Halte à la politique mondiale de bêtise financière, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité

Les enquêtes et les procès en cours ne laissent plus aucun doute sur la nature radicalement frauduleuse du pudiquement mal nommé « marché des changes ». Une transaction de change consiste à convertir un prix dans une monnaie en un prix normalement équivalent dans une autre monnaie. Comme l’équivalence est affaire de jugement, il existe nécessairement une incertitude dans la conversion d’un prix à terme par rapport au bien réel qui sera réglé dans une autre monnaie que celle qui libelle le contrat d’origine. Les « cambistes » se font une spécialité d’assurer leurs clients internationaux contre les incertitudes de la convertibilité des monnaies.

Depuis 1971 où le Président Nixon a officiellement suspendu la garantie du prix de l’or en dollar, le prétendu marché des changes est libre. Le risque de change est prétendument assurable par les opérateurs privés qui contrôlent le marché des changes… Aujourd’hui, avec les ordinateurs c’est hyper-simple de « calculer » n’importe quelle parité de change à terme sur n’importe quelle devise. Un seul petit ordinateur personnel fait le marché de n’importe quelle devise avec un minimum de trois opérateurs établis et reconnus dans des monnaies de référence qualifiées de réserve de change.

Techniquement, il suffit que trois opérateurs s’ouvrent réciproquement des lignes de crédit illimitées auprès d’une même banque compréhensive et commissionnée. Trois opérateurs et une banque libérale dans la mesure réglementaire de son risque de contrepartie, peuvent créer indéfiniment les positions de marché qui leur soient systématiquement avantageuses aux dépens de tous les autres enfermés dans l’économie réelle. Aux dépens des autres puisque telle est la loi d’équilibre du marché fictif des changes avalisée par les Accords de la Jamaïque en 1976.

Si les États, qui ne veulent plus exister dans la religion féroce du marché, s’avisaient de redevenir ce pour quoi ils sont faits, il suffit désormais que trois d’entre eux s’ouvrent des crédits budgétaires illimités dans leur monnaie respective pour tenir ensemble un équilibre des changes qui garantisse la solvabilité de tout État de droit respectueux de la démocratie. Trois États de droit démocratiques suffisent à créer la chambre de compensation mondiale calée sur le schéma du bancor de Keynes proposé en 1944.

Le risque de change n’a de réalité mesurable que dans la démocratie. Si tout le monde n’est pas également soumis à la loi et obligé de livrer des biens réels licites contre des prix réglés en monnaie, l’écart en monnaie entre deux prix nationaux différents d’un même bien ne peut pas avoir de réalité. Pour que le risque de change soit assuré dans la réalité économique, il faut et il suffit que trois États démocratiques :

1) définissent leur monnaie comme l’unité de compte du prix du travail domestique qui rende toute dette interne ou externe remboursable par la production engagée et les exportations nettes qui en découlent ;

2) introduisent dans leur budget public voté une ligne de crédit interétatique conditionnée à l’adoption constitutionnelle de la définition de la monnaie domestique en prix du travail destiné au remboursement de toute dette ;

3) créent une société internationale des États démocratiques propriétaire de l’ordinateur de compensation où sont inscrites les lignes de crédit budgétaire en monnaie nationale finançant la masse monétaire internationale réglée en bancor ; la somme des allocations budgétaires nationales est le capital nominal variable en bancor de la chambre de compensation internationale du droit national convertible des démocraties ;

4) mettent en commun dans la société internationale de compensation une fiscalité financière déléguée dont le taux s’applique à toute transaction selon la position que prend le pouvoir judiciaire de chaque État sur le prix de la légalité à terme de l’objet sous-jacent ; la prime de change est la provision comptabilisée en bancor sur l’incertitude du prix réel justifiable du nominal à l’échéance livrable en compensation.

La chambre de compensation en bancor est donc dépositaire de la définition juridique contractuelle dans tous les droits nationaux de tous les nominaux légalement garantis des objets sous-jacents aux transactions. Dans les trois États fondateurs du bancor, la garantie internationale d’un nominal signifie qu’une personne physique est caution de l’existence engagée d’un travail par quoi le bien déposé est effectivement livrable conformément à sa description juridique au prix compensé dans la chambre internationale. Si trois pays souverains réellement démocratiques se portent mutuellement garants du remboursement de toutes leurs dettes collectivement et financièrement fiscalisées en effectivité de leur travail domestique, alors tout bien réellement livrable à des personnes physiques engagées et garanties en monnaie nationale, acquiert en bancor sont prix réel légal.

Le prix nominal en monnaie nationale exclusivement convertible en bancor contient pour chaque échéance livrable trois primes réglées à trois catégories de garant, lesquels couvrent l’acheteur final débiteur du prix nominal net. Les 3 primes sont la prime de crédit (CDS), la prime de capital (marge sur prix de revient au propriétaire) et la prime de change. La prime de change est la contrevaleur internationale de la taxe nationale sur la valeur ajoutée répartie entre l’État national garant de la justice et la société internationale de compensation garante de la démocratie dans les transactions financières.

La chambre de compensation en bancor ne changerait strictement rien aux mécanismes financiers actuels ni aux algorithmes de prix en vigueur. Elle opérerait juste une transformation de la jungle en marché. Au lieu de négocier des fictions spéculatives hors des droits nationaux vérifiables, la compensation rattache tout nominal négociable en bancor à un État souverain garant de la légalité. La légalité financière est présumée ne pas exister si l’entreprise qui produit n’est pas identifiée dans la compensation en bancor avec un capital négociable en monnaie nationale. Capital légalement défini pour assurer la réalité licite de tous les engagement à terme de vente et d’achat d’une quelconque entreprise.

Enfin, un nominal domicilié sous un État assureur et sous une entreprise créditrice en capital reste non négociable si n’est pas identifiée et assurée, la personne physique qui travaille à la livraison effective à l’échéance vendue en compensation du bien sous-jacent. Le vrai marché qui remplacerait la fiction spéculative prédatrice actuelle, est donc un marché internationalement compensé des changes, du capital, du crédit et du travail. Un vrai marché ne peut être qu’un marché du droit du travail assuré par le travail de remboursement des dettes monétisées dans des lois nationales.

Depuis la révolution industrielle, le marché globalisé du libre échange est une anarchie politique pure et parfaite. Le monopole du dollar convertible en or instauré à Bretton Woods a périclité du fait que la justice étatsunienne était inapplicable aux dollars circulant hors des États-Unis. Les dettes internationales des Étatsuniens ont explosé hors de toute limite rationnelle. Les changes flottants depuis 1971 déconnectés de toute réalité tangible vérifiable sont juste une dogmatisation de l’économie de l’injustice nécessaire. Faut-il une troisième guerre mondiale ouverte et civile pour revenir à une économie de la justice ?

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