PETIT À PETIT, L’OISEAU DÉFAIT SON NID… par François Leclerc

Billet invité

Il est de bon ton d’afficher discrètement sa satisfaction dans les milieux financiers européens. Si tous les espoirs sont permis, autant ne pas trop s’en réjouir. Au prétexte de la nouvelle donne impulsée par Donald Trump, l’entrée en vigueur des mesures de régulation en attente d’application va pouvoir être étalée dans le temps en Europe. Pour commencer.

Le calendrier actuel prévoit ainsi que les exigences en capital des banques de Bâle 3 devront être totalement remplies en 2019 et que les normes TLAC et MREL attendront 2022 pour être pleinement appliquées. La nouvelle norme comptable IFRS9, de fort impact sur les provisions pour risque, devrait tout particulièrement bénéficier dans cette attente d’un généreux étalement. Au final, « la prime de risque réglementaire devrait enfin décroître » comme croit pouvoir affirmer Julien de Saussure, gérant obligataire chez Edmond de Rothschild Asset Management 1. Ne manquent que les réserves sur les réserves pour que l’expression de sa circonspection soit parfaite.

Bâle 4, c’est fini ! se félicitent mezzo voce les mêmes financiers qui le brandissaient hier comme un épouvantail : la mesure phare bloquée le mois dernier par les gouvernements allemand et français est en cours d’amendement, autant dire d’enterrement. Une modification du calcul de la pondération du risque des actifs détenus par les banques allait, si rien n’y mettait le holà, fâcheusement accroître l’obligation de détention de leurs fonds propres et diminuer encore leur rentabilité 2. Happy end ! de nouveaux calibrages du plancher de cette pondération sont en négociation afin de leur redonner des marges de manœuvre. On ne demandera pas ce qu’elles en feront.

Certes, des ombres subsistent encore au tableau, comme la très délicate question du risque souverain, qu’il est urgent d’aborder avec des pincettes. Il ne faudrait pas revenir sur le grand pragmatisme dont il a magistralement été fait preuve lors du sauvetage de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena, en ignorant avec superbe le cadre de l’Union bancaire.

Donald Trump aurait-il donné le signal d’un changement de cap en associant la loi Dodd-Frank de régulation financière à un « désastre » ? Julien de Saussure préfère avancer que nous serions parvenus à « un pic des nouvelles réglementations », en référence implicite à celles de toutes natures sous lesquelles l’économie croule comme chacun sait. Aux États-Unis, un décret présidentiel les limite désormais en application d’un principe élémentaire : pour une nouvelle réglementation d’adoptée, deux devront être supprimées. Où vont-ils chercher tout cela ? Qu’attendons-nous pour suivre cet exemple ?

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1 in L’AGEFI hebdo n°551.

2 BNP Paribas a enregistré en 2016 un bénéfice net en hausse de 15,1%, à 7,7 milliards d’euros, et espère faire grimper ce résultat net d’au moins 6,5% par an en moyenne dans les 3 ans à venir.

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