François Fillon ou Le marché en tant que liberté (de certains aux dépens des autres), par Jean-Michel Servet *

Billet invité.

La politique menée durant le quinquennat de François Hollande, les propositions supposées alternatives de l’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, et plus encore les programmes et discours des candidats de la primaire de la droite et du centre à la présidence de la République manifestent de façon sournoise ou clairement revendiquée avec plus ou moins de force la suprématie du Marché sur toutes les autres formes et logiques d’organisation de production, des échanges et de leur mode de financement. Si l’on prend à la lettre les propositions de François Fillon, par exemple, un des plus radicaux sans doute en ce domaine, derrière le mot « liberté » qu’il met de façon incessante en avant se cache une logique concurrentielle (donc d’une certaine conception du marché) dans les domaines les plus variés. Ainsi doit-on comprendre ses diatribes contre les syndicats de salariés (et particulièrement contre la CGT), qui serait un obstacle au fonctionnement du marché et à la libre négociation du patronat et de leurs employés (permettant de revenir au maximum de la norme européenne d’une semaine de travail de 49 heures…). Son appel à la diminution des charges salariales et fiscales imputées aux entreprises, diminution supposée augmenter mécaniquement l’emploi en oubliant le déficit d’innovations des entrepreneurs et les comparaisons de productivité du travail. De façon insidieuse, une certaine logique du marché se trouve aussi dans son choix d’une politique répressive (avec l’augmentation du nombre de places dans les prisons et des peines prononçables) plutôt qu’une politique de prévention de la délinquance (police de proximité, politique de développement local dans les zones les plus touchées, projets pour la réinsertion, etc.). Pour que les politiques de renforcement de la répression et de la probabilité d’être arrêté fonctionne, il faut naïvement supposer que le criminel ou le délinquant fasse au moment du délit un arbitrage coût / bénéfice. La même croyance aux effets strictement positifs de la concurrence (et derrière celle-ci de l’incitation à l’essor des droits de propriété – privés- par rapport à des logiques de communs ou de bien public) se trouve dans les soutiens qui seraient apportés au développement de l’enseignement privé ou de la médecine dite « libérale ». Le marché sera donc bien au cœur des discours des discours des candidats à la présidence de la République. La plupart pour s’en réclamer avec plus ou moins de force. Une infime minorité pour en affirmer quelques limites et la nécessaire articulation de la concurrence à d’autres principes de fonctionnement des rapports économiques et à une complémentarité des multiples formes de possession et d’usage des biens.

* Jean-Michel Servet : co-auteur de l’ouvrage coordonné avec Isabelle Hillenkamp, Le marché autrement. Marchés réels et Marché fantasmé, Paris, Garnier paru en 2015.

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