EPR d’Hinkley Point : la folle fuite en avant d’EDF, par Roberto Boulant

Billet invité.

C’est donc fait, Mme Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni, a donné son feu vert à la construction de deux EPR par EDF sur le site d’Hinkley Point. « Un succès indéniable pour l’industrie française, et une contribution importante au soutien de l’emploi en France », comme le souligne Michel Sapin. Cocorico donc.

Car même si les quatre EPR actuellement en construction dans le monde voient les retards s’accumuler et les coûts s’envoler, l’essentiel n’est pas là ! Il s’agit en fait pour le gouvernement de tenter de réparer la catastrophe industrielle d’Areva… en chargeant la barque de l’électricien français, fût-ce au risque du chavirage.

Soit l’équivalent du quitte ou double en matière de politique industrielle !

Car la situation financière d’Areva est catastrophique, vraiment. Avec un carnet de commandes pratiquement vide, 19 épées de Damoclès au-dessus de la tête (la cuve de Flamanville + les générateurs de vapeur de 18 réacteurs), une perte record de 4,8 milliards d’euros en 2014, et 5.000 postes supprimés dans le monde, la société est virtuellement en dépôt de bilan ! Or, le 22 septembre prochain, le Conseil d’Administration d’EDF est censé entériner le rachat d’Areva NP – la branche construisant les réacteurs nucléaires -, pour 2,5 milliards d’euros, et a donc besoin pour se faire du contrat anglais. CQFD ! Ainsi la filière électronucléaire française sera-t-elle réorganisée, et Areva recapitalisée sans que le contribuable n’y soit de sa poche.

Applaudissements, tombée du rideau, rappel des artistes sous les acclamations.

Sauf que si les décors de carton-pâte participent de la magie du théâtre, nous sommes ici dans la réalité. Et de celle qui risque de faire très mal ! Tout simplement parce que déjà lourdement endetté à hauteur de 37 milliards d’euros, EDF est incapable de construire un EPR dans une optique de rationalisation industrielle. Ces machines sont clairement des prototypes, avec chacune leurs nombreuses spécificités, rendant extrêmement complexe la recherche de standardisation. Même les syndicats et les ingénieurs qui ont tout intérêt à ce que ces projets soient menés à bien, disent qu’en l’état actuel de l’art, les techniques de construction sont insuffisamment maitrisées pour prétendre se lancer dans une telle aventure.

Mais rien n’y fait, ni la démission du Directeur financier d’EDF, ni le contentieux en cours à Bruxelles contre les aides de l’État français à certaines entreprises, rien, absolument rien, ne saurait entraver la marche de cet état dans l’état que représente l’électronucléaire français. Même les honorables représentants du dieu Marché et leurs menaces de dégradation de la notation d’EDF, semblent impuissants ! C’est dire si les barbus à kalachnikovs ne sont pas les seuls représentants dans la catégorie des exaltés. On y trouve également en bonne place notre Corps des Mines !

Les jeux sont faits, rien ne va plus.

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