La classe de Madame Dautreppe en 1952

Nous nous sommes réunis hier soir, nous les petits garçons (l’école mixte viendrait plus tard) de la classe de Madame Dautreppe en 1952, parce que 2016 sera pour la plupart d’entre nous (certains sont nés un peu plus tard, en 1947), l’année de nos 70 ans.

Nul ne les avait encore, ces 70 ans, mais ils étaient là, tapis dans l’ombre. Nous étions 8, sur les 32, à avoir su nous retrouver. Un autre, contacté, avait fait savoir que cela ne l’intéressait pas. Un autre encore arguait qu’il habitait trop loin, même si c’était beaucoup moins loin que moi qui avais rassemblé tous mes « miles » SNCF pour venir de Bretagne, pour être là avec mes anciens camarades.

Des photos ont été prises et je pensais en mettre ici mais l’un d’entre nous a dit que dans son métier ce n’était pas une bonne chose que d’avoir 70 ans, et je respecte son souhait de ne pas apparaître. C’est vrai que quand on atteint 60 ans, on ne peut s’empêcher de penser : « Je ne suis plus tout jeune ! » et quand on atteint 70, il serait surprenant qu’on ne se dise pas : « Et maintenant, je suis vieux ! »

Tout est relatif heureusement parce que quand l’un d’entre nous est sorti un instant fumer une cigarette, une dame « plus toute jeune » qui dînait dans le même restaurant avec l’une de ses copines, est venue sans ambages lui faire comprendre qu’elles se joindraient volontiers à notre compagnie. Nous n’étions pas intéressés mais reconnaissants quand même d’être ainsi légèrement rassurés.

Une chose m’a étonné, et attristé : certains ont dit de leurs parents qu’ils étaient des gens médiocres, voire même mauvais. L’un de nous a dit : « J’aurais de beaucoup préféré être un bébé-éprouvette ! » Ce n’est pas mon cas, Dieu merci, et deux de ceux qui étaient là m’ont fait part de leur souvenir enchanté de ma propre mère. Nous oublions souvent que nous avons – sans y être pour rien – de la chance ou non sur ce plan-là.

Ce qui nous a tous frappés bien sûr c’est à quel point peuvent diverger sur 64 années les destins de petits garçons de 6 ans. L’un de nous a voulu conclure notre réflexion commune sur ce point et il a commencé : « Une chose est sûre en tout cas, nous avons tous été … », le suspense était grand : qu’avions nous tous été malgré tout ? Sa réponse m’a surpris mais également ravi : « … Nous avons tous été les enfants de mai 68 ! »

J’ai vu les hochements de tête : de l’haltérophile au juge, et du photographe au conducteur de car, nul ne l’a contredit. Et l’explication était sans doute là de certains de ces jugements sévères sur la génération de nos parents : il y avait parmi eux encore beaucoup de gens rassis, alors que notre propre génération a davantage été épargnée. Et… nous n’avons peut-être pas encore dit notre dernier mot !

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