Les aventures de TINA bientôt remisées aux côtés des histoires désuètes, par Pascal

Billet invité.

Le libéralisme décomplexé nous récite depuis bientôt 40 ans, partout à travers le monde, l’histoire de TINA (There Is No Alternative), allant même jusqu’à affirmer « la fin de l’Histoire ». Nous avions enfin trouvé le paradis sur Terre, il était ultralibéral. Et chacun de se soumettre à l’austérité comme autrefois les malades, à la saignée des médecins de Molière. Seulement voilà, depuis peu, beaucoup de par le monde se lassent de TINA, la petite marchande d’allumettes, et des mensonges des vitrines qui ne sont destinées qu’aux 1%. Certains prétendent aujourd’hui qu’une autre narration économique est possible.

Le film Demain vient de passer le million de spectateurs en salle. Un million de personnes qui ont fait l’effort de sortir de chez eux, pour venir voir un film dont on ne parle pas ou presque dans les médias. Comme le dit l’auteur Cyril Dion sur France Inter ce dimanche matin : « Arriver au million de spectateurs, cela signifie qu’on ne touche pas que les militants ». On peut penser ce qu’on veut du film et du propos mais on ne peut contester cette volonté d’une grande partie de la population (1/60ème) de chercher à entendre ou à se construire une autre narration du monde, loin de l’argent roi.

La litanie médiatique peut bien continuer de nous seriner les aventures quotidienne de TINA : TINA en Grèce, TINA à Panama, TINA milliardaire, TINA à Bhopal, TINA marchande d’armes, TINA s’achète une robe en TAFTA, TINA fait de l’optimisation fiscale…, jusqu’à la nausée. Elle peut nous convier à rester chez nous, assis devant la télé à écouter ou à consommer, chacun chez soi. Mais à Paris et maintenant dans de nombreuses villes d’Europe, ils sont aussi des milliers qui s’activent dans les rues de Nuit Debout. Ils se sont libéré de la narration ultralibérale avec l’argent comme unique futur.

Les pouvoirs politiques chancellent. Aux Etats-Unis on bouscule les lignes. Deux candidats aux primaires se sont invités librement aux bacchanales de l’élection présidentielle (dont les cartes d’invitation étaient jusque là distribuées par les seuls lobbys de l’argent). L’un est assez riche pour se passer des lobbys et nous montre combien la culture de l’argent s’accommode de l’inculture morale, le rêve ultralibéral enfin abouti. L’autre a réussi à devenir la voix de millions de personnes qui se sont cotisées pour se faire entendre. Des millions de personnes qui avaient tourné le dos à leur participation à la démocratie, retrouvent aujourd’hui leur désir d’écrire une autre histoire.

En France, les tenants de l’oligarchie politique veulent nous imposer (loi de modernisation des élections) une histoire à 2 voix, un bipartisme qui serait « la moins mauvaise solution » pour ce qu’ils qualifient de « démocratie représentative ». Seulement voilà, depuis peu, une rumeur circule, toute une partie de la population ne veut plus de cette histoire vieille de bientôt 60 ans.

Toutes ces femmes et ces hommes ont rompu aussi avec la narration politique des partis et des discours de leurs oligarques. Ces derniers, « professionnels de la politique » autoproclamés, voudraient nous faire croire que la démocratie se limite à déposer un « bulletin en blanc » dans une urne, leur laissant entre les mains les affaires de la société. Ces hommes et ces femmes sont aussi dans la rue pour défendre les livres de lois qui scellent dans les mots la protection de tous les citoyens, et surtout des plus faibles, dans un respect de Liberté, d’Egalité et de Fraternité. Ces livres qui sont petit à petit vidés du sens de leurs mots pour être remplacés par des nombres comptables qui favorisent les plus et écrasent les moins.

Ne nous berçons pas d’illusions, les seuls qui aujourd’hui ont voix au chapitre médiatique ne sont certainement pas prêts de vouloir lâcher leurs privilèges et vont défendre durement leur histoire ultralibérale, comme étant la seule histoire possible. En Espagne et en Italie, les indignés ne sont pas encore parvenus à rédiger leur propre histoire. La guerre des « narrations » vient de commencer.

Mais aujourd’hui, ils sont toujours plus nombreux, ceux qui prennent conscience que l’histoire leur appartient. Ceux qui sont debout dans la nuit ont décidé d’écrire eux mêmes cette nouvelle histoire : celle d’une nouvelle société plus solidaire et plus équitable, l’histoire d’une nouvelle aube. Nous sommes tous devant la page blanche avec les incertitudes et les angoisses qu’elle représente. Mais nul doute que les albums des aventures de TINA seront bientôt remisés sur les étagères à côté des histoires désuètes. Une nouvelle histoire ou peut-être de nouvelles histoires sont en train de s’écrire.

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