gens essayent de l’aborder dans une perspective économique, on parle d’« externalités ». Mais les externalités, ce n’est pas ça, en fait. Les externalités, c’est, voilà. Exemple d’externalité négative : je collectionne les vieux pneus et je les fais brûler pour faire de l’électricité, et voilà, c’est formidable, ça crée de l’emploi dans la région. Seulement, ça fait tousser tout le monde autour, parce que c’est dégueulasse, et je compte les bénéfices de ma société, mais je ne compte pas dans les bénéfices de ma société les frais de médecin, les frais de pharmacien de tous les gens que j’empeste à côté de moi. Voilà. Ça, c’est des externalités négatives. Alors, exemple en sens contraire, externalité positive : eh bien, je suis apiculteur, il y a plein de ruches, etc. J’ai une entreprise de miel florissante, et tous les vergers autour, de mes concitoyens qui ont des vergers, eh bien sont florissants à cause de mes abeilles. Ce sont des externalités positives du fait que j’ai plein d’abeilles, et ce n’est pas compté non plus dans le Produit Intérieur Brut. Voilà, ça n’apparaît pas, le fait qu’il y a une richesse supplémentaire qui est créée par mon entreprise d’apiculture.

Et quand on essaye d’aborder les aubaines dans l’expérience que j’en ai, on essaye d’intégrer ça comme étant des externalités positives. Mais ça ne colle pas, ça ne marche pas, parce qu’il faudrait considérer que c’est en fait au centre même des entreprises. Et s’il fallait en parler correctement, on serait obligés de mettre à l’avant la propriété privée, le fait qu’il y a captation, justement, il y a captation des aubaines par la propriété privée. Et ça, ça fait partie, évidemment, bien entendu, la propriété privée, le fait qu’il faille payer des intérêts, que si on doit avoir de la croissance, c’est essentiellement parce qu’il faut payer des intérêts, tout ça, ce sont des choses qui n’apparaissent évidemment pas dans la science économique, surtout comme on la fait maintenant. Si on était encore dans le cadre de l’économie politique telle qu’on la faisait dans la première moitié du 19ème siècle, c’est des questions qu’on poserait.

Alors, ma colle, c’est : comment aborder, comment faire entrer, quand même, dans les calculs – non seulement dans les calculs, mais pour obliger les gens qui détruisent tout autour de nous de ne pas le faire – comment le faire autrement que par les moyens détournés qu’on me propose, et qui sont des augmentations de la TVA, ou des diminutions de la TVA, c’est-à-dire par le biais de la fiscalité.

Aborder ce problème-là par la comptabilité et par les règles comptables, ce serait déjà un premier pas. Mais il y a encore plus à faire ! Il y a encore plus à faire : il y a à intégrer cette notion de dons qui nous sont faits par la nature, il y a à les intégrer à l’intérieur même de la science économique. Et malheureusement, comme je l’ai dit d’emblée, ce n’est pas le marxisme qui va nous aider de ce côté-là, parce que lui, il met la question absolument entre parenthèses. C’est le seul courant socialiste – parce que je mets quand même le marxisme parmi les courants socialistes du départ – c’est le seul courant socialiste qui a mis la question entièrement entre parenthèses. Il ne l’a pas fait de la même manière que la science économique, mais en disant qu’il n’y a de la valeur que du travail humain (ou du travail de la machine), il nous a rendus aveugles, il a introduit une cécité (c’est le mot que je cherchais). Il a introduit une cécité, on ne voit plus, on ne voit plus ces questions-là. Or, si on veut sauver la planète – et ce n’est pas seulement [l’homme] ! On dit : « Oui, oui, non, c’est sauver seulement l’homme à la surface de la planète ! » Non, maintenant, comme on est partis, c’est sauver la planète tout entière, je veux dire, la vie, la vie à la surface de la planète. Vous l’avez vu, ça commence à sortir un peu partout, les articles qui nous disent qu’on est dans la sixième extinction et que c’est nous qui l’orchestrons, alors il faut aller vite.

Voilà, je vous soumets cette question. Je vais ouvrir, pas la vidéo à proprement parler, mais le billet où cette vidéo va se trouver, je vais l’ouvrir aux commentaires, et je voudrais bien qu’on discute de ces questions-là. Parce qu’il faut pouvoir conceptualiser cette notion d’aubaine. Et l’aubaine, c’est encore autre chose ! Proudhon avait aussi dit que l’aubaine, il y avait quelque chose en plus : c’était le fait que l’organisation, l’organisation collective n’est pas tenue en compte non plus. Le fait que si on s’organise pour faire quelque chose, eh bien, on le fait mieux que si on le fait tout seul ou – contrairement à ce que s’imagine la science économique dominante – qu’une équipe qui s’organise pour faire quelque chose le fait bien mieux qu’une collection d’individus qui essayeraient d’improviser autour de ça.

Voilà. Bon, pas mal de choses que je vous soumets, il y a du pain sur la planche, et je vous dit : pour la Grèce, on continue à vous tenir informés, d’heure en heure si possible.

Voilà, à bientôt !

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