LE TEMPS QU’IL FAIT LE 13 JANVIER 2017 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 13 janvier 2017. Merci à Marianne Oppitz !

Bonjour, nous sommes le vendredi 13 janvier 2017. Je viens d’avoir le plaisir de voir qu’on me signale un compte-rendu, un nouveau compte-rendu, du livre qui s’appelle Le dernier qui s’en va éteint la lumière. Et c’est un compte rendu qui présente ce que je dis dans ce livre comme étant de l’ordre de l’évidence. Eh bien ça me fait très plaisir de lire un compte rendu comme ça, tout particulièrement parce que hier, j’ai fait une conférence devant un public qui était intéressé, c’était à Lille, c’était une association qui s’appelle CVA et j’avais devant moi un grand nombre de dames mais à un moment donné j’avais remarqué que les conversations privées prenaient le dessus quand je disais des choses qui semblaient de l’ordre peut-être du pessimisme. Alors, j’ai fait une petite remarque – je ne sais plus ce que c’était – mais qui a ramené l’attention. J’ai dû suggérer peut-être que le fait de vouloir penser à autre chose était lié au fait non pas que ce que je disais n’était pas vrai, mais que c’était, voilà… que cela ne faisait pas plaisir.

Enfin, bon, donc ce livre continue son petit bonhomme de chemin et il paraît en livre de poche le 6 mars, simultanément avec le livre de la collection de mes chroniques pour Le Monde, L’Echo et Trends au cours des 10 dernières années. Et vous avez… je peux le voir sur le blog – j’ai mis, j’ai posté, j’ai affiché, la couverture du livre avec le texte de la 4è de couverture – et cela à l’air de vous plaire puisque ça cartonne. Achetez ce livre, j’ai éliminé, parmi ces chroniques, celles qui avaient perdu de l’actualité et – comme je le dis dans l’introduction – il est dommage qu’il y ait encore tellement de ces billets qui soient encore d’actualité parce qu’on n’a rien fait pour résoudre les problèmes en question.

Alors, de quoi parler d’autre ? Eh bien, il y a un sujet qui s’impose bien entendu, c’est la démocratie. C’est la démocratie et, en particulier, quand elle est en grande difficulté dans un pays qui, comme je le dis toujours -c’est un pays où j’ai vécu 12 ans – c’est un pays, quand j’étais là, j’ai émis des critiques qui m’ont semblé nécessaires : les mêmes qu’ailleurs. J’avais d’ailleurs commencé à critiquer ce pays, comme les autres, bien longtemps avant, mais voilà, c’est un pays où j’ai pu lire… pu « lire » ? oui, certainement (rire) , où j’ai pu vivre en liberté, « liberté » + « vivre », ça fait « lire » ! Où j’ai pu vivre en liberté, où on m’a bien traité et où… eh bien, j’étais traité comme les autres ! C’est-à-dire c’est un système un peu rude aux perdants, c’est bien connu, mais euh, voilà… j’entends les expériences des personnes qui cherchent du travail en France. Si c’est trop difficile, allez travailler aux États-Unis ! Si vous avez un talent, si vous savez faire quelque chose, eh bien, on vous fera venir et on vous paiera pour le faire et on ne posera pas la question de si vous avez un diplôme de l’école machin ou untel, on vous fera passer un petit examen, sans doute, pour le boulot, et si vous réussissez, eh bien voilà, vous êtes pris.

Et après ça gueule ! Évidemment ! Eh bien, ça gueule ! Moi aussi, moi aussi j’ai été viré pour insubordination ! Aux États-Unis on n’est pas protégé contre les patrons, euh… voilà, les patrons qui vous demandent des choses qu’il ne faudrait pas, et quand on leur dit : « Écoutez, non ! Vous me demandez de faire une connerie qui a déjà eu lieu et qui a coûté des milliards, alors je ne vais pas la refaire une deuxième fois ! » Alors, cela peut être considéré comme une insubordination – même aux États-Unis ! mais dans l’ensemble, bon, j’ai gueulé évidemment, je me suis fait engueuler aussi, aux États-Unis sur 12 ans. Mais, on reconnaît votre talent !

Alors, c’est dommage que ce pays… – et comme je dis, c’est un pays, voilà, qui n’a pas toujours les mains propres, qui a souvent les mains sales – c’est un pays, et ça on l’oublie – on pense que c’est du cinéma parce qu’on a vu ça au cinéma – mais c’est un pays qui a été déchiré par une guerre civile abominable. C’était il y a longtemps bien entendu et ça fait des films très intéressants, mais ça peut arriver, c’est arrivé et ça peut encore arriver ! Et, euh, il faudrait un peu attirer l’attention des gens qui jettent de l’huile sur le feu aux États-Unis – tout comme les gens qui croient que c’est une idée excellente de faire baisser les salaires parce que le leur n’en souffrira pas et que Monsieur Keynes avait déjà dit que c’était la pire des choses à faire – jeter de l’huile sur le feu dans un pays qui est une… bon, c’est une démocratie – je le cite d’ailleurs dans Le dernier qui s’en va éteint la lumière – c’est un système démocratique de type oligarchique… le pouvoir de l’argent joue énormément, mais, on ne vous mettra pas en prison parce que vous êtes pauvre, voilà ! Ou, on ne vous mettra pas en prison parce que vous ouvrez votre gueule pour dire que vous n’êtes pas d’accord. Si vous regardez – je ne crois pas que cela s’y trouve toujours – mais les vidéos que je faisais quand j’étais aux États-Unis, je parlais absolument librement de toute chose. Dans les boîtes où j’étais, je parlais librement et tout le monde connaissait mes opinions et, bon, cela ne m’amenait pas que des compliments, cela m’amenait aussi des ennuis : aux États-Unis – comme ailleurs – j’ai été viré de tous mes boulots (enfin, il faudrait que je vérifie, mais c’est bien probable… oui, oui, euh, je crois… c’est une constante) mais je ne vais pas critiquer un pays parce qu’on m’a viré de mon boulot ! Ça, c’est l’histoire de ma vie, je sais pourquoi : c’est parce que parfois, il y a des choses qui… ça ne va pas dans le sens du business de dire certaines choses et ce n’est pas ça qui va m’empêcher de les dire !

Enfin, bon voilà. On est, aux États-Unis, dans une situation, très très difficile : il y a un candidat qui a été élu à la présidence… c’est une personne qui avait des opinions très défavorables contre lui avant d’être élu : 59 %, je l’ai cité ici : 59 % d’opinions défavorables dans la population pour Monsieur Trump (mais il était à égalité de ce point de vue là avec Madame Clinton : elle aussi, 59 % d’opinions défavorables). Et c’est ça, le problème de la démocratie en ce moment, dans nos pays comme aux États-Unis : c’est qu’on se retrouve à devoir choisir entre des candidats qui n’ont pas le profil, qui n’ont pas le talent, qui n’ont pas… voilà, la qualité pour devenir chef d’État ou « cheffe » d’État. Et alors, et bien, la plupart des gens ne vont pas voter. Et puis, ceux qui votent, ils votent pour l’un des deux et voilà, ce n’est pas brillant. C’est dommage, hein, c’est dommage. Mais c’est lié un peu au fait, aussi, que ces gens, bien entendu, ont perdu un peu les rênes du pouvoir, toutes les choses un peu importantes se décident un petit peu ailleurs, au niveau transnational. La constitution a été remplacée par des règles comptables qui décident qui va gagner de l’argent et qui ne va pas en gagner, et ainsi de suite. Donc leur pouvoir n’est plus celui qu’il était auparavant, mais ils pourraient se battre un peu, une fois au pouvoir, pour regagner un petit peu de leur initiative. Et donc, on se retrouve avec des gens, en général, qui maintenant ont le talent de se trouver en position de se retrouver à la présidence mais qui, malheureusement, n’en ont pas beaucoup d’autres.

Alors, aux États-Unis, il reste une semaine avant l’investiture de Monsieur Trump et, le problème, pour quelqu’un qui fait un commentaire comme moi, c’est que pendant qu’il parle, il y a encore un nouveau développement et, euh, des coups fourrés, des trucs : le président lui-même, le futur président, a encore dit, voilà, un truc qu’il n’aurait pas dû dire, ses adversaires ont encore fait un mauvais tour qu’ils n’auraient pas dû faire et, ainsi de suite, c’est… Si l’expression de guerre civile m’est venue à l’esprit tout à l’heure, en commençant à parler de ça, ce n’est peut-être pas tout à fait par hasard. Il y a une situation où, comment dire ? la tension monte. La tension monte entre des gens qui ne veulent absolument pas entendre parler de ce personnage, merci Madame Meryl Streep pour votre intervention très courageuse – il faut le dire : très courageuse – aux Golden Globes et, euh, cela m’émeut un peu parce qu’elle pourrait avoir des ennuis sérieux en disant ce qu’elle a dit. Elle pourrait avoir des ennuis sérieux : il pourrait y avoir n’importe quel crétin qui pourrait lui faire du mal, c’est pour ça que j’y pense. Et, en face, bon, ce Monsieur Trump mérite les critiques qui lui sont faites. Heureusement, la plupart des gens qu’il veut nommer à des postes de ministre, quand on leur pose des questions, commencent par se démarquer par rapport à lui. Mais enfin, bon, qu’est-ce que cela va faire comme gouvernement, avec des ministres qui considèrent que leur patron est givré ? Cela ne va pas être brillant !

Et puis, alors, en face, il n’y a pas de truc dégueulasse qui ne soit pas fait pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. Tout ça, Monsieur Greenwald, Glenn Greenwald, la personne qui nous a fait connaître beaucoup de choses, beaucoup de coups tordus aux États-Unis, la personne qui a interviewé et qui nous a fait connaître Monsieur Snowden en l’interviewant, avec Madame Poitras, Monsieur Glenn Greenwald fait un article très intéressant aujourd’hui, où il nous dit : le grand perdant ou la grande perdante, pour le moment, ce sont les principes… c’est la démocratie, ce sont les principes démocratiques. Alors, comme j’ai pu le faire entendre aux dames à qui je parlais, hier, tout ça bien sûr, tout ça est relié. Ce sont les signes d’un très grand effondrement qui est en train d’avoir lieu.

Cela ne va pas beaucoup mieux dans d’autres pays. Il y a des gens qui me disent : « Pourquoi vous ne parlez pas de l’Islande ? L’Islande, blabla etc. » Et puis regardez la politique en Islande ! Pour le moment je dirais que c’est encore pire qu’ailleurs. Enfin voilà (rire), une petite remarque à propos des gens qui n’arrêtent pas de me demander : « Mais pourquoi vous ne parlez pas de l’Islande ? » Mais je ne parlerai pas de l’Islande parce que les scandales sont en première page, comme ailleurs. Parce que le premier ministre est un monsieur qui n’est pas non plus irréprochable, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Enfin voilà !

Bon qu’est-ce qu’il faut faire ? Eh bien il faut continuer, continuer à dire qu’il faut faire mieux. Essayer de relier les pointillés, c’est ce que j’essaye de faire. C’est ce qu’on va essayer de faire dans le prochain : dans Qui étions-nous ? dont je ne peux pas vous dire la date de parution parce que je n’en ai encore écrit que la moitié. Mais je réfléchis bien à cela, à ce que je vais mettre dans ce livre et, en tout cas, ce que je peux vous dire, par rapport à hier, ce que je vais y dire dérange et voilà : je reste dans la ligne. La personne qui me remercie d’ailleurs, d’avoir fait cette intervention hier, m’encourage à continuer à secouer les gens. Ceux qui m’invitent, ceux qui ne sont pas nécessairement du même avis que ceux qui seront après dans la salle, ont l’amabilité de me dire : « Continuez, continuez, vous êtes dans la bonne direction, mais il y a encore du boulot ! ». Je suis au courant, chers amis, aidez-moi et portez la bonne parole. Je voulais dire encore un truc, mais vous allez voir, cela se passe la semaine prochaine, ce n’est pas la peine que j’en parle maintenant. Voilà !

Allez, courage ! Il fait beau, il y a eu beaucoup de vent. J’espère que vous êtes en bonne santé, que vous êtes en sécurité, qu’il n’y a pas d’arbre qui s’est écroulé sur votre maison. Tt on continue. Allez ! On continue ! Allez, à bientôt.

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