Café des Poètes, par Panagiotis Grigoriou

Billet invité. Sur son propre blog greekcrisis.fr

Café des Poètes

Juillet bien entamé, les nouvelles tombent, mais elles tombent forcément dans l’eau. Les violents orages se sont déjà éloignés du pays, mais les medias en rajoutent autant. C’est tout de même un peu inhabituel en cette saison, supposée estivale garantie et dégagée. “Phénomènes extrêmes, ayant causé de nombreux dégâts matériels, puis un mort à l’Ouest du pays”, martèlent les journalistes (radios du 18 juillet). Ils ont toutefois oublié… ces cinq cent moutons noyés en Thessalie près de Larissa capitale de la région, en début de cette semaine.

Faire la queue dès l’ouverture. Thessalie, juillet 2017

Pluie et vent, perturbations, sauf pour ce qui tient des vieilles habitudes. Car par tout temps, les Grecs iront patienter devant “leurs” banques, surtout depuis la mise en place des contrôles des capitaux. Pas de retrait possible au-delà de 460€ par compte et par semaine entre autres. Dès l’arrivée des payes ou des retraites, les “déposants” s’empressent de tout retirer et pour passer le mois, faisant aussi face à leurs factures et accessoirement… ne rien laisser déposé à la banque, phénomènes extrêmes.

L’euro (toujours virulent) mais en train de fondre aux yeux des mentalités “d’en bas”, nos (autres) pauvres moutons noyés… sauf pour la part la plus aisée, et/ou portion “débrouillarde” de la population. Signe… des intempéries, à Athènes, les campements des sans-abris s’adaptent… à merveille au temps présent, et sur les murs, le Zeitgeist le plus actuel, s’exprime alors à sa manière : “Chaos, aucun espoir” et “Je n’aime pas, je m’en fiche”, juillet, pourtant bien entamé !

“Danse avec la décrépitude” (Tsipras et Kamménos). Presse grecque, juillet 2017

À l’écoute des informations sur la radio (supposée) publique (ERT), et autant sur celles, issues du marasme hertzien privé, l’impression dégagée trahirait même un certain exotisme, voire, un exotisme certain.

“La rentrée de la Grèce sur les marchés des capitaux vient d’être tout juste retardée d’une semaine, mais elle reste éminente. Le gouvernement attend en effet le signal des sociétés de notation financière internationales. C’est un grand moment que de pouvoir ainsi réaliser ce premier essai, c’est-à-dire, emprunter sur les marchés des capitaux, et non pas uniquement à travers les mécanismes étroitement surveillés par la Troïka” (Radio ERT, zone matinale du 18 juillet, cité de mémoire). Pauvres moutons Thessaliens, morts pour rien et si tôt !

Les Tsiprosaures apparaissent alors fort souriants et parfois même hilares devant les caméras et les objectifs numériques… comme numéraires. “Le pays va mieux”, sinon, comme l’évoque parfois une certaine presse : “Danse avec la décrépitude” (Tsipras, et le ministre de la Défense Kamménos, chef du petit parti de droite ANEL, allié de SYRIZA au “pouvoir.

Sans-abri. Athènes, juillet 2017
“Chaos, aucun espoir”. Athènes, juillet 2017
L’euro… qui fond. Athènes, juillet 2017
“Je n’aime pas, je m’en fiche”. Athènes, juillet 2017

En ce juillet 2017, aux… phénomènes extrêmes ayant comme on sait, causé de nombreux dégâts matériels, un certain pays largement réel, se passionne dernièrement… pour cette châtaigne bouillie voilà il y a quarante ans par le moine du Mont Athos (et désormais) Saint Païssios, exposée sous la bénédiction (quelque peu gênée il faut dire) de l’Église à Agrínion, à l’Ouest du pays (presse locale et médias nationaux du 17 juillet 2017) .

À chaque pays… finalement ses marrons glacés. La châtaigne en question, notons-le, “elle est restée intacte” d’après les médias ; à l’époque, elle avait été offerte par Païssios à un étudiant. Ce dernier, il est devenu prêtre depuis, et ceci n’expliquerait pourtant pas tout à fait cela. Les reportages abondants, rapportent que “plus de quarante mille fidèles se sont déjà… inclinés devant la châtaigne” (Radio Skaï du 18 juillet, zone matinale)… grands moments !

Ailleurs en Grèce, en Thessalie alpestre par exemple, les petites chapelles restent désespérément vides et pour cela peut-être fort envoûtantes, la vérité des mystiques ne serait pas toujours celle que l’on croit. Qui sait ? Cela dit, les Métropolites (Évêques) des villes, célèbrent toujours la messe, non sans l’aimable participation des officiels locaux, Armée comprise.

Petite chapelle. Grèce alpestre. Thessalie, juillet 2017
Petite chapelle. “L’argent ici”. Thessalie, juillet 2017
Messe du Métropolite. Trikala, juillet 2017

En d’autres temps, c’était à Delphes que la divination et l’oracle apportèrent les réponses données par un… dieu aux questions personnelles ou collectives. Actuellement, il nous est encore possible d’admirer les lieux, l’Aurige (statue en bronze du Vème siècle avant notre ère), ou sinon cette fillette… au sourire devenu éternel, jolie statue datant de la première période hellénistique.

De nos jours, les marrons se conserveraient visiblement longtemps, et les peuples pourriraient bien lentement, cela quelquefois… en pleine beauté ! Car au pays d’Athéna, tout y est. Mœurs et parfois beaux paysages admirés des touristes, rares fouilles archéologiques et/ou entretien des sites, vielles chambres à Athènes redevenues à la mode, ubérisation oblige.

Les orages sont passés, les nouvelles tombent, et elles tombent forcément dans l’eau. Dans la foulée cette semaine, il y a eu de destructions de boutiques à Athènes suite aux émeutes… motivées par la non-libération d’une jeune femme anarchiste, ou plutôt compagne d’un anarchiste, voilà pour son “seul crime présumé, car ladite justice est injuste”, d’après la version des faits adoptée par les intéressés qui ont bien saccagé une partie du centre-ville. Le gouvernement vient de déclarer qu’un nouveau jugement pourrait ainsi tomber (c’est le mot), dans l’éventualité de rejuger l’affaire… après avoir modifié la composition de la Cour. Original !

Entre-temps, Vassilikí Thánou, ancienne Juge en chef en Grèce (en fonction jusqu’au 30 juin 2017), vient d’être nommée Conseillère spéciale du Premier ministre (Alexis Tsipras) aux affaires de Justice… trop prêt, trop vite, danger !

Delphes, “l’Aurige”, juillet 2017
Chapelle sous l’Acropole. Athènes, juillet 2017
Delphes, la “Fillette”, juillet 2017
Beaux paysages admirés des touristes. Thessalie, juillet 2017
Rares fouilles archéologiques. Athènes, juillet 2017
Vielles chambres à Athènes et ubérisation. Juillet 2017

Mais ce n’est pas tout. Fort heureusement à Athènes on peut encore boire un verre au “Café des Poètes”, rare oasis décorée aux photos de poètes, entre autres, Yórgos Seféris, Odysséas Elytis, et Yannis Rítsos. Et c’est autant un café où la musique provient elle vraiment des muses, niveau du volume sonore compris.

Au café des poètes. Athènes, juillet 2017
Au café des poètes, Elytis, Rítsos, Seféris. Athènes, juillet 2017

Ailleurs, presque partout ailleurs, c’est le bruit… résiduel et dominant qui sait aussitôt noyer les plus beaux cafés (et terrasses) dans le marc de l’insupportable. “Phénomènes extrêmes ayant causé de nombreux dégâts matériels… et surtout humains !”

Les nuages de la météorologie s’éloignent enfin et au Pirée, les quelques Grecs et donc touristes, peuvent embarquer à destination des îles du Golfe Saronique. Tout ce petit monde admirera peut-être les… navires de la zone et surtout, l’île d’Égine, laissant derrière eux ce grand Pirée, aux figures murales, vaguement mi-philosophiques et mi-hipsters.

Les violents orages de la météo sont déjà loin, sauf que les medias en rajoutent encore car la “canicule, fatalement, elle reviendra”. Bonne blague. C’est tout de même habituel en cette saison estivale, néanmoins les “phénomènes peuvent devenir extrêmes, après l’affaiblissement des vents prévu dans quelques jours”, martèlent encore les médias (radios du 19 juillet). Ils auront toujours oublié les cinq cent moutons noyés en Thessalie près de Larissa.

Les nuages s’en vont. Le Pirée, juillet 2017
Embarquement pour les îles du Golfe Saronique. Le Pirée, juillet 2017
Figure… au Pirée. Juillet 2017
Navire. Golfe Saronique, juillet 2017
Touristes devant le spectacle de l’île d’Égine. Juillet 2017
Égine, juillet 2017

“Les parfums, les couleurs et les sons se répondent”, mais c’est du Baudelaire et de son temps, cités par le poète Elytis (“Les petits Epsilon”, 1992).

Athènes, Café des Poètes juillet bien entamé, les nouvelles tombent, et elles tombent forcément dans l’eau. Sauf celles des animaux adespotes (sans maître) du Pirée.

Animal adespote. Le Pirée, juillet 2017

* Photo de couverture: Café des Poètes. Athènes, juillet 2017

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