ESPIRITO SANTO, UN CAS QUI N’EST PAS PARTICULIER, par François Leclerc

Billet invité.

Le Portugal serait-il sorti trop vite de son plan de sauvetage pour la beauté de la démonstration ? Les banques des pays du Sud de l’Europe seraient-elles plus atteintes qu’il n’est admis ? On trouve ces deux questions légitimement posées chez les analystes et commentateurs, donnant à l’épisode en cours toute sa profondeur. Les marchés retrouvent leur équilibre ce matin, voulant voir dans les convulsions du groupe Espirito Santo une affaire portugaise sans effet de contagion. Cela reste à se vérifier, en Espagne en particulier, mais n’efface pas son exemplarité.

Car ce n’est pas le niveau des fonds propres de la banque du groupe qui est en question, mais des montages financiers opaques entre ses entités, dont Espirito Santo International (ESI), domiciliée au Luxembourg. Est-ce d’ailleurs un comportement tellement différent des cuisines auxquelles les grands groupes s’adonnent, déplaçant à leur guise les profits et les pertes, pratiquant l’art du financement consanguin et en fin de compte ne rendant des comptes qu’à eux-mêmes ? Le groupe comprend également Rio Forte, une filiale de développement dans ses activités de base, la santé, l’immobilier, l’agriculture, le tourisme, l’énergie dans les anciennes colonies portugaises ainsi qu’en Espagne et au Paraguay et il serait intéressant de savoir comment il a financé celui-ci.

Les entités du groupe ont entamé l’évaluation de leurs expositions réciproques, car le risque serait que non seulement ESI mais aussi l’ensemble du groupe s’effondre à sa suite. Il doit prochainement dévoiler un plan de restructuration. Son établissement bancaire, Banco Espirito Santo (BES), avait refusé tout soutien financier de l’État, à l’inverse de ses semblables, mais la question est désormais posée de savoir s’il pourra continuer à s’en passer. Le gouvernement portugais nie la nécessité de toute intervention au niveau de la BES, espérant que la restructuration financière du groupe réglera tout, avec le danger qu’elle ne soit qu’un rafistolage. Développant directement ses activités en Espagne sans avoir créé de filiale, la BES n’était pas assujettie à la réglementation de la Banque d’Espagne limitant les taux de rémunération des dépôts afin d’empêcher une dangereuse concurrence entre les banques. Elle en a profité pour faire la chasse aux dépôts, un indéniable signe de faiblesse. Dans l’immédiat, la Banque du Portugal s’efforce de calmer le jeu et éviter un retrait des dépôts dans la panique, qui sonnerait l’hallali, en annonçant que les réserves de la banque sont suffisantes pour faire face à un éventuel impact négatif de son exposition à son groupe, chiffres à l’appui.

Une nouvelle alerte a sonné, montrant que le système bancaire était loin d’être à flot, en dépit de toutes les assurances. Comment l’EBA et la BCE pourront-ils l’éluder en rendant compte des résultats des stress test et de la revue de qualité des actifs bancaires ? Se posera alors à nouveau la question du désendettement, non pas sous l’angle restreint et trompeur de celui des États mais dans sa globalité, établissements financiers compris. Selon de premières analyses italiennes, les banques italiennes pourraient emprunter jusqu’à 200 milliards d’euros à la BCE, lors de ses prochaines opérations de l’automne et de fin d’année qualifiées de TLTRO… Cela rend difficile de réduire à sa dimension purement portugaise un épisode qui illustre une situation plus générale.

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