Trump : C’EST AU PIED DU MUR… par François Leclerc

Billet invité.

Parmi les innombrables foucades venues et à venir de Donald Trump, l’attention est focalisée sur la sortie des accords de Paris des États-Unis, qui se distingue là où ses autres promesses électorales restent en pointillés. Leurs concrétisations ne sont pas brillantes, à commencer par la mise en cause de l’Obamacare, qui piétine. Deux autres gros dossiers restent en attente : la réforme fiscale et la dérégulation financière.

Pour aborder cette dernière, deux documents ont déjà été produits : le « Financial Choice Act » des représentants républicains, et le rapport du secrétariat au Trésor demandé par Donald Trump, qui exprime mieux la vision des mégabanques et préconise « un rééquilibrage raisonné des principes règlementaires au vu du considérable progrès de la solidité du système financier. » À croire qu’elles ont appris à s’accommoder des mesures de régulation actuelles, qui sont moins contraignantes que présentées.

Donald Trump pallie les difficultés qu’il rencontre pour avancer en s’adressant directement à ses électeurs sur Twitter comme s’il poursuivait sa campagne électorale. Il court-circuite à son profit des médias, dont peu son favorables, et occupe le devant de la scène en créant l’actualité, son abondante production étant suivie par près de 34 millions de lecteurs abonnés. Mais il faut avancer, car le temps passe. Le Congrès lui imposant son rythme et ses déconvenues en raison des dissensions internes aux Républicains, il s’engage maintenant sur le terrain de la dérégulation financière sur lequel il a émis des avis d’un grand flou. Disposant de ses prérogatives de président, Donald Trump reconfigure progressivement la Cour Suprême et la Fed en procédant à des nominations en série et se donne ainsi des leviers pour la suite. Ce qui n’empêchera pas le Congrès, où il va avoir à faire à forte partie, de devoir se prononcer sur ce sujet quand un projet précis sera proposé à son adoption.

À la Fed, il vient déjà de nommer Randal Quarles, dirigeant du grand fonds de placement Cynosure Group et ex-partenaire du groupe Carlyle, avec le titre de Vice-Président en charge de la supervision financière. Celui-ci avait été de 2001 à 2006 sous-secrétaire d’État au Trésor sous George W. Bush. Deux autres nominations vont encore intervenir avant celle du successeur de Janet Yellen à présidence de la Fed, dont le mandat vient à échéance en février 2018.

Gary Cohn fait figure de favori pour ce poste. Actuellement chef du Conseil économique national (NEC) à la Maison blanche, il était auparavant numéro deux de la banque d’affaires Goldman Sachs, d’où il a été dépêché en service commandé. Ce qui fait deux renards d’introduits dans le poulailler, en attendant les suivants ! Rappelons que Steve Mnuchin, un ancien de Goldman Sachs également, est le Secrétaire au Trésor.

La Fed chapeautant les nombreux organismes de régulation financière américains, c’est par la tête que celle-ci va donc être remise en cause. Les sujets ne manquent pas pour retoucher de manière décisive la loi Dodd-Frank tout en ayant l’air de ne modifier que des détails, créant une jurisprudence dont les mégabanques européennes pourront se prévaloir au nom de l’égalité de traitement. L’interdiction de spéculer sur fonds propres – la règle Volcker – va être particulièrement visée, bien que largement contournée par les banques. Le Bureau de protection des consommateurs chargé de protéger des abus bancaires n’a pas de beaux jours devant lui. Deux mesures de surveillance vont être réévaluées, les stress tests des banques et la fréquence de mise à jour de leurs dernières volontés – le mode d’emploi du débouclage de leurs positions en cas de malheur. Un certain doigté va toutefois être requis pour opérer, car il y a foule du côté des organismes régulateurs, dont certains sont internationaux comme le Conseil de stabilité financière.

Le détricotage de la régulation des banques – puisque le « shadow banking » n’a pas fait l’objet des mêmes attentions – va intervenir sur fond de mise en cause de la Fed au sein du Congrès. Certains élus républicains jusqu’au-boutistes se sont montrés particulièrement virulents dans leur volonté de la contrôler. En retour, celle-ci se drape dans la vertu d’une indépendance fortement surjouée. Sans doute la mesure symbolisant au mieux sa déchéance résiderait dans l’adoption, qui est réclamée par des élus républicains, de la Règle de Taylor. C’est une formule mathématique qui permet de définir par le calcul le taux directeur d’une banque centrale, son abandon déposséderait la Fed de cet instrument essentiel de politique monétaire en raison de l’automaticité de son mécanisme. Il est fort peu probable qu’elle soit adoptée, mais cela en dit long sur l’ambiance régnante.

C’est au sein de son propre camp que Donald Trump rencontre les oppositions qui le font échouer dans le cas de l’Obamacare, ou qui sont plus royalistes que le roi dans celui du détricotage des mesures de régulation…

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