UN PRÉSIDENT PAR DÉFAUT, par François Leclerc

Billet invité.

Le nouveau président français a été élu par défaut. Au premier tour, il a bénéficié du rejet de François Fillon, au second de celui de Marine Le Pen. Voilà à quoi tient son exceptionnel succès vanté le long d’une soirée électorale plus consacrée aux prochaines législatives qu’à sa victoire, signe que l’essai doit encore être transformé.

L’estimation du vote d’adhésion réduit qu’il a recueilli, comme les chiffres de l’abstention ou des votes blancs et nuls qui ont été dénombrés confortent également cette idée. Mais c’est le résultat d’une enquête d’opinion qui balaye toutes les objections : plus de 61% des personnes interrogées souhaiteraient que le futur président n’obtienne pas à lui seul de majorité absolue lors des prochaines législatives. Quel manque de confiance !

Selon un premier sondage Kantar-Sofres-OnePoint En Marche! recueillerait entre 24% et 26% des intentions de vote, les Républicains 22%, le FN de 21 à 22%, Les Insoumis de 13 à 15% et les socialistes de 8 à 9%. Le nombre important de triangulaires prévisible rend la traduction en siège de tels résultats très aléatoire.

Le creux du discours prononcé par le président élu devant ses partisans illustre qu’il est encore à la recherche de points d’appui. Une cohabitation avec la droite représentant un reniement, il lui est nécessaire de se ménager des ouvertures auprès de l’ancienne gauche. Et de prendre dès que possible des mesures symboliques destinées à marquer son territoire, ainsi qu’il l’a annoncé.

Rassembler était le maître mot hier soir. Tant pour les partisans du président que pour les représentants de la nouvelle gauche, dont les votes ont été éclatés. Pour cette dernière, la tentation est grande de s’en tenir à son discours de campagne présidentielle et de se contenter d’une opposition au social-libéralisme triomphant. Pour ceux qui vont se retrouver sous cette bannière, la voie ne va pas être royale, car les scores additionnés de tous ceux qui s’opposent à leur vision, y compris en votant Le Pen, sont nettement supérieurs à ceux qu’ils ont eux-mêmes recueillis, leur matière à réflexion.

La nouvelle gauche, réduite à sa portion congrue, devrait en priorité recoller les morceaux et trouver un langage commun, mais cela n’en prend pas le chemin. Dans sa première déclaration, Jean-Luc Mélenchon a tracé comme perspective une victoire des Insoumis aux législatives, conduisant ses partisans vers une nouvelle déception. Il serait temps d’opposer au social-libéralisme la perspective construite d’une alternative de société et de rassembler autour de cet objectif, sans condition d’affiliation politique. Ce ne sera pas le fruit des travaux d’une Assemblée constituante mais cela en aura la fonction.

Emmanuel Macron va devoir entamer des négociations avec le gouvernement allemand. L’effet Schulz s’est émoussé dans le pays, et avec lui la perspective de la venue au pouvoir d’une nouvelle équipe plus ouverte. Quel autre compromis peut-il avoir en tête, dans ces conditions, si ce n’est de garantir à ses partenaires une forte discipline fiscale en échange de l’adoption de mesures budgétaires et fiscales au niveau de la zone euro ? De Rome à Madrid et de Paris à Lisbonne, quels que soient les gouvernements, l’enjeu va être d’obtenir de Berlin de timides marges de manœuvre tout en respectant formellement les traités. Ce n’est pas gagné.

Concernant l’Europe, une approche devrait prévaloir. Sur quelles nouvelles bases intégrant les dimensions sociales et fiscales et pourvue d’un fonctionnement solidaire et démocratique, l’Europe – qui a définitivement failli pour avoir puisé son inspiration dans les dogmes de l’ordo-libéralisme – pourrait-elle être refondée ? Ceux qui font état d’un plan A pour ne pas appliquer le plan B consistant à sortir de l’euro et de l’Union européenne ont la responsabilité d’éclaircir leurs projets. Cela suppose entre autre d’aborder de front la question centrale du blocage du gouvernement allemand. Dans sa configuration actuelle, l’Europe n’est pas viable mais faire l’autruche à ce propos n’est pas tenable.

Dans un premier temps, une conférence internationale pourrait être organisée afin de réunir toutes les compétences et bonnes volontés afin de définir un nouveau cadre européen. Sans en faire une machine de guerre contre ceux qu’il s’agit de convaincre au seul prétexte d’avoir raison.

La crise politique dans laquelle toute l’Europe a basculé est partie pour durer. Elle ne se traduit pas par une poussée irrésistible de la gauche, comme cela avait pu être espéré lors de la montée flamboyante de Podemos, faisant suite à une victoire de Syriza qui a depuis tourné court. Après les partis communistes, c’est au tour des partis sociaux-démocrates, quand ils existent encore, d’être marginalisés ; les composantes traditionnelles de la gauche subissent une profonde érosion et la relève se cherche.

Au Royaume-Uni, le Labour party se prépare à connaître une écrasante défaite. En Italie, il est fortement question d’une alliance Renzi-Berlusconi pour barrer la route au Mouvement des 5 étoiles, tandis qu’en Espagne Mariano Rajoy pourrait sortir vainqueur d’élections anticipées. Isolé, le Portugal reste l’exception avec un gouvernement socialiste appuyé par l’extrême-gauche et le Parti communiste.

Un identique et puissant rejet se manifeste dans toute l’Europe, empruntant des canaux inédits et parfois très inappropriés, avec pour conséquence que l’extrême-droite s’installe dans le panorama politique. Une traduction politique alternative et majoritaire continue de se chercher. Il aurait d’ailleurs été étonnant qu’elle soit trouvée en si peu de temps, vu l’ampleur et le caractère radical du programme à formuler. Là est l’urgence.

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