Les robots-tueurs ne sont plus de la science-fiction, par Roberto Boulant

Billet invité

Ce 8 juillet 2016 restera peut-être dans l’Histoire comme le jour où un robot a tué pour la première fois un être humain. Bien sûr ça n’est pas stricto sensu exact, les drones armés (UAV) ont déjà tué des milliers de fois et surtout, l’ordre de tir est toujours donné par un opérateur humain. Mais ce qui fera peut-être la force symbolique de ce 8 juillet et le maintiendra dans nos mémoires, est le fait que le robot n’a pas été utilisé par une armée dans une zone de guerre, mais par la police et dans un pays en paix.

La machine tueuse, celle qui ravage les dystopies cinématographiques, vient ainsi de s’inviter dans nos rues. Et nul doute qu’elle soit maintenant destinée à investir durablement notre quotidien. Bien sûr, à ce jour il s’agit encore de petites machines téléopérées qui tiennent plus de l’automate radiocommandé, que du robot armé décidant de manière autonome de l’ouverture du feu et des cibles à engager. Mais un important seuil psychologique vient d’être franchi : un robot a tué un homme dans un environnement banal et quotidien, le nôtre.

À cette heure la police de Dallas n’a pas encore fourni de renseignements, mais on peut facilement imaginer que la machine utilisée est du type PackBot. Un petit robot chenillé bon marché, et qui a été utilisé comme arme par destination en emportant une charge explosive. Plus proche donc du bricolage low-tech que du Terminator.

Pourtant, il existe déjà des machines spécialisée dont le logiciel embarqué intègre la présence d’une arme. À l’image de Dogo, un robot terrestre tactique de la société israélienne General Robotics, armé d’un semi-automatique en 9mm ou capable de lancer une grande variété de grenades (aveuglantes, assourdissantes, mais également offensives, défensives et incendiaires). Chenillé, apte à monter des escaliers, avec sa petite taille et sa propulsion électrique silencieuse, ce robot peut être dirigé par un opérateur à l’aide d’une tablette tactique, mais également et c’est là la principale nouveauté, agir de manière totalement autonome une fois que sa cible lui a été désignée. Équipée de 8 caméras offrant une vision jour/nuit sur 360°, Dogo est le modèle réduit (et opérationnel) des machines qui intégreront les forces armées dans la prochaine décennie.

Car pour accompagner, soutenir et appuyer une section d’infanterie dans un environnement aussi complexe qu’une ville (où vit désormais plus de la moitié de l’humanité), il reste encore de redoutables obstacles à franchir. Parmi les plus emblématiques, citons en trois :

– La batterie qui devra fournir l’énergie et l’autonomie suffisante pour une plateforme supportant le poids d’une arme collective et de ses munitions. L’exemple inverse du fameux et impressionnant BigDog qui bien que conçu uniquement pour le port de charges, avait des émissions sonores dignes d’une tondeuse à gazon qui le rendaient impropre à toute utilisation opérationnelle.

– L’IA embarquée qui non seulement devra être capable de s’intégrer d’une manière fluide à la progression et de manière semi-autonome dans la manœuvre, mais qui surtout dans la délivrance des feux, devra être capable de discriminer les ‘bleus des rouges’ dans un combat imbriqué. Quant à réaliser ce que les humains n’arrivent que très difficilement à faire, à savoir anticiper un acte hostile de la part d’un combattant en habit civil, c’est non seulement un cauchemar de programmeur, mais également… de juriste.

– Car l’obstacle le plus ardu n’est peut-être pas tant technologique que juridique. Et en la matière tout reste à inventer. Il faudra bien intégrer un corpus robotique au droit des conflits, si la mal nommée ‘communauté’ internationale désire contrôler a minima ces machines. Tous ceux et toutes-celles qui se sont déjà retrouvés immobilisés au bord de la route par la faute d’un bug ‘fantôme’ (mais souvent récurrent), que le garagiste n’arrive pas à circonscrire, imagineront facilement les conséquences si les machines concernées ne sont plus de paisibles berlines, mais des systèmes d’armes autonomes évoluant au milieu des populations civiles…

Alors ce 8 juillet 2016 entrera-t-il dans l’histoire ? Nul ne le sait encore. La seule chose certaine est que tout le monde travaille d’arrache-pied, à ce qui pour le coup sera véritablement une révolution dans les affaires militaires et humaines : la robolution militaire.

Coincés entre des politiciens dont la ligne d’horizon est la prochaine élection, et ayant démontré leurs véritables statures lors des attentats de novembre dernier à Paris, et des industriels pour qui la morale n’est rien et les bénéfices sont tout, notre avenir s’annonce lourd de menaces. Et le fait qu’elles soient domestiques est plutôt une inquiétude supplémentaire !

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