L’ULTIME LOGIQUE DE L’ACCROISSEMENT DE LA PRODUCTIVITÉ, par François Leclerc

Billet invité.

La liste des pays qui connaissent un vieillissement de leur population s’allonge, conséquence d’une vie plus durable et d’une baisse de la natalité. C’est notamment le cas en Chine, résultat dans ce cas de la politique de l’enfant unique. Lorsque cette question est abordée, c’est pour souligner le mauvais rapport entre population active et inactive qui en résulte – pesant sur les systèmes de retraite par répartition – ainsi que l’augmentation des coûts médicaux afférents qui contribue à déséquilibrer les finances des systèmes de santé. Il est oublié que c’était éminemment prévisible et aurait dû faire l’objet de provisions. En France, un fonds de réserve pour les retraites a bien été institué en 2001 par le gouvernement Jospin, mais il a été siphonné sous Sarkozy avant l’heure prévue de 2020, en raison de la crise financière.

Dans les deux cas, des solutions libérales génératrices de nouvelles inégalités sociales sont préconisées pour soulager les déficits et financer ces services dans un contexte de réduction des ressources des États. Un prétexte rêvé est tout trouvé pour les imposer. Seuls les États-Unis sont à contre-temps avec la réforme de la santé de l’administration Obama, et la Chine est incitée à développer un système de retraite pour développer son marché intérieur.

Mais une autre effet du vieillissement de la population se fait de plus en plus sentir, notamment dans les pays où il est accentué, comme l’Allemagne et le Japon. Les Allemands y répondent en favorisant l’immigration et en ayant développé la sous-traitance dans les pays de l’Est européen, où existe une tradition de main-d’œuvre qualifiée. Les Japonais explorent une nouvelle voie plus dans leurs cordes, l’accentuation de la robotisation du travail, même si les entreprises du pays ne se privent pas de délocaliser leur production en Asie.

Le spectre du déclin règne sur le Japon, déjà rétrogradé du rang de seconde puissance économique mondiale en faveur de la Chine, enlisé dans la déflation, plombé par une dette publique colossale et un déficit public qui ne l’est pas moins (et dont le coût ne peut que renchérir), subissant une crise énergétique majeure qui accroît les coûts de production et les effets d’un dollar faible qui pénalise les exportations.

PDG du groupe de télécommunications, Masavoshi Son considère que le redressement du pays implique « de sauver la capacité productive et la main-d’œuvre, car c’est dans leur accroissement que réside la compétitivité ». Il donne l’exemple de son groupe qui a plus que doublé la productivité de chacun de ses salariés entre 2009 et 2014, grâce à l’emploi de nouvelles technologies. Mais il précise que « vient le moment où nous allons cohabiter et co-travailler avec des robots ». Les calculs sont faits : « Si le Japon employait 30 millions de robots en remplacement de personnes dans des entreprises manufacturières, cela équivaudrait à 100 millions d’ouvriers. Pourquoi ? parce que l’homme peut œuvrer huit heures d’affilée seulement, mais le robot trime 24 heures sur 24, dimanches et jours fériés compris ». Et il poursuit en prévoyant que cette main-d’œuvre abondante serait la moins chère au monde, Chine et Inde battues.

Cette prévision qui n’est pas futuriste appelle néanmoins deux remarques : le PDG de Softbank prévoit le remplacement des travailleurs sans s’interroger sur leurs moyens de subsistance, ce qui s’inscrit logiquement dans sa vision de l’activité économique centrée sur l’exportation ! Il n’envisage pas non plus que l’Inde ou la Chine puissent déployer les mêmes technologies et que l’avantage concurrentiel dont il se prévaut ne sera au mieux valable qu’un certain temps…

Ce ne sont plus uniquement le financement de la retraite et de la santé qui impliquent une réflexion hors cadre : c’est celui de la vie toute entière. À moins de considérer que le monde entier sera devenu rentier sur la base d’une redistribution du capital et du patrimoine, ou plutôt que soit adoptée le principe d’une allocation universelle. D’un certain point de vue, les deux ne seraient pas incompatibles, sauf qu’un tel revenu d’existence devrait s’accompagner d’un élargissement des biens communs et de la fin du régime de la propriété privée au profit de l’appropriation et de la gestion collective. Car dans ce domaine aussi, il n’y a pas deux camps entre lesquels il faut choisir, celui du libéralisme et celui de l’étatisme.

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