LES RICHES DANS LEURS PETITS PAPIERS, par François Leclerc

Billet invité.

« Follow the money ! » (suivez l’argent) est un des bons conseils prodigué en matière de recherche criminelle, mais il est peu opérant dans le domaine de la fraude fiscale, ses pistes toujours parsemées d’embûches souvent infranchissables. Sans les lanceurs d’alerte, le crime resterait la plupart du temps impuni.

Depuis le fameux « les paradis fiscaux, c’est fini ! » de Nicolas Sarkozy, le combat contre la fraude fiscale et sa petite sœur l’optimisation fiscale – que rien ne sépare si ce n’est l’épaisseur d’un mur de prison, selon l’expression de l’ancien chancelier de l’Échiquier travailliste, Denis Healey – progresserait à pas de géant à en croire les annonces officielles. Mais les faits sont là, l’opacité n’a en rien disparu, sans doute parce qu’elle est consubstantielle au monde financier où les grandes fortunes font la seule loi qui compte, c’est à dire la leur.

La réunion de Printemps du FMI aura lieu la semaine prochaine à Washington, occasion pour les éminences de la finance de se retrouver. En profiteront-elles pour annoncer les mesures qui permettront de proscrire l’anonymat qui règne dans les bas fonds de la finance, là où se mélangent sans aucune pudeur l’argent de la corruption, des trafics en tous genres, de la grande criminalité et de la fraude fiscale des gens biens ? On peut y croire en ces temps de rêve général.

Comment bouder son plaisir devant les révélations des Panama papers qui dévoilent la fraude fiscale à grande échelle, cette pratique des fortunés des plus banales, le plus souvent accompagnée de l’impunité ? Comment ne pas aussi relever, parce qu’elle tranche, la lettre adressée fin mars au gouverneur de l’État de New York par 51 millionnaires qui y résident – d’autres les ont rejoint depuis – lui demandant de payer plus d’impôts dans le cadre d’« un plan fiscal pour les 1% » ?

L’objectif poursuivi est de pérenniser une mesure mise en place en 2009 qui va s’arrêter fin 2017. Dans un pays – et un monde – où la diminution des impôts est présentée comme le nec le plus ultra cela détonne un peu ! Les riches signataires de cet appel ne veulent pas en rester aux domaines traditionnels de la philanthropie (assortie de réductions d’impôts), mais voudraient financer la rénovation des infrastructures, l’aide sociale aux sans-abri et la réduction de la pauvreté infantile. « Nous payerons plus, mais cela ne changera rien à notre vie », font-ils valoir comme argument décisif… Même pas peur !

A l’initiative d’un parti ultra-orthodoxe et au nom de l’éthique et du respect des valeurs, une autre nouvelle a surpris. La Knesset a adopté fin mars une loi limitant les salaires des banquiers à l’équivalent de 584.000 euros par an, et a fixé un rapport maximum de 35 à l’éventail des salaires dans le secteur financier. C’est encore large, mais selon des informations de presse, l’Association des banques d’Israël envisagerait un recours devant la Cour suprême.

Voilà qui fait contraste avec l’affaire Tavares, qui a éclaté lorsque le patron du constructeur automobile PSA a quasiment doublé son salaire à 14.000 euros brut par jour. Des distances ont été prises, des réserves formulées, mais il n’est venu à l’idée de personne de réclamer que, entreprise privée ou pas, le législateur sollicité à propos de la loi sur le travail puisse ajouter son grain de sel à propos du plafonnement des rémunérations, l’équivalent mais à l’envers du Smic que l’employeur est tenu de respecter de par la loi…

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