Les États-Unis tentés d’appliquer à domicile les méthodes qui ont si bien fonctionné en Irak, par Roberto Boulant

Billet invité.

Si le ridicule tuait, il est clair qu’il ne resterait plus grand monde parmi les forces de police de la ville de Bâton-Rouge en Louisiane. Car si la photo de cette jeune femme noire arrêtée par deux policiers déguisés en tortues-ninjas, est rapidement devenue iconique, c’est bien qu’elle illustre la peur et la faiblesse !

Celles des casques en kevlar, des protections balistiques et des semi-automatiques, face aux robes d’été…

Mais il y a pire, bien pire, il y a les policiers qui s’équipent comme des soldats en opération !

Policiers à Ferguson. Reuters

Policiers à Ferguson (Reuters)

Que peuvent alors éprouver de simples citoyens qui se retrouvent soudainement face à des hommes casqués, en treillis, armés de fusils d’assaut approvisionnés à 30 coups, de jumelles de vision nocturne, et débarquant de véhicules militaires de type MRAP ? Le sentiment d’être dans un pays en guerre bien sûr. Mais surtout, qu’hommes et femmes sont les ennemis de l’État, au seul motif qu’ils manifestent paisiblement dans les rues de leur propre ville !

Alors comment en est-on venu à militariser la police américaine ? Par quelle folie a-t-on donné des armes de guerre, du matériel destiné à tuer, à des hommes qui sont censés protéger les citoyens ?

La police est là pour faire des bosses et l’armée des trous, c’est bien connu. Il tombe donc sous le sens qu’à métiers et savoir-faire différents, doivent correspondre des outils différents. Et que si utiliser un fusil d’assaut comme matraque est pour le moins contre-indiqué – et sans doute peu efficace -, c’est à tout prendre une solution moins idiote que de tirer sur des civils désarmés avec des munitions perforantes !

Alors, merci qui ? Merci le programme 1033, celui qui distribue quasi gratuitement les surstocks militaires, en suivant la fière maxime : « du combattant de guerre au combattant contre le crime ».

Bien sûr, on peut parfaitement comprendre que des unités spécialisées dans le contre-terrorisme soient équipées (et entrainées) de la sorte, et que le haut du spectre des interventions policières se rapproche du bas du spectre des interventions militaires. Mais de là à militariser l’ensemble des polices, il y a un énorme pas. Celui qui sépare un état de droit d’une dictature !

Car déguiser des forces de l’ordre en soldats, c’est instaurer la peur et la crainte des deux côtés. C’est courir le risque de transformer la police en armée d’occupation. De s’enfoncer dans des spirales mortifères où les uns n’auront d’autre choix pour ne pas être réduit en charpie par une foule en colère, que d’ouvrir le feu à l’arme automatique, et où d’autres dans ce pays où il est si facile de se procurer des armes, répondront par la haine en faisant du sniping sur la police.

De quoi transformer un rêve américain déjà passablement moribond, en pur cauchemar.

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