LES BANQUES CENTRALES MARCHENT SUR DES Å’UFS, par François Leclerc

Billet invité.

Ayant joué un rôle déterminant et innové sans compter afin de stabiliser la crise financière et ses conséquences, les banques centrales sont à nouveau placées devant leurs responsabilités à l’occasion de leur rencontre annuelle de Jackson Hole : quand et comment vont-elles revenir sur leurs mesures non conventionnelles qui semblent ne plus pouvoir rester inchangées ?

Détentrices à leurs bilans hypertrophiés d’un quart de la dette mondiale, elles s’interrogent sur le calendrier, le rythme et la manière de procéder afin de revenir à leur volume antérieur de détention de la dette souveraine, ainsi que sur la réévaluation de leurs taux directeurs. Elles constatent en effet que l’inflation se rapproche de son taux d’objectif et sont placées devant ce qui a les apparences d’une amorce de normalisation de la situation, tout en sachant qu’il y quelque chose qui cloche.

Le mécanisme de la transmission de leur politique n’a pas fonctionné comme il aurait dû, et la relance de l’économie n’a pas été en phase avec l’ampleur des moyens employés. Des phénomènes inexpliqués sont apparus, comme l’est actuellement la faible et persistante volatilité des marchés. Tandis que la relation entre le chômage, les salaires et les prix n’est plus ce qu’elle était. Les questions sont posées, les réponses ne sont pas apportées.

Mais il leur faut néanmoins agir, car les masses de liquidités qu’elles ont injecté ont abouti à des valorisations problématiques sur les marchés boursiers, illustrant une forte exubérance irrationnelle et aboutissant à la formation d’une gigantesque bulle clairement caractérisée qui menace les bourses à l’échelle mondiale. Faute d’alternative, les investisseurs ont déserté un marché obligataire peu rémunérateur – quand les taux n’y sont pas négatifs – en raison des achats massifs des banques centrales. Et ils se retrouvent englués sur les marchés boursiers, à moins de se risquer sur le marché obligataire des pays émergents, qui est de toute façon trop étroit. Le risque d’éclatement de la bulle ne peut cependant pas être exclu, le moindre incident pouvant le déclencher dans le contexte international actuel. Les banques centrales peuvent-ils le prendre ?

D’un autre côté, la normalisation de la politique monétaire ne va pas de soi ! Le resserrement du crédit qui en résulterait est partout invoqué. Mais de quel crédit ? Pas de celui qui est destiné au financement de l’économie, mais de celui, abondant et à coût quasi nul, qui a alimenté la spéculation financière. De nombreux investisseurs risquent de se retrouver les doigts coincés dans la porte, et la hausse très progressive des taux que la Fed a entreprise et est donnée pour se poursuivre n’a pas d’autre raison d’être que de leur donner le temps de se retourner.

Il ne faudrait pas que, au prétexte de normalisation, la Fed et la BCE qui sont principalement en cause ne déclenchent un rebondissement de la crise en raison du caractère insondable du système financier, que l’on préfère caractériser de systémique pour n’en voir que les effets.

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