Qui va voter l’armistice ?, par Jean-Michel Naulot

Billet invité. Également sur son propre blog.

L’accord européen a été salué par les déclarations triomphalistes des chefs d’Etat et de gouvernement qui y ont vu, chacun à sa façon, son succès personnel. Il est vrai que les dirigeants européens nous ont habitué depuis quelque temps à qualifier « d’historique » tout accord à partir du moment où ils y apposent leur signature. En revanche, les médias ont exprimé de manière assez générale un grand scepticisme, en soulignant la fragilité de l’accord et ses conditions extrêmement dures. Dans l’opinion, des critiques très vives ont été exprimées, de tout horizon, pour dénoncer ce qu’il faut bien appeler une solution allemande à la crise.

L’accord qui a été signé propose d’ajouter l’austérité à l’austérité. Il ajoute de la dette à la dette, ce qui permettra, soit dit en passant, aux contribuables de la zone euro de rembourser le FMI et la BCE. Il fait passer sous tutelle un peuple qui était déjà à genoux et qui venait de dire un « non » retentissant à la politique que l’on voulait lui imposer.

Cependant rien n’est joué. D’abord parce que la mise en place de l’accord va être très difficile. L’accord devra probablement être revu et amendé dans les mois à venir. Après six mois d’une guerre économique impitoyable, les besoins en liquidités de l’économie grecque sont considérables et la rigidité de l’accord européen est peu compatible avec le financement de ces besoins. L’Eurogroupe et la BCE vont devoir affronter une situation dont ils sont en partie responsables. Mais surtout les dirigeants politiques vont devoir s’impliquer davantage dans l’analyse de la crise européenne. Ces derniers jours, on a pu observer à quel point les clivages traditionnels ne signifiaient plus grand chose. Dès cette semaine, les parlementaires de plusieurs pays de la zone euro vont devoir s’exprimer sur l’accord, en leur âme et conscience.

Ceux qui ont une idée du projet européen fondée sur la croissance et la solidarité, sur la coopération entre les Etats plus que sur la domination de l’un d’entre eux, vont pouvoir dire que l’accord signé est un mauvais accord, un accord qui ne fait que repousser dans le temps la solution de la crise.

Dans une tribune à Libération, j’ai qualifié hier l’accord européen d’armistice après six mois de guerre en plein cœur de la zone euro. Aujourd’hui, il peut être tentant de ratifier cet armistice qui ne résout rien pour gagner encore un peu de temps. Mais en refusant de dire les choses, de trancher le nœud gordien de la politique économique européenne, on conduit l’Europe dans une crise de plus en plus grave. Les tensions s’accumulent. La dette aussi.

La solution à la crise économique que traverse l’Europe est dans une gouvernance économique et monétaire plus souple, dans un respect plus grand des souverainetés et des peuples. L’inverse de ce qui est proposé.

Le moment de vérité est-il arrivé ? Peu probable… C’est aux parlementaires de répondre. Mais, de toute façon, après cet accord, rien ne sera plus comme avant.

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