Nation, démocratie et monnaie, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Nous assistons aujourd’hui à la redécouverte de la nation comme habitacle de la démocratie. La démocratie n’est pas un ensemble de procédures abstraites dictées par une cléricature financière globaliste et omnisciente. La démocratie vit par un ensemble de gens qui ont acquis la volonté de vivre ensemble dans une histoire commune. Une démocratie fabrique son histoire au présent par l’égalité négociable et renouvelée des chances.

La nation qui est effectivement une invention de la Révolution Française, a été dévoyée par le capitalisme en instrument de la concurrence pure et parfaite entre des États voués nécessairement à la guerre. La guerre interétatique ayant détruit trop de capital au XIXème et au XXème siècles, les États ont été mis à bas pour que les nations cèdent le pas aux individus en concurrence pure et parfaite. On découvre dans la crise mondiale du surendettement que la guerre se poursuit du capital contre le travail, c’est à dire des rentiers contre les travailleurs. Pour être sûr de gagner la guerre, le capital prédateur baisse les salaires et met le plus de gens possible au chômage.

Avant d’être instrumentalisée dans la guerre des puissants contre les pauvres, la nation instituée par la Révolution Française a été le creuset éphémère de la Fédération. Avant d’être fusionnés et divinisés dans l’État napoléonien, les états différents de l’humain dans la citoyenneté ont été fédérés dans la Nation. La nation originelle instituée par les révolutionnaires des États Généraux est une volonté plurielle et unique de faire vivre ensemble par une même fraternité, différents états dans une égalité de condition.

Les états fédérés dans la nation française vont être rapidement dissous par une raison interne et par les forces externes antinationales. La nouvelle nation fédérative des Français n’a pas trouvé de loi d’indexation de la citoyenneté abstraite du capital sur la citoyenneté concrète du travail. Les biens expropriés des privilégiés bannis ne suffirent pas à gager la monnaie de la nouvelle démocratie. Les assignats révolutionnaires s’effondrèrent par rapport à la monnaie de l’ancien régime, laquelle était gagée sur le budget de l’État royal constitutionnellement voué à la protection du travail et de l’économie productive.

Les forces externes de destruction de la démocratie française ont été les États capitalo-aristocratiques qui du Royaume Uni à l’Espagne cernent la France. Excités, conseillés et financés par les émigrés français, les anti-nations voisines de la France vont se muer en nations nationalistes anti-démocratiques. Napoléon prendra acte du rapport de force favorable à la rente du capital et mettra la démocratie en veilleuse pour financer les guerres impériales.

L’Union Européenne et la zone euro dans l’UE sont des constructions héritées du capitalisme impérial. Le capitalisme pris en main par les États-Unis a imposé un régime de guerre froide généralisée où l’État technico-financier prime sur la nation. Les États sont devenus des entreprises d’accumulation financière du capital formée sur l’aliénation politique du travail. La nation qui produit la démocratie par la citoyenneté du travail est reléguée dans le néant du marché mondial sans loi humaine. Tout circule librement dans un marché sans loi parce que sans distinction possible des nations.

Ce qui fait exister la nation dans un marché libre et ouvert, c’est la monnaie. La monnaie est le signe commun du libre échange et de la nationalité du prix. Les devises distinctes dans la monnaie convertissent une nation dans une autre nation. A l’intérieur d’une même nation, la devise commune signifie une même loi d’indexation du capital sur le travail. L’indexation nationale du capital sur le travail est l’utilisation d’un capital national à l’assurance des travailleurs par une même démocratie appliquant des lois communes discutables et partageables.

De la même façon que les capitalistes apatrides ont utilisé la livre sterling, puis le dollar pour piller le travail à l’intérieur des empires en guerre monétaire, les européistes apatrides ont constitué une monnaie unique pour mener une guerre européenne contre le travail dans la zone euro. Les empires monétaires du dollar, de l’euro et des autres monnaies de réserve et de règlement s’imbriquent les uns dans les autres pour que les prix ne mesurent pas le vrai travail qui produit, mais la rente qui spécule sur l’anéantissement des nations.

Si l’Europe était une démocratie de nations, elle formerait une société des nations avec autant d’unités monétaires que d’États. L’euro serait la monnaie commune unique de conversion des différents états nationaux de la démocratie. Le marché de l’euro serait un marché des nationalités du travail. La prime de change en euro d’une devise nationale en une autre devise, serait la prime d’assurance des droits nationaux du travail dans le prix du droit de la nation sœur. La nation est le lieu de la fraternité. La monnaie est la fraternité convertible en liberté. Les monnaies sont l’égalité des nations.

 

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