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« Money time », et après ? par samedi – Blog de Paul Jorion

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53 réponses à “« Money time », et après ? par samedi”

  1. Avatar de fnur
    fnur

    Je remets ce com qui était dans un billet précédent de ce blog, il y est plus à sa place ici.
    Il se trouve que je travaille dans l’industrie et suis censé y faire de l’innovation, en fait la façon dont les entreprises ou j’ai été en France et ou je suis en Allemagne prétendent innover est assez incohérente. En fait en tant qu’ingénieur recherche on nous parachute chef de projet, ce qui correspond à un mélange de bureaucratie et de travail de livreur de pizzas à se débattre avec des organisations totalement bancales et où le moindre problème est porté au crédit du dit chef de projet. C’est à dire que l’essentiel de son énergie se dilue dans tout ce qu’on veut mais certainement pas dans l’innovation. Quand une société prétend consacrer X % de son chiffre d’affaire à l’innovation, en fait elle impute majoritairement ce budget à des tâches qui n’en sont pas.
    L’inflation de normes et de formulaires à remplir liée au manque décroissant de personnel nécessaire entraîne une exécution des tâches à la petite semaine gérée par un chaos de priorités se bousculant les unes les autres et se remettant en cause dans un mouvement perpétuel. Un mouvement brownien ou l’absurde le dispute à l’inefficacité, perte d’énergie, création de résistances passives.
    Désormais le chef de projet doit être expert en tout, ingénierie, brevets, veille technologique, achats et supply chain, méthodes qualité, communication, planification, cost control …
    Evidemment, c’est quasiment impossible et le résultat est une efficacité exécrable en fin de compte. Ceux qui sont censés avoir l’expertise de ces tâches se débinent ou font à moitié le travail, d’où des découvertes de cadavres ahurissantes quand on croit que tout a été fait.
    Alors on fait en permanence le plombier ou le pompier pour dégripper la machine.
    Les procédures établissent des tâches en série et les rêves des directeurs veulent du projet en tâches parallèles pour aller plus vite. Sans même évaluer les risques financiers que peut entraîner ce dernier mode dans certains cas.
    Un autre exemple parmi bien d’autres, la mode est d’avoir un bureau en open space, un cauchemar où l’on est sensé réfléchir, rédiger des documents, dialoguer au téléphone ou avec des collègues, tout ça dans le brouhaha infernal des multiples discussions alentour, autant travailler dans un couloir de métro. Il y a pourtant des syndicats, des comités d’entreprise, des comités d’hygiène( CHSCT), ben non les patrons qui ont leur bureau individuel bien tranquille imposent en toute impunité des lieux de travail totalement insalubres à leurs cadres parce que c’est la mode de la soit disant communication. Ceci est fait en totale contradiction avec ne serait que l’intérêt d’une certaine efficacité ou créativité.
    Pour ma part malgré tout j’ai eu des idées innovantes, brevets etc…, ça ne m’a pas rapporté mais même plutôt desservi, comme si j’avais déclenché de l’animosité. Par exemple, la dernière boite ou j’étais en France m’a viré sec pour faute grave, prud’hommes s’en est suivi. Entre temps ils ont déposé le brevet du dispositif (secteur médical), en évitant bien entendu d’y mettre mon nom en tant qu’inventeur, que j’avais inventé et ils ont récupéré 2 millions d’euros du ministère de l’industrie en posant le dossier au pole de compétitivité. Le directeur de la boite aura la gloire de voir son nom sur le brevet, habitude qu’il a eue aussi pour d’autres brevets et qui lui permet de frimer dans les salons du XVI ème.
    J’avais aussi détecté des graves défauts sur des produits médicaux, j’en ai corrigé in extremis au moment où des hôpitaux s’en sont aperçus, ces défauts étaient présents depuis 20 ans sur ces produits. Un des produits présentait toujours un défaut critique que j’avais décelé, ils ont continué à le vendre en toute connaissance de cause, alors que j’étais en recherche d’une solution. C’est sûr faire de la R&D comme ça c’est pas fiable. Sachant que la qualité des produits en question n’est pas vérifiée par des organismes publics et que le seul contrôle fait par ces organismes porte sur la paperasserie qualité de la boite, les bugs de conception et de fabrication passent comme de l’eau dans une passoire.

    Comme beaucoup de directeurs il a fait construire une usine avec archi parigot branché, ce bâtiment est une aberration, mais c’est son mausolée, sa cathédrale, à l’instar des pharaons ou empereurs africains.
    C’est assez consternant de voir comme on porte aux nues l’innovation sans jamais interroger les critiques de ceux qui sont censés la faire. Vraiment il y a un problème concernant les conditions de travail infectes actuelles qui sont tout simplement les conditions de la production.

  2. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    Je suis epoustouflé par la qualité du post de Samedi.
    Quelle expression claire de ce que je ressens au quotidien dans « mon » groupe du CAC40….

    Samedi, vous parlez de souffrance, mais si peu s’en soucient.

    Je vois surtout beaucoup d’individualisme et avec le souci de chacun de gagner le plus possible pour pouvoir profiter des biens luxueux et variés proposés aux forts, sans trop à regarder des conséquences.

    Ne faut-il pas collectivement aller jusqu’à l’écoeurement pour que puisse émerger ce qui serait l’équivalent de la démocratie pour le monde économique. Quelle autre force pourrait motiver ce regroupement d’individualités toujours plus disjointes qu’est la société occidentale moderne ? Mais par quels affres il va falloir passer ?

  3. Avatar de Jean-François
    Jean-François

    @ David,

    Il y a un point dans l’informatique que tu ne cites pas, c’est la nouvelle frénésie d’organisation FO/BO (front office / back office), où le codage est sous-traité à des centres agréés CMMI3 (certification de qualité en industrialisation des productions), en Inde, au Maroc, en Roumanie ou ailleurs. Il en résulte une nouvelle couche de travail non productif, qui consiste à assurer la compréhension client/FO/BO. Évidemment, les retours du BO sont souvent foireux, mais c’est la faute du FO parce qu’étant CMMI3, les BO sont censés être zéro défaut. A l’arrivée, il parait que les coûts sont diminués. J’ai un doute sur le long terme, mais bon…

    Mais ce qui me frappe et m’inquiète le plus, c’est la mentalité des jeunes que je vois arriver (puis souvent repartir) depuis des années. Ils sont diplômés, très sympas, drôles, en général bosseurs, mais totalement, complètement formatés selon l’idéologie (ou selon le « paradigme », pour parler comme les calés en sciences humaines) des deux dernières décennies, y compris ceux qui se présentent un peu comme « rebelles », par leur tenue ou leur attitude.

    Fondamentalement, ils sont complètement individualistes ; ils ne comprennent pas la logique des actions collectives, et ne veulent pas y être mêlés. Certains finissent par suivre un peu, mais après des mois de couleuvres avalées, et de travail au corps à corps par quelques anciens pour leur ouvrir les yeux.

    J’avais été sidéré il y a quelques années. Un chef (je refuse de dire « manager »), lors d’une réunion de département, nous avait expliqué pour justifier l’absence d’augmentations pour la piétaille, que le but de la société (méga SSII) était de faire des profits pour les actionnaires, et que donc gna gna gna, économies, efforts, etc.
    Ça m’avait mis dans une colère noire, et le coup de grâce a été l’incompréhension de mes jeunes collègues qui n’avaient pas du tout été choqués. Ben oui, pour eux, le but d’une société est le profit, c’est comme ça que ça marche, et c’est normal que les actionnaires demandent une marge de 15%. Quand j’ai essayé de leur expliquer qu’une entreprise pouvait également être vue comme une organisation qui apporte une part de la production à la société en général, et que la rentabilité était certes une nécessité mais certainement pas un but, ils m’ont réellement pris pour un dingue, ou un crétin, ou les deux.

    Pourtant ils ne sortent pas d’école de commerce, mais d’école d’ingénieurs ou de fac scientifique. Donc non formatés par leur enseignement, mais accros à la télé, aux séries américaines, aux jeux vidéos, aux blockbusters pleins d’effets spéciaux, etc. En fait des zombies qui n’ont aucun sens critique ni aucun velléité de contestation. Des moutons, qui se font tondre sans que cela ne les gêne.

    L’année 2009 va être terrible, se serviront-ils enfin leur cerveau ?

  4. Avatar de Crystal
    Crystal

    Bonjour,

    J’ai été particulièrement sensible au passage sur la course à la productivité.

    Connaissez-vous les travaux d’André Gorz ?

    Extrait de Ecologica :

    « Que nous sommes, écrit André Gorz, dominés dans notre travail, c’est une évidence depuis cent soixante-dix ans. Mais non que nous sommes dominés dans nos besoins et nos désirs, nos pensées et l’image que nous avons de nous-mêmes. C’est par lui, par la critique du modèle de consommation opulent que je suis devenu écologiste avant la lettre. Mon point de départ a été un article paru dans un hebdomadaire américain vers 1954. Il expliquait que la valorisation des capacités de production américaines exigeait que la consommation croisse de 50 % au moins dans les huit années à venir, mais que les gens étaient bien incapables de définir de quoi seraient faits leur 50 % de consommation supplémentaire. En partant de la critique du capitalisme, on arrive donc immanquablement à l’écologie politique qui, avec son indispensable théorie critique des besoins, conduit en retour à approfondir et radicaliser encore la critique du capitalisme. Je ne dirais donc pas qu’il y a une morale de l’écologie, mais plutôt que l’exigence éthique d’émancipation du sujet implique la critique théorique et pratique du capitalisme, de laquelle l’écologie politique est une dimension essentielle. »

    J’ai découvert au travers de ses écrits beaucoup de réponses aux questions soulevés dans ce billet.

    Dans le même goût Nicholas Georgescu-Roegen me semble aussi intéressant (et précurseur…) :

    http://classiques.uqac.ca/contemporains/georgescu_roegen_nicolas/decroissance/la_decroissance.pdf

    Amicalement.

  5. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ Scaringella (14 décembre 2008 à 11:21)

    Vers quel nouveau paradigme l’humanité doit-elle tendre ?
    DEVOIR : Être tenu à (quelque chose) par la loi, les convenances, l’honneur, l’équité, la morale

    Je répète, POURQUOI devez vous?

    Je ne comprends toujours pas votre implication du vous dans cette question.

    C’est l’humanité qui est tenu de tendre vers un nouveau paradigme !
    L’humanité étant prise dans cette question au sens commun du mot : le genre humain, les hommes en général. Homme, humain.
    Il aurait peut-être était préférable que j’emploie le mot civilisation…

    @ samedi (14 décembre 2008 à 12:06)

    Merci pour votre billet que j’ai d’ailleurs repris sur l’un de mes sites.

    Je vous livre ici le commentaire de Redge (15 décembre 2008 à 0:45) appuyant ma première intervention plus haut :

    Vers quel nouveau paradigme l’humanité doit-elle tendre ?

    Mais l’humanité est-elle prête à changer de paradigme ? On voit à quel point le système, mais aussi les gens, s’accrochent au capitalisme. Est-ce que les gens sont prêts pour autre chose que ce qu’ils connaissent ? Ils veulent du changement, mais pas trop quand même ! Il ne faudrait quand même pas changer nos habitudes et nos mentalités !

    Je pense qu’on est rendu à la croisée des chemins. Ceux qui voudront changer changeront. Ceux qui s’accrocheront à « l’ancienne » mentalité constateront qu’elle ne fera que les conduire constamment dans une impasse.

    Je crois que nous devons agir dans l’optique du bien commun. C’est la seule solution où tout le monde est gagnant, contrairement au système actuel où la dualité et l’inégalité prime.

    … ainsi qu’une citation :

    Détruire l’État bourgeois pour le remplacer par l’État de la classe ouvrière et de ses alliés, ce n’est pas ajouter l’adjectif « démocratique » à chaque appareil d’État existant (…) c’est révolutionner dans leur structure, leur pratique et leur idéologie les appareils d’État existants, en supprimer certains, en créer d’autres, c’est transformer les formes de la division du travail entre les appareils répressifs, politiques et idéologiques (…) Pour Marx, les appareils d’État (sont) les appareils répressifs et idéologiques organiques d’une classe : la classe dominante.
    Louis Althusser, 22e congrès, p. 54.

    @ Franck Burgard (14 décembre 2008 à 13:44)

    Quand bien même le terme « anarchiste » soit désormais totalement diabolisé, …

    Subversif est un terme plus approprié de nos jours !

    SUBVERSIF : Qui renverse, détruit l’ordre établi; qui est susceptible de menacer les valeurs reçues.

    Grâce à la nouvelle économie, fondée sur l’informatique, l’information, l’informel, une élite mondiale (donc américanisée) viendrait de prendre le pouvoir : les Bobos, un mélange de « BOurgeoisie » et de « BOhème » débarrassés des visées réac de celle-là et des tendances subversives de celle-ci.
    Cette classe dirigeante tourne le dos aux combats menés au nom des vieilles valeurs pour voguer vers les compromis juteux. Elle marie les inconciliables de nos décennies passées, ne jure que par le « capital intellectuel » et l’« industrie culturelle ». Cette oligarchie à la mine avenante (conservateurs en blue jeans, pirates financiers éclairés…) fait l’objet d’une analyse drolatique de la part d’un journaliste américain sarcastique mais fier d’en être, David Brooks (…)
    Antoine Perraud, « Après les yuppies, les Bobos », dans Télérama, 17 juin 2000.

    @ ghostdog (14 décembre 2008 à 20:50)

    Merci pour le lien et son article « Gestion des ressources humaines et harcèlement généralisé » que je vais diffuser.

    @ Crystal (15 décembre 2008 à 01:43)

    Merci pour le livre « La décroissance ».

  6. Avatar de samedi
    samedi

    Peu avant de mourir, en 1943, Simone Weill avait esquissé, dans un texte magistral, L’enracinement, une Déclaration des devoirs envers l’être humain, destinée au Conseil national de la résistance. J’en reproduis les deux paragraphes sur la propriété, qui m’ont particulièrement marqué. C’est une conception à laquelle j’adhère assez.

    La propriété privée.

    La propriété privée est un besoin vital de l’âme. L’âme est isolée, perdue, si elle n’est pas dans un entourage d’objets qui soient pour elle comme un prolongement des membres du corps. Tout homme est invinciblement porté à s’approprier par la pensée tout ce dont il a fait longtemps et continuellement usage pour le travail, le plaisir ou les nécessités de la vie. Ainsi un jardinier, au bout d’un certain temps, sent que le jardin est à lui. Mais là où le sentiment d’appropriation ne coïncide pas avec la propriété juridique, l’homme est continuellement menacé d’arrachements très douloureux.

    Si la propriété privée est reconnue comme un besoin, cela implique pour tous la possibilité de posséder autre chose que les objets de consommation courante. Les modalités de ce besoin varient beaucoup selon les circonstances ; mais il est désirable que la plupart des gens soient propriétaires de leur logement et d’un peu de terre autour, et, quand il n’y a pas impossibilité technique, de leurs instruments de travail. La terre et le cheptel sont au nombre des instruments de travail du paysan.

    Le principe de la propriété privée est violé dans le cas d’une terre travaillée par des ouvriers agricoles et des domestiques de ferme aux ordres d’un régisseur, et possédée par des citadins qui en touchent les revenus. Car de tous ceux qui ont une relation avec cette terre, il n’y a personne qui, d’une manière ou d’une autre, n’y soit étranger. Elle est gaspillée, non du point de vue du blé, mais du point de vue de la satisfaction qu’elle pourrait fournir au besoin de propriété.

    Entre ce cas extrême et l’autre cas limite du paysan qui cultive avec sa famille la terre qu’il possède, il y a beaucoup d’intermédiaires où le besoin d’appropriation des hommes est plus ou moins méconnu.

    La propriété collective

    La participation aux biens collectifs, participation consistant non pas en jouissance matérielle, mais en un sentiment de propriété, est un besoin non moins important. Il s’agit d’un état d’esprit plutôt que d’une disposition juridique. Là où il y a véritablement une vie civique, chacun se sent personnellement propriétaire des monuments publics, des jardins, de la magnificence déployée dans les cérémonies, et le luxe que presque tous les êtres humains désirent est ainsi accordé même aux plus pauvres. Mais ce n’est pas seulement l’État qui doit fournir cette satisfaction, c’est toute espèce de collectivité.

    Une grande usine moderne constitue un gaspillage en ce qui concerne le besoin de propriété. Ni les ouvriers, ni le directeur qui est aux gages d’un conseil d’administration, ni les membres du conseil qui ne la voient jamais, ni les actionnaires qui en ignorent l’existence, ne peuvent trouver en elle la moindre satisfaction à ce besoin.

    Quand les modalités d’échange et d’acquisition entraînent le gaspillage des nourritures matérielles et morales, elles sont à transformer.

    Il n’y a aucune liaison de nature entre la propriété et l’argent. La liaison établie aujourd’hui est seulement le fait d’un système qui a concentré sur l’argent la force de tous les mobiles possibles. Ce système étant malsain, il faut opérer la dissociation inverse.

    Le vrai critérium, pour la propriété, est qu’elle est légitime pour autant qu’elle est réelle. Ou plus exactement, les lois concernant la propriété sont d’autant meilleurs qu’elles tirent mieux parti des possibilités enfermées dans les biens de ce monde pour la satisfaction du besoin de propriété commun à tous les hommes.

    Par conséquent, les modalités actuelles d’acquisition et de possession doivent être transformées au nom du principe de propriété. Toute espèce de possession qui ne satisfait chez personne le besoin de propriété privée ou collective peut raisonnablement être regardée comme nulle.

    Cela ne signifie pas qu’il faille la transférer à l’État, mais plutôt essayer d’en faire une propriété véritable.

    Il me semble qu’il y a une base ferme contre la spéculation dan ce principe : qu’il s’agisse de biens immobiliers ou d’outils de production, la propriété ne devrait en être accordée qu’à ceux qui en font usage. S’agissant des seconds, il me parait évident qu’il y a nécessité d’adapter fortement le mécanisme du crédit – public. Où le besoin d’organisation libertaire rejoint la nécessité d’un État… démocratique, cela va sans dire.

  7. Avatar de scaringella
    scaringella

    Merci Samedi pour le texte de Weil.
    On pourrait ajouter que la propriété concerne aussi le pouvoir, dont on voit bien actuellement que les notables l’ont et que les millions qui votent ne l’ont pas. Les strates de l’Europe confisque le pouvoir qui n’est plus collectif car plus du tout individuel, c’est à dire que voter ne change rien. Donc nul et illégitime comme le dit Weil. Les strates d’un gouvernement mondial que souhaite Mr Attali dans un billet voisin éloignera les milliards d’esclaves d’un pouvoir confisqué par les notables encore plus qu’aujourd’hui.

    Les gains d’échelle de l’économie mondialisée actuelle sont un dogme. Toute les interfaces qui sont supprimées sont en fait du travail en moins pour tout le monde, de l’échange en moins, donc du commerce en moins, de la richesse en moins, du bien-être en moins pour chaque être humain, de la dignité en moins aussi. La preuve en est que la richesse se concentre dans toujours moins de mains. Les tenants d’une organisation du monde centralisée ne semblent pas conscients qu’en supprimant toujours plus d’interfaces de travail ou de pouvoir réellement possédées par chaque humain il suppriment aussi les relations humaines et favorisent la encore la transformation des humains en loups les uns pour les autres. Quand les humains ne sont plus pairs, ils sont étrangers et s’entretuent.

    Revenir à une dimension humaine génerera des frais? Et alors, ces frais seront des salaires, du travail etc. Si chaque fabricant de jouets chinaois était obligé par la loi d’avoir une usine de fabrication dans chaque pays ou il exporte, et pas seulement un service commercial sous-traité, il ne serait plus nécessaire à personne de tirer les salaires vers le bas. C’est dáilleurs ce qu’exigent les chinois de nos industriels. Et si ils ne veulent pas vendre dans certains pays celà laissera de la place à d’autre. Evidemment celà ne plait pas à ceux qui empochent les 30% de bénéfice sur le dos des esclaves chinois indiens et autres.

  8. Avatar de Candide
    Candide

    @ Samedi,

    La propriété privée est un besoin vital de l’âme. L’âme est isolée, perdue, si elle n’est pas dans un entourage d’objets qui soient pour elle comme un prolongement des membres du corps.

    … Les modalités de ce besoin varient beaucoup selon les circonstances ; mais il est désirable que la plupart des gens soient propriétaires de leur logement et d’un peu de terre autour …

    J’irai plus loin – et surtout de façon plus précise et un petit peu moins métaphysique – en affirmant comme axiome capital que le besoin de propriété privée découle directement de notre instinct fondamental de conservation, en ce que ce besoin nous permet (quand il est satisfait) de nous créer un véritable espace vital*, c’est-à-dire un espace voulu comme sanctuarisé et propre à garantir notre survie en nous mettant à l’abri des dangers extérieurs.

    L’humanité s’étant quelque peu affranchie de son organisation tribale primitivement indispensable à mesure qu’elle maîtrisait davantage son environnement, et donc les risques extérieurs vitaux inhérents à celui-ci, l’individu a peu à peu pris le pas sur le groupe et les besoins de propriété se sont individualisés. Exit la caverne commune avec le feu, place à la maison individuelle ou à l’appartement.

    Il convient de noter que le besoin de propriété privée fondamental, qui concerne effectivement le logement, est actuellement de plus en plus difficile à satisfaire pour les plus pauvres, ce qui a des répercussions gravissimes non seulement au niveau pratique, mais aussi au niveau psychologique (cet instinct relevant de l’inconscient) car cette difficulté à (ou impossibilité de) se loger précarise totalement ceux qui y sont confrontés en les empêchant de créer ce sanctuaire intime minimum dont tout un chacun à besoin. Des exemples types de cette situation sont les SDF, qui voient leur identité même entamée par leur état, ainsi que les réfugiés et autres « personnes déplacées », toutes ces personnes emportant souvent avec elles quelques objets (« pénates » modernes) qui leur permettent précisément, là où elles échouent, de se recréer une illusion de « chez soi ».

    Mais là j’empiète, bien maladroitement, sur les plates-bandes anthropologiques de Paul, aussi ne me risquerai-je pas à aller plus loin de peur de me faire taper sur les doigts… 😉

    * Merci de ne voir dans cette expression aucune connotation mais seulement son sens propre.

  9. Avatar de benoit
    benoit

    Ne serait-il pas temps d’inviter Pierre Rahbi sur ce Blog ?

  10. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ benoit

    Qu’est ce que vivre ?

    Il ne faut pas s’accrocher aux alternatives en se disant qu’elles vont changer la société. La société changera quand la morale et l’éthique investiront notre réflexion. Chacun doit travailler en profondeur pour parvenir à un certain niveau de responsabilité et de conscience et surtout à cette dimension sacrée qui nous fait regarder la vie comme un don magnifique à préserver. Il s’agit d’un état d’une nature simple : J’appartiens au mystère de la vie et rien ne me sépare de rien. Je suis relié, conscient et heureux de l’être.

    C’est là que se pose la question fondamentale : qu’est-ce que vivre ? Nous avons choisi la frénésie comme mode d’existence et nous inventons des machines pour nous la rendre supportable. Le temps-argent, le temps-production, le temps sportif où l’on est prêt à faire exploser son cœur et ses poumons pour un centième de seconde… tout cela est bien étrange. Tandis que nous nous battons avec le temps qui passe, celui qu’il faut gagner, nos véhicules, nos avions, nos ordinateurs nous font oublier que ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons. Nos cadences cardiaques et respiratoires devraient nous rappeler à chaque seconde que nous sommes réglés sur le rythme de l’univers.

    L’intelligence collective existe-t-elle vraiment ? Je l’ignore mais je tiens pour ma part à me relier sur ce qui me parait moins déterminé par la subjectivité et la peur, à savoir l’intelligence universelle. Cette intelligence qui ne semble pas chargée des tourments de l’humanité, cette intelligence qui régit à la fois le macrocosme et le microcosme et que je pressens dans la moindre petite graine de plante, comme dans les grands processus et manifestations de la vie. Face à l’immensité de ce mystère, j’ai tendance à croire que notre raison d’être est l’enchantement. La finalité humaine n’est pas de produire pour consommer, de consommer pour produire ou de tourner comme le rouage d’une machine infernale jusqu’à l’usure totale. C’est pourtant à cela que nous réduit cette stupide civilisation où l’argent prime sur tout mais ne peut offrir que le plaisir. Des milliards d’euros sont impuissants à nous donner la joie, ce bien immatériel que nous recherchons tous, consciemment ou non, car il représente le bien suprême, à savoir la pleine satisfaction d’exister.

    Si nous arrivions à cet enchantement, nous créerions une symphonie et une vibration générales. Croyants ou non, bouddhistes, chrétiens, musulmans, juifs et autres, nous y trouverions tous notre compte et nous aurions aboli les clivages pour l’unité suprême à laquelle l’intelligence nous invite. Prétendre que l’on génère l’enchantement serait vaniteux. En revanche, il faut se mettre dans une attitude de réceptivité, recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation. Ne serait-ce pas là la plénitude de la vie ?

    Par Pierre Rabhi, le jeudi 10 mai 2007.

    Source : Le blog de Pierre Rabhi

  11. Avatar de fnur
    fnur

    c’est bizarre on appelé au témoignage sur ce billet, je l’ai fait en témoignant de ce que j’ai vu, ç’est transparent dans les coms ça n’évoque rien.

    Bien, on fustige le système, l’économie, l’industrie, sauf qu’on ne les effacera pas comme ça. Imaginez donc qu’on arrête cette horrible industrie, que se passerait il là tout de suite ? Un cadre de l’automobile présente un état des lieux, on arrive sur Rhabi, le besoin vital de l’âme, Simone Weill… Moi je veux bien, mais je suis bas de plafond et je vois ce qu’est l’industrie, les cadres soumis par leur scolarité, par leur manque de curiosité artistique et sociale, des premiers de la classe propres sur eux castrés de suffisance et d’excellence, sans une mèche de travers, pour les plus audacieux quelques poses, des communiants, le clone du désir des parents, des petits soldats studieux qui se sont crus hors champ et se font ridiculiser à leur tour tout en se débinant dès qu’il y a du contact. Alors ces vocalises humanistes, ça me fait douter. Ce qui peut fonctionner c’est pas ça cette sorte de désincarnation qui fuit le réel, des vapeurs, mais la stratégie, la lutte au corps à corps des règles sociales et juridiques. Résister c’est créer, c’est pas bêler en croyant changer un peu les choses.

  12. Avatar de benoit
    benoit

    Merci Patrick pour le beau texte de Pierre Rabhi.

    Avec la crise mondiale qui arrive comme un tsunami, je pense souvent a lui et m’etonne qu’on n’entende pas parler de lui. Je pense au travail remarquable que cet homme modeste a accompli en Afrique, au Burkina-fasso entre autres. je me demande si l’humanite a genoux ne va pas etre « contrainte » d’adopter les solutions qu’il preconise (sans meme le connaitre ?) au bout de la Grande Depression qui commence : une famille peut se nourrir et vivre en bonne intelligence avec la nature avec un hectare de terre. Un seul !
    J’ai eu la chance de le croiser a plusieurs reprises, de lui confier mon fils de 14 ans a l’epoque pour faire un stage de 15 jours chez lui en Ardeche conduit par sa fille Sophie.
    Il y a des hommes formidables sur terre, quand meme !

    Comment en sommes-nous arrives a etre depossedes a ce point de ce qui nous est essentiel, et meme de nos Sages ?
    Dans quel monde vivons-nous ?
    Sommes-nous deja arrives en enfer ?
    Benoit.

  13. Avatar de thomas

    Ce sujet me rappelle une phrase de Saint Ex , de mémoire :

    « La vérité de l’homme fut un temps de batir, elle est aujourd’hui d’habiter. »

    (d’ailleurs, si quelqu’un se rappelle dans quel livre, ça m’interresse, trois jours que j’épluche ma pléiade sans succès)

  14. Avatar de le modéré retraité
    le modéré retraité

    @ fnur & Paul Jorion

    Résister n’est pas créer !
    http://leweb2zero.tv/video/docmorzy_15453c7dbb1b078

    YI-KING – 33. TOUEN / LA RETRAITE

    K\’IEN (LE CRÉATEUR, LE CIEL) en haut.
    KEN (L\’IMMOBILISATION, LA MONTAGNE) en bas.

    La puissance de l\’ombre est conçue comme ascendante. La lumière se retire devant elle pour se mettre en sûreté, de sorte que l\’obscurité n\’a pas de prise sur elle. Il ne s\’agit pas, dans la retraite, d\’une action qui relève de la volonté humaine, mais d\’une loi naturelle. C\’est pourquoi se retirer constitue, dans ce cas, la façon correcte d\’agir, qui n\’use pas les forces (*).

    LE JUGEMENT :

    LA RETRAITE. Succés.
    Dans les petites choses la persévérance est avantageuse.

    La situation est telle que les forces hostiles avancent, favorisées par l\’époque. Dans ce cas la retraite est l\’attitude correcte, et c\’est précisément par elle que l\’on parvient au succès. Celui-ci consiste en ce que l\’on peut se retirer de la façon correcte. La retraite ne doit pas être confondue avec la fuite qui est un simple sauve-qui-peut. La retraite est un signe de force. On ne doit pas laisser passer le bon moment tant qu\’on demeure en possession de sa force et de sa position. On sait alors interpréter en temps voulu les signes de l\’époque et se préparer à une retraite provisoire au lieu d\’engager un combat désespéré à la vie ou à la mort. Ainsi l\’on n\’abandonne pas purement et simplement le champ de bataille à l\’adversaire, mais on lui rend l\’avance difficile en manifestant encore de la résistance en des points isolés. De cette manière on prépare déjà la contre-offensive dans la retraite. Comprendre la loi d\’une telle retraite active n\’est pas aisé. La signification que recèle un tel moment est importante.

    L\’IMAGE :

    Sous le ciel est la montagne image de la RETRAITE.
    Ainsi l\’homme noble tient le vulgaire à distance, sans colère mais avec mesure.

    La montagne se dresse sous le ciel, mais il est dans sa nature de finir par s\’arrêter. Par contre le ciel se retire vers le haut devant elle, de sorte qu\’il demeure hors d\’atteinte. C\’est l\’image de la manière dont l\’homme noble se conduit à l\’égard de l\’homme vulgaire qui s\’élève. Il se retire devant lui et se recueille en lui-même. II ne le hait pas, car la haine est une sorte de participation par laquelle on se lie à l\’objet haï. L\’homme noble manifeste de la force (le ciel) en contraignant l\’homme vulgaire à l\’immobilité (la montagne) par sa réserve.

    (*) La pensée exprimée dans cet hexagramme évoque la parole de Jésus : « Et moi, je vous dis de ne pas résister au mal ». (Mathieu V, 39.)

  15. Avatar de le retraité modéré
    le retraité modéré

    @ fnur

    Résister n’est pas créer !
    le web 2 zero point tv/video/docmorzy_15453c7dbb1b078

    YI-KING – 33. TOUEN / LA RETRAITE

    K’IEN (LE CRÉATEUR, LE CIEL) en haut.
    KEN (L’IMMOBILISATION, LA MONTAGNE) en bas.

    La puissance de l’ombre est conçue comme ascendante. La lumière se retire devant elle pour se mettre en sûreté, de sorte que l’obscurité n’a pas de prise sur elle. Il ne s’agit pas, dans la retraite, d’une action qui relève de la volonté humaine, mais d’une loi naturelle. C’est pourquoi se retirer constitue, dans ce cas, la façon correcte d’agir, qui n’use pas les forces (*).

    LE JUGEMENT :

    LA RETRAITE. Succés.
    Dans les petites choses la persévérance est avantageuse.

    La situation est telle que les forces hostiles avancent, favorisées par l’époque. Dans ce cas la retraite est l’attitude correcte, et c’est précisément par elle que l’on parvient au succès. Celui-ci consiste en ce que l’on peut se retirer de la façon correcte. La retraite ne doit pas être confondue avec la fuite qui est un simple sauve-qui-peut. La retraite est un signe de force. On ne doit pas laisser passer le bon moment tant qu’on demeure en possession de sa force et de sa position. On sait alors interpréter en temps voulu les signes de l’époque et se préparer à une retraite provisoire au lieu d’engager un combat désespéré à la vie ou à la mort. Ainsi l’on n’abandonne pas purement et simplement le champ de bataille à l’adversaire, mais on lui rend l’avance difficile en manifestant encore de la résistance en des points isolés. De cette manière on prépare déjà la contre-offensive dans la retraite. Comprendre la loi d’une telle retraite active n’est pas aisé. La signification que recèle un tel moment est importante.

    L’IMAGE :

    Sous le ciel est la montagne image de la RETRAITE.
    Ainsi l’homme noble tient le vulgaire à distance, sans colère mais avec mesure.

    La montagne se dresse sous le ciel, mais il est dans sa nature de finir par s’arrêter. Par contre le ciel se retire vers le haut devant elle, de sorte qu’il demeure hors d’atteinte. C’est l’image de la manière dont l’homme noble se conduit à l’égard de l’homme vulgaire qui s’élève. Il se retire devant lui et se recueille en lui-même. II ne le hait pas, car la haine est une sorte de participation par laquelle on se lie à l’objet haï. L’homme noble manifeste de la force (le ciel) en contraignant l’homme vulgaire à l’immobilité (la montagne) par sa réserve.

    (*) La pensée exprimée dans cet hexagramme évoque la parole de Jésus : « Et moi, je vous dis de ne pas résister au mal ». (Mathieu V, 39.)

  16. Avatar de thomas

    Money time et après :

    « Ce n’est pas en perfectionnant l’allumette qu’on a découvert l’électricité »

  17. Avatar de samedi
    samedi

    @ fnur, @ Fab, @ tous,

    J’avais lu votre témoignage, fnur (je vous ai oublié dans les remerciements). Les commenter, rebondir dessus ? Quoi dire ? Je suis d’accord, ou ça ne me surprend pas. Continuons à faire la liste, et aussi et surtout à développer l’analyse, je suis sûr qu’il y a un besoin vital d’information. Le premier effet, comme l’ont dit plusieurs d’entre nous, et comme je le dis aussi, est de se sentir moins seul et de vérifier ce qu’on présentait : ces abus et cette absurdité sont une tendance générale. Si on compare l’état des lieux au volume des témoignages publics des cadres et aux considérations habituelles du débat politique, on voit un gouffre qui sent le « plus c’est gros, plus ça passe ».

    Ce n’est certainement pas non pour catapulter le débat dans une voie désespérante que j’ai écrit ce billet.

    L’une d’entre elles consiste en gros à dire : « l’homme est mauvais, il faut changer sa nature, sans quoi « on » n’arrivera à rien ». A ceux et celles qui abordent ainsi la politique, je réponds que non seulement ils perdent leurs temps et font perdre le leur à d’autres, mais que cette approche, bien que généralement animée de belles intentions, ne peut pas être humaniste car elle est contraire à l’éthique. Les intéressé(e)s ne parlent généralement pas de changer la « nature » humaine mais de changer la culture des hommes. Seulement, cela revient au même lorsqu’ils font de ce changement une condition préalable. Car cela revient à considérer que la culture fait les institutions mais à oublier qu’en retour, les institutions font la culture.

    Une autre manière consiste à conclure que, parce qu’un système est (devenu) globalement absurde, complètement verrouillé et emporté mécaniquement dans une course effrénée, alors il faut en changer chacune de ses composantes, du moins un très grand nombre. C’est un autre geste de désespoir, qui vient non pas tant de la lassitude de devoir réfléchir sur des systèmes complexes mais plutôt de la lassitude d’avoir affaire à un rouleau compresseur, qui ajoute à la complexité une complexification et une vitesse grandissantes.

    Un système totalitaire présente ces caractéristiques ; il a une capacité hallucinante de maintien dans l’absurde et même l’inefficace, et à la longue il fait des humains des monstres ; mais il suffit qu’il soit atteint au coeur et voilà qu’il se révèle d’une fragilité inouïe et que le bon sens revient, du moins cette espèce de foi subie en l’idéologie se brise comme un rien. Une autre caractéristique forte des sociétés totalitaires, c’est d’exacerber l’atomisation des individus, laquelle implique leur isolement, donc leur impuissance, leur incapacité à s’unir pour faire changer les choses mais même à concevoir chacun le changement. Une conséquence inévitable en est que des millions d’individus, lorsqu’ils ne se réfugient pas dans des visions féériques, s’acharnent, chacun dans son coin, sur des millions de symptômes, changeant d’ailleurs régulièrement de priorités en termes de cibles et de préoccupations. Regardez le bal politique au présent, et voyez si un tel symptôme n’apparait pas de manière éclatante. Ceux-là sont pris dans une (autre) tendance schizophrénique, qui consiste à prendre alternativement tel symptôme pour une cause en oubliant qu’ils viennent de la concevoir comme une conséquence d’un autre phénomène.

    Ce n’est donc pas pour dire qu’il s’agit d’effacer en bloc toute « cette horrible industrie » et encore moins qu’il faut tout changer en ce bas monde que j’ai écrit cette esquisse de tableau.

    J’ai évidemment beaucoup de respect et d’intérêt pour les expériences de vie authentiques. Et, pour parler en termes pas très poétiques, je rêve d’une économie relocalisée et autogérée, comme j’aspire à voir un pays tout entier faire une expérience de démocratie radicale.

    Même si je l’ai écrit rapidement car je souhaitais m’étendre plutôt sur le reste, notamment pour inviter à témoigner, j’ai évoqué les clefs du problème telle que je les vois. En un mot, elles résident dans les institutions. Maintenant, il ne faut pas se leurrer : l’accès aux institutions, je veux dire à leur changement, est lui-même hautement verrouillé. J’ai parlé de changer les institutions pour faire évoluer la culture, mais évidemment les premières n’ont jamais été très accessibles.

    Un problème qui se pose est celui de savoir comment donner l’exemple. Car si on peut agir pour changer la culture il n’y a que par l’exemple qu’on peut le faire.

    S’il s’agit de condamner une industrie donnée, un produit donné, la suggestion de Scaringella – quittez l’industrie – a son intérêt…, au sens de l’action collective je veux dire ; au présent, je vais en voiture pour concevoir des pièces de voitures, et j’utilise ma voiture aussi et surtout pour aller chercher ma fille les WE… Mais ce n’est pas une réponse au sens où l’industrie dans son ensemble est affectée. Prenez le PC de Sacringella, sa connexion internet, … Elle-même n’a manifestement pas l’intention de dire : effaçons en bloc toute « cette horrible industrie ».

    Les « vocalises humanistes » m’intéressent peu, et écrire pour écrire ne m’intéresse pas (Fab a écrit : « tous mes voeux vous accompagnent si vous vous lancez dans cette croisade…je jette l’éponge ! Je pensais avoir trouvé un nouveau messie…mais il préfère faire l’écrivain ! ») Je ne vois pas bien, pourtant, surtout dans le cadre d’un blog, ce qu’il s’agit de faire d’autre que de témoigner, d’analyser, …

    J’ai cité Simone Weill – non pas scandé son nom – et j’ai même traduit à ma manière un message important de son propos, parce qu’il indique une voie concrète et efficace, bien que radicale : interdisons – ne garantissons plus – toute forme de propriété non réelle, dont on ne fait pas usage. Plus d’actionnariat, plus de tyrannie de l’actionnaire invisible gagnant du pognon en dormant ; plus de spéculation ; une propriété d’usage intégrale pour les travailleurs de l’entreprise : celle des locaux, partagée ; celle de mon PC de travail, à moi tant que je suis dans la boite et que je m’en sers. C’est une condition nécessaire et suffisante à une réelle démocratie dans l’entreprise. Etc… Je n’appelle pas ça une « désincarnation qui fuit le réel, des vapeurs ». Par contre, c’est une proposition radicale.

    Il y en a d’autres. Je pense en particulier à une refondation de la fiscalité sur les entreprises qui pondèrerait l’ensemble des impôts en fonction soit des inégalités de rémunérations individuelles que l’entreprise met en jeu, y compris dans la chaine des sous-traitants, soit en proportion de la part des dividendes dans les bénéfices nets. Je pense que les deux critères se rejoignent. C’est une idée personnelle, qui me parait intéressante à bien des égards – tenez, Paul, pour la « constitution pour l’économie » (je tâcherai d’en exposer un de ces jours les tenants et multiples aboutissants)

    Mais il y a des choses bien plus classiques, qui ont déjà été appliquées, qui suffiraient nettement pour s’opposer à « la démesure actionnariale », pour reprendre le mot de Frédéric Lordon (dans sa proposition de SLAM). Seulement, dans un univers de libre circulation inconditionnelle des capitaux, pour ne citer que la première des règles morbides qui ont cours au présent, on ne fera rien.

    Le propos de S. Weill commence par poser « un besoin vital de l’âme ». Et alors ? Il s’agit d’énoncer un droit fondamental. Dans un état de droit qui n’est pas dévoyé et réduit à l’état de trompe l’œil, un droit fondamental ça se garantit. Prenez le Préambule de 1946 : en France, les travailleurs sont censés co-gérer leurs entreprises. Un principe que la Libération a apporté aussi en Italie et en Allemagne. Tout ça n’est plus que du vent dans le régime actuel, notamment depuis que la constitution a été mise au conditionnel dans le cadre de l’UE. Cela ne veut pas dire que la situation était rose avant. Mais cela ne veut pas non plus dire qu’il faut jeter nos droits pour commencer à réfléchir comment rebâtir, non ?

  18. Avatar de fnur
    fnur

    Retraité modéré,

    Je ne suis pas insensible à vos allégories puisque ayant pratiqué pas mal le judo, un peu le shintaido, le tai chi et l’aikido de Tsuda. De surcroit ayant fréquenté une chinoise pratiquante de la calligraphie et de l’épée. Toutes explorations ne m’empêchant pas de me reconnaitre comme assez malhabile en affaires courantes, ce qui est consternant. C’est à dire que probablement indécrotablement occidental de par ma culture je considère nonobstant que bien des chemins mènent à Rome ou Pékin.

    Pour en revenir à votre message, il est bien sûr à considérer qu’une forme de latitude pouvant paraitre abandonniste est nécessaire dans ces dites affaires du moment qui dépendent de si petites choses qu’on pourrait appeler des noeuds.

    En fait qu’est ce que la résistance ? Sans vouloir trop conceptualiser. Résister ante post ou ex post, prendre le recul pour mieux avancer, n’est ce pas la une des formes de la résistance non obtue ? Un Machiavélisme tempéré.

  19. Avatar de Candide
    Candide

    Tiens, je vais pousser un petit coup de gueule…

    Voici un extrait d’une interview reproduite sur Boursorama (site que je consulte de temps à autre pour obtenir des infos générales sur l’« ambiance » actuelle) :

    (Newsmanagers.com) – Pour Robert Rochefort, directeur du Crédoc, les attentes des particuliers en matière de produits financiers vont changer. Mais le véritable enjeu est de savoir si les ménages finiront par douter de la puissance et la solidité financière de la puissance publique, provoquant, ainsi, une nouvelle crise.

    Newsmanagers.com : Qu’est-ce que la crise va changer dans le comportement financier des ménages ?

    Robert Rochefort : C’est une évidence mais incontournable : la crise a débouché sur une hantise, une aversion au risque totale. Lorsque la crise s’apaisera, les ménages vont donc rechercher des placements sans risque.

    Je les vois mal se précipiter sur une Sicav indexée sur le CAC 40 sauf à ce qu’elle soit assortie de paliers verrouillant le capital acquis. Et encore. Car ce type de sécurité obère une partie de la performance. La sécurité du capital a son prix.

    On peut, en revanche, assister à une remontée de l’obligataire. Au final, ce sont les pouvoirs publics qui orienteront les flux d’épargne avec une politique fiscale favorisant les secteurs qu’ils voudront renflouer en priorité.

    NM : Les actifs réels comme l’or, la terre, etc., vont-ils connaître un retour en grâce ?

    RR : Je ne crois pas. Les mouvements que l’on a enregistrés sur l’or, notamment sur le Napoléon, sont anecdotiques. C’est un peu comme le mouvement qui a poussé les gens à acheter des coffres-forts au pire de la crise, en octobre. Cela ne va pas durer.

    Pour autant, il y a un marché de niches pour les petits épargnants qui veulent détenir des biens concrets et pour les gros patrimoines en quête de diversification patrimoniale, mais le gros du marché de l’épargne n’est pas concerné par ce type de placements.

    (…)

    NM : Que va-t-il se passer pour la pierre résidentielle ?

    RR : La situation peut être résumée en quelques chiffres. Il y a un déficit chronique de 900.000 logements à quoi s’ajoutent 250.000 logements qu’il faut fournir, en plus, chaque année, pour loger les nouveaux ménages.

    Avec la crise, tous les projets immobiliers sont bloqués. Quand la situation s’améliorera, on va donc sortir de la crise avec une pénurie de plus de 1,2 millions de logements.

    Il y aura des tensions sur le marché, c’est inévitable. A terme, on pourrait même voir les pouvoirs publics passer des accords avec les collectivités territoriales pour préempter les terrains disponibles et y construire des unités d’habitation.

    (…)

    NM : Le taux d’épargne des ménages va-t-il augmenter ?

    RR : Deux attitudes sont possibles : soit les ménages puisent dans leur épargne pour maintenir leur niveau de vie. Soit, ils cèdent à une logique d’investissement et consomment davantage de produits financiers pour se prémunir.

    Dans ce cas, le taux d’épargne des ménages, actuellement de 14 %, pourrait remonter. Je ne sais laquelle de ces deux hypothèses prévaudra, peut-être la deuxième sur le moyen terme.

    NM : Quels sont les prochains facteurs de crise ?

    RR :Je pense qu’au départ, on a sous-estimé la crise et que, maintenant, on a tendance à la surestimer. Nous sommes minoritaires à penser cela, mais les stabilisateurs automatiques (dépenses sociales et publiques) et l’incroyable capacité des entreprises à s’adapter rapidement à la situation joueront favorablement. Les entreprises bâtissent, certes, des budgets d’austérité, mais elles sauront profiter de la moindre éclaircie économique.

    Le risque, car il y en a un, serait que les ménages n’aient plus confiance en l’Etat. Car ils observent la situation internationale et constatent que des centaines de milliards sortent de la poche des Etats. L’argent tombe du ciel. Le véritable enjeu est de savoir si ces ménages finiront par douter de la puissance et de la solidité financière de la puissance publique.

    Si cela se concrétise, une nouvelle crise se produira et elle sera sévère. Cela reviendrait à envisager qu’après les bulles des dernières années, la suivante qui pourrait éclater serait celle résultant de l’endettement excessif des Etats et de la perte de confiance dans la signature d’achat de quelques-uns d’entre eux puis pour d’autres par un effet de dominos.

    Les mots que j’ai mis en gras m’ont fait bondir intérieurement quand je les ai lus ! Tant que des individus comme celui-là – qui considèrent tout et n’importe quoi, même ce qui ne l’est pas, comme un banal « produit à consommer » – seront un tant soit peu aux commandes, on n’est pas près de reprendre le contrôle de notre monnaie, ni même de nos institutions, ni de mieux gérer les ressources de la planète ! Ce ne sont que des mots – totalement inappropriés lexicalement bien que soigneusement choisis pour préserver l’illusion technocratique – mais quelle distance ces simples mots peuvent mettre avec le réel et l’humain !!!

    Article complet : http://www.boursorama.com/opcvm/detail-actualite-opcvm.phtml?&news=6201790

  20. Avatar de le retraité modéré
    le retraité modéré

    @ fnur

    Certes, néanmoins lorsque l’on lit par exemple cela « Un marché transatlantique impérial » et que l’on analyse ce que cela implique réellement, la tempérance nous semble alors bien désuète !

  21. Avatar de Grégory
    Grégory

    Je passe juste et je tombe de ma chaise devant la qualité générale du post et des commentaires. Paul met chaque jour la barre très haut mais ses lecteurs ne sont pas non plus des p’tits flambys. Bravo!

  22. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    « …Les occidentaux dans leur ensemble se sont perchés dans une idéologie économique qui tient de la chimère….. Il ne s’agit pas de responsabilités individuelles, ce cauchemar absurde et sans fin est une mécanique de plus en plus implacable….. Il n’est certainement pas trop tôt. … La course à la productivité ne mène à rien, n’a pas de sens, et la productivité devrait être le cadet de nos soucis….. Alors oui, même très exposé, on en arrive à souhaiter que tout ça s’arrête…… Pensez vous que cette folie puisse cesser en douceur ?….. Qu’espère-t-on reconstruire ?….. Mais relancer quoi, quand presque tout est à reconstruire ?….. »
    Merci Samedi de cet exposé limpide. C’est une joie rare de lire ce qu’on aimerait pouvoir dire sans en être capable. Merci
    L’essentiel c’est “quoi produire”.
    La machine s’est emballée. N’accusons personne de piloter le bolide fou, ce serait inexact et prétentieux. Nous participons tous peu ou prou à ce mouvement sans frein depuis la fin des autarcies: la massification. Les normalisations en découlent, la mondialisation s’en nourrit, elle est inévitable.

    Préparons nous et préparons le stade suivant en définissant quoi produire.
    Produisons nous, le temps sera donné de surcroît, nous ne perdrons plus notre vie à la gagner.
    L’alternative à la mondialisation n’existe pas (sauf à prôner les nationalismes, communautarismes, et isolationnismes divers ). La planète a rétréci, elle se réduit de jour en jour, et d’heure en heure la massification gagne.

    L’alternative au capitalisme n’existe pas, tant que l’homme vit avec un néocortex, couvrant un cortex, couvrant un rhinencéphale, et que ces trois cerveaux ne sont guère en phase, tant que la pilule de soma n’a pas été mise en rayon. On peut seulement espérer les jeux de contre-pouvoirs, les règles de droits, et une vigueur et plasticité accrues des mécanismes d’homéostasie sociale.

    La science fiction n’est plus dans les livres, elle livre son expansion débridée sur tous les continents.
    Salariés de tous les pays, quittez vos patrons!

    Le salariat est l’une des dernières formes de l’esclavage, le capitalisme n’a pas besoin du salariat, il préfèrerait des tâcherons, des petits entrepreneurs individuels. Le capitalisme n’a pas besoin de pauvres, il a besoin de producteurs et de clients, et que les uns soient les autres.

    L’altermondialisation commence avec l’effacement des dettes des pays pauvres, il s’étend avec l’industrialisation du tiers monde, avec l’enrichissement des zones défavorisées, avec la fluidification des commerces en tous genres, y compris celui des idées.

    Ca se fait. Reagan, Thatcher et leurs successeurs n’y sont que des acteurs sans grande influence sur le scénario. Ca se fait.
    Alors la crise, le clash, le Krach, le big collapse ? « Pensez vous que cette folie puisse cesser en douceur » ?
    Non, (la douceur c’est lent) et oui (tout dépend de l’échelle de temps), je crois que la mutation peut s’opérer dans la douleur mais en peu de temps (quelques années, décennies…) dont les premiers spasmes font notre actualité.
    Ca accouche en ce moment, les contractions vont s’accélérer. Mais il est presque certain que le mouvement de sac et de ressac devra comporter un renflouement par ci, une pseudo régulation par là.
    Toutefois le « vert » est dans le fruit, j’entends par là cette reconnaissance des interdépendances et des individualités, ici comme ailleurs, qui gagne.
    Que faire pour l’accélérer ? En parler, l’illustrer, le vivre, le rêver, le semer et le « badigeonner », chacun selon ses gouts ses possibilités, sans culpabilité, sans espoir immodéré.
    Dans le quotidien, le local, la cuisine et le potager.
    Dans les parenthèses comme celle ci où l’on blogue entre nous.
    Dans les divers lieux où l’on vit, les institutions où l’on agit.
    Bien être conscient de l’inanité des liens qui nous lient aux biens pour quoi l’on vit. Définir les liens qui nous sembleraient sains (comme le fit Simone Weill) et ne pas craindre de les évoquer de les invoquer de les poser en contradiction aux fausses évidences……

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