SI MÊME JEAN-CLAUDE JUNCKER N’Y CROIT PLUS… par François Leclerc

Billet invité.

Lors de son arrivée à la tête de la Commission, en septembre 2014, Jean-Claude Juncker annonçait que l’Union allait jouer la carte de « sa dernière chance ». Mais, sans attendre la fin de son mandat en 2019, il a annoncé qu’il n’en briguerait pas un second et signifié qu’il n’y croit plus.

Le président de la Commission voit les obstacles qui s’accumulent et sont autant de sujet à divisions. Les réfugiés, la sortie du Royaume-Uni et la mise en cause de l’euro en sont de puissants ferments. « Est-ce que le moment est venu où l’Union européenne des 27 doit montrer de l’unité, de la cohésion et de la cohérence ? », s’est-il interrogé. « Je dis oui s’agissant du Brexit ou de Trump, mais j’ai quelques doutes justifiés que cela arrive vraiment », a-t-il ajouté.

Pour lui donner raison, les occasions ne manquent pas. La Grèce a commencé une nouvelle saison dont les épisodes se précipitent, remettant sur le tapis sa sortie de l’euro si un compromis de dernière heure – qui ne réglera rien – n’est pas trouvé. Les élections présidentielles françaises s’embarquent à leur tour dans la confusion et l’incertitude, et l’on ne peut plus jurer de rien. Les réactions de l’électorat sont comme partout ailleurs peu prévisibles au fur et à mesure que l’on s’approche du vote. Aucune victoire n’est garantie, toutes les défaites sont possibles.

La saison italienne est tout autant prometteuse en rebondissements. Matteo Renzi s’agite afin que se tienne en juin des élections qui pourraient le ramener au pouvoir, mais la voie est fort étroite. Il cherche une alliance avec Silvio Berlusconi, dans l’espoir qu’une coalition avec Forza Italia puisse bénéficier de la prime accordée au vainqueur, à condition de dépasser le seuil de 40% des voix. À ce jeu-là, le Parti démocrate pourrait éclater, rendant ce scénario peu probable. Celui d’une situation à l’espagnole, avec un gouvernement minoritaire, instable et ne permettant pas de prendre de grandes décisions pourrait prévaloir.

Cela alors que le gouvernement allemand ne montre aucun signe d’évolution de la stratégie qu’il continue de prétendre imposer. Le Parlement européen devrait adopter cette semaine un rapport présenté par la socialiste française Pervenche Berès et Reimer Böse, un conservateur allemand. Il vise à élargir considérablement le rôle du Mécanisme européen de stabilité (MES) – qui deviendrait un véritable instrument budgétaire – et à créer un poste de ministre des finances de l’Eurozone cumulant la présidence de l’Eurogroupe de Jeroen Dijsselbloem et la direction de la Commission confiée à Pierre Moscovici. Mais le blocage s’est révélé total entre les deux rapporteurs à propos du pacte de stabilité et de croissance, dont le respect reste un préalable absolu. Dans de telles conditions, si les suggestions présentées étaient finalement adoptées, elles pourraient renforcer le camp de l’intransigeance, et non celui de l’assouplissement…

À l’exception de Thomas Piketty, il n’y a pas foule pour présenter un plan B. Celui-ci a le mérite de rechercher une alternative en proposant de transformer l’Eurogroupe en une « Assemblée de la zone euro » composée de 100 à 150 députés, dans le cadre d’un nouveau traité qui ne nécessiterait pas l’unanimité des pays, mais l’accord des quatre pays représentent 77% de la population européenne : l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. La dette accumulée depuis le début de la crise financière pourrait être selon lui placée dans un « fonds commun européen » qui mutualiserait son taux d’intérêt, ce qui est nettement plus timoré.

L’Union européenne est-elle réformable ? La tentation est grande de penser que non car sa réforme bute sur l’absence d’un rapport de force permettant de passer à l’acte. Ainsi que sur celle d’une conception alternative faisant pièce au repli national qui a bonne presse mais ne résout rien.

Cela nous conduit trop souvent à rester spectateurs où à jouer les imprécateurs. L’échec de Syriza au pouvoir et les débats internes de Podemos, qui n’y est pas parvenu, balisent nos propres réflexions, ainsi qu’une étonnante expérience portugaise bien peu reproductible. Essayons la formule : La route est longue mais le temps est compté !

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