LA DETTE VUE DU CIEL… par François Leclerc

Billet invité.

Le taux du Bund – la dette allemande à dix ans – est entré en territoire négatif. Les investisseurs à la recherche d’un refuge y sont pour quelque chose, mais la BCE y est pour beaucoup en raison de ses achats. Le marché de la dette souveraine donne après d’autres, un signal singulier que l’on ne peut pas résumer au passage symbolique d’un cap qui va être retenu.

L’expression « scier la branche sur laquelle on est assis » convient particulièrement bien à la situation que nous observons. L’endettement public et privé global ne cesse de croître, fragilisant la qualité des titres. Or ces derniers ont un rôle fonctionnel dans un système financier qui les utilise comme garantie. L’État est la garantie en dernière instance, mais la qualité de celle-ci diminue sans qu’il puisse y être fait grand-chose : les Japonais ne sont pas en mesure de réduire leur dette, les Américains non plus, et les Européens n’y parviennent pas.

Les ruses employées pour faire face à la pénurie croissante des titres de la dette publique n’auront qu’un temps. Le multi-usage du collatéral qui permet d’en gagner est une périlleuse acrobatie. Or émettre encore plus de titres de la dette souveraine pour augmenter son stock n’est pas une solution, car cela aboutirait à dégrader davantage sa qualité. Pour l’éviter, les États devraient accroître leurs moyens, mais le tapis est au contraire tiré sous leurs pieds. L’État ne peut être à la fois le problème et la solution, il faut choisir. Les titres de la dette privée, cette ultime issue, ne peuvent remplacer ceux de la dette publique, car ils n’ont pas leur résistance en cas de choc économique.

Certains se tournent alors vers l’or, mais son stock n’est pas en mesure de répondre au besoin accru de garanties que le système financier réclame désormais. Il ne reste alors qu’une seule porte de sortie, celle qu’offre le FMI et sa monnaie propre, les droits de tirage spéciaux (DTS), qui est assise sur un panier de monnaies mais qui ne sont actuellement utilisés qu’en circuit fermé entre le Fonds et ses membres.

Avec les DTS affranchis de leurs entraves, on créerait une super-monnaie, un nouvel instrument reposant sur la mutualisation des monnaies qui composent son panier de devises : le dollar et l’euro, la livre, le yen et le yuan. Mais cela suppose une reconfiguration du système monétaire international et implique la fin de la suprématie du dollar. Autant dire le commencement de la fin pour les États-Unis qui n’en veulent pas.

Épilogue : ce n’est pas seulement parce que la dette ne peut pas être remboursée qu’il faut la restructurer, c’est aussi pour faire la part du feu afin qu’elle puisse à nouveau pleinement jouer son rôle au sein du système financier ! Certes, un tel acte s’apparenterait à la saignée d’autrefois et procèderait de la même approche fruste et de ses dangers, mais il ne resterait plus sinon qu’à démonter la machine, avec toutes ses conséquences…

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