Darwinisme, concurrence et truffes du Périgord, par Dissonance

Billet invité.

DARWINISME, CONCURRENCE ET TRUFFES DU PERIGORD

Le travers darwiniste.

Il est amusant de constater à quel point la démocratisation de l’éducation conduit à la démocratisation des idées reçues. Et en la matière, le darwinisme, encore appelé évolutionnisme, en porte une part non négligeable. Ainsi donc, contrairement à une croyance fortement répandue, il n’existe pas une unique manière d’envisager le darwinisme, mais bel et bien deux. La première de ces conceptions sera qualifiée de vaniteuse: Par le jeu des mots et de leur sens, nous, humains, étant parmi les plus récentes espèces apparues, nous avons eu beau jeu de nous qualifier d’espèce la plus évoluée. Voilà qui est flatteur, et sans doute vrai dans une certaine mesure, mais ceci induit un biais fort peu appréciable au raisonnement.

L’autre, antagoniste, est la conception humble. Et voici comment elle apparaît. Succinctement, si l’on souhaite faire une représentation graphique de l’évolution selon Darwin, on dessine un arbre, ni plus, ni moins. C’est une analogie commode qui représente bien les choses. Or, dans cette représentation on peut concevoir l’humanité comme l’un des bourgeons perché sur l’une des plus fines branches de la cime. Cette simple représentation met en relief une chose, à savoir que les plus récentes pousses soient aussi les plus fragiles, car les moins solides et les plus exposées, tandis que le tronc et ses toutes premières ramifications soient robustes, car bénéficiant de couches de matière superposées les unes aux autres au cours du temps (les cernes).

Remettant l’analogie dans un cadre homo-humain, la représentation de l’arbre est également utilisée dans cette discipline qu’on nomme généalogie. Et que peut-on déduire de cette dernière, si ce n’est ces deux choses : D’une part, effectivement, les plus jeunes générations sont celles qui portent sans doute un potentiel supérieur à celui de leurs aînés. Mais d’autre part, ces derniers ont pour eux ce qu’on appelle l’expérience de vie. En matière d’évolutionnisme, les choses sont semblables. Les mammifères en général, et les humains en particulier sont, comme les enfants d’une dynastie, ceux qui portent en eux le potentiel le plus étoffé, mais ce sont également les plus fragiles, tandis que leurs ainés, (des organismes primitifs de type unicellulaire par exemple), ont à leur actif le bénéfice de l’âge, la longévité, et donc l’expérience associée. Ainsi donc, on peut estimer que les plus aptes à la survie ne soient pas nécessairement ceux que l’on pense. On pourrait pousser ce raisonnement à son terme en rappelant l’histoire des dinosaures et de leur extinction, mais ce serait s’éloigner quelque peu du fond du propos et cela ne semble pas nécessaire.

La nature n’est pas si hostile qu’on croit.

Une seconde idée reçue, fortement chevillée aux esprits, est que la nature fonctionne selon le seul principe d’une concurrence acharnée. Pour rappel, la concurrence est à peu de choses près synonyme de compétition, ce qui implique une relation gagnant-perdant(s). Cependant, là aussi il existe une antithèse, que nos « darwiniens aînés » unicellulaires nous ont transmis, à tel point que l’essentiel de la faune bénéficie de cet héritage. Il s’agit du phénomène de symbiose.

Les cellules composant le règne animal ont ceci de remarquable que leur source d’énergie n’est pas à proprement parlé de leur seul fait. Un « intrus » s’est voici bien longtemps immiscé dans ce nid douillet. Une bactérie. Aujourd’hui, cette entité est connue sous le nom de mitochondrie. Cette protobactérie était à l’origine un organisme unicellulaire vivant indépendamment de tout autre organisme, comme nombre de ses congénères encore observables aujourd’hui. Désormais, celle-ci existe à l’intérieur des cellules animales et constitue littéralement la centrale énergétique de ces structures fondamentales. Moyennant la conversion des sucres tels qu’ils sont produits par les végétaux dans une forme utilisable par un organisme animal, notamment par ses muscles, la mitochondrie bénéficie de la protection de la membrane cellulaire, l’organisme entier étant par ailleurs « programmé » pour la nourrir.

Cette relation « gagnant-gagnant » (à mettre en opposition avec la relation concurrentielle précédemment définie) est l’un des exemples les plus spectaculaires du phénomène symbiotique, car très largement répandu, puisqu’il conditionne à lui seul l’existence de milliers (millions ?) d’autres espèces vivantes.

L’or noir du Périgord.

A l’instar de cette chère bactérie, bien d’autres organismes « aînés » mettent en œuvre ce type de relation de commun accord avec un autre organisme vivant, à différents degrés. On cite à titre d’exemple les lichens, associations d’algues et de champignons. Et de même, nos bonnes vieilles truffes du Périgord. Comme de nombreux autres champignons, les truffes s’associent aux végétaux environnants par le biais de leurs mycorhizes, leur apportant sucres, vitamines et mêmes hormones, tandis qu’elles absorbent une partie des matières premières drainées par les racines du végétal.

En conclusion, que déduire de tout cela ? Sans doute pas grand chose, si ce n’est que le principe de concurrence n’est pas une fatalité. Des organismes parmi les plus pérennes du monde vivant, merveilles de l’évolution darwinienne, démontrent à toute personne se donnant la peine de les observer qu’un autre type d’interaction que celle de la compétition, une voie mutuellement bénéfique, existe. On peut également en conclure que les truffes, c’est vraiment le top du top. 🙂

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48 réponses à “Darwinisme, concurrence et truffes du Périgord, par Dissonance”

  1. Avatar de Marc Peltier
    Marc Peltier

    Dès la formulation de ses concepts, Darwin a suscité des tentatives de récupération « morales », dans des sens divers.

    La théorie synthétique de l’évolution, son héritière, prend en compte l’existence des gènes. C’est plutôt à elle qu’il convient de se référer, pour éviter les questions déjà dépassées.

    La sélection naturelle ne porte ni sur les individus, ni sur les espèces, mais sur les gènes. Et ce qui est sélectionné, ce n’est pas la compétitivité d’un caractère supposé codé par un gène, c’est seulement l’aptitude de ce gène, associé à d’autres dans un génome, à passer à la génération suivante.

    Un gène, c’est une entité qui tend simplement à être immortelle, c’est là à la fois sa définition et sa dynamique.

    Bien sûr, pour ce faire, il vaut mieux qu’elle code un caractère utile à l’être vivant qui transmettra le génome, mais pas nécessairement : Il existe des gènes qui vous font mourir du cancer de la prostate, ou du sein. S’ils sont toujours là, dans nos génomes, c’est qu’ils confèrent aux individus jeunes un petit avantage pour la reproduction, et pour ces gènes, il n’y a que ça qui compte…

    (Je ne fais ici que résumer ce que Richard Dawkins développe dans son livre « Le gène égoïste », ed. Odile Jacob, coll. Opus)

    On le voit bien, cette façon de présenter les choses limite considérablement les possibilités d’y voir un sens, une orientation quelconque, ou un ordre naturel.

    L’évaluation des stratégies de coopération ou de compétition relèvent du niveau social, et, à mon avis, ce niveau est séparé de celui des gènes par plusieurs émergences (la macro-molécule, l’organite cellulaire, la cellule, l’organe, l’organisme, le groupe social, etc…), ce qui rend abusive la référence au niveau le plus élémentaire pour expliquer le niveau social. Les phénomènes d’émergence constituent, en pratique, une limitation au réductionnisme.

    Un concept plus pertinent, à ce niveau social, est celui de « même », introduit par R. Dawkins, déjà cité. Un même est une sorte d’équivalent, dans la culture, du gène au niveau biologique. Il se propage et se duplique en fonction de son succès en termes de sélection naturelle et d’adaptation. Il y a des mêmes qui « codent » pour la coopération, et d’autres pour la compétition.

    C’est seulement dans cette acception que l’on pourrait, éventuellement, invoquer Darwin au niveau social…

    Je viens d’émettre (ou plutôt de dupliquer!) un même…

  2. Avatar de tomate
    tomate

    Bonjour !

    Dans le genre, « Objectifs » , une information qui me fait chaud au coeur ….
    sur le site CONTREINFO : les atheniens retirent le bitume…s’associent….Récupèrent des fonds… et plantent des arbres…
    TOUT EST DIT ! Voici un exemple patent , d’une action collective, d’un PAN ECONOMIQUE ALTERNATIF, et complémentaire à celui qui est dominant , à l’heure ou j’écris ces lignes.
    Que cela fasse beaucoup , beaucoup de petits !!!!

  3. Avatar de Eugène
    Eugène

    bla-bla réductionniste.

  4. Avatar de Eugène
    Eugène

    Pour qu’une science HUMAINE telle que l’economie existe, il faudrait qu’elle ait construit une théorie sur l’objet qu’elle se donne à savoir l’homme puisque c’est bien de questions humaines dont on cause ici. (Et théorie dotée d’hypothèses falsifiables).
    La biologie pour être une science a du faire son trou scientifique entre la physique et les transcendances.
    Les sciences humaines pour mériter le nom de sciences devront faire la même chose entre biologie et transcendance.

    D’où mon commentaire laconique au-dessus!

  5. Avatar de quentin

    @Dissonnance :

    > En résumé, très simplement: Les organismes unicellulaires évoluent depuis environ 4 milliards d’années. Les humains (homo sapiens) évoluent depuis environ une centaine de milliers d’années.

    Je ne comprends vraiment pas cette phrase. Les être humains évoluent depuis 4 milliards d’années, tout comme les organismes unicellulaires. A aucun moment un être humain n’est apparu de nulle part, la distinction des espèces est assez arbitraire. Les deux ont d’ailleurs un ancêtre commun très lointain qui était un organisme unicellulaire. Par conséquent on peut dire que l’être unicellulaire a moins évolué que nous, puisqu’il est resté très semblable à la forme qu’avait cet ancêtre lointain…

    @antoine

    Pourquoi y aurait-il une continuité physique/vivant/homme ? Simplement parce qu’on observe uniquement de la matière suivant des lois immuables autour de nous, et jamais nous n’avons trouvé quoi que ce soit d’observable qui soit d’une autre essence que celle-ci. Ce n’est pas faute d’avoir observé le vivant, et l’humain…
    Egalement parce qu’on a de bonne raisons de penser qu’il y a eu une lente évolution de notre ancêtre commun avec le chimpanzé à nous, sans jamais qu’un enfant ne ressemble pas à ses parents, et que par conséquent il n’y a jamais eu de « premier homme », pas plus qu’il n’y a du avoir de « premier être vivant », mais plutôt une lente élaboration chimique à partir d’arn et de protéines.
    D’autre part je ne suis pas convaincu que ce soit si culturel que ça de chercher une unité à toute chose (et le « tao », alors ?)

    D’après moi l’homme est un animal, c’est la civilisation qui est exceptionnelle et qui nous rend nous individus, exceptionnel, pas l’homme en lui même, et si la société ne nous apprenait pas à parler et à penser, nous ne serions pas bon à grand chose. Il a suffit d’une petite différence chez l’animal humain pour faire naitre une énorme différence, la civilisation humaine.

  6. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    @Quentin

    Votre remarque souligne une idée assez intéressante quoique relativement contre-intuitive:
    Une espèce commence à évoluer avant même son apparition.

    Je serais tenté a priori de dire que c’est une idée à la fois vraie et fausse. Elle serait absolument vraie si l’évolution se résumait à une simple accumulation des acquis d’une génération au bénéfice de la suivante, autrement dit s’il n’y avait pas de caractères récessifs (allèles), et s’il n’y avait pas de mutations du génome.

    Elle est cependant en partie vraie, puisqu’en effet outre les caractères récessifs, il en existe des dominants, qui sont eux effectivement systématiquement transmis d’une génération à l’autre (sous réserve qu’ils ne mutent pas).

  7. Avatar de Monique
    Monique

    @ Dissonance

    Vous me rappelez Jean-Marie Pelt. Merci pour votre article.

  8. Avatar de antoine
    antoine

    Par avance je m’excuse pour ce post long, et difficile (mais ca vaut la peine que je perde un peu de temps dessus)

    @ Quentin
    « Simplement parce qu’on observe uniquement de la matière suivant des lois immuables autour de nous ».
    A ceci on peut faire plusieurs objections.

    Sur la logique de ce raisonnement:

    (i) Qu’est ce qui vous autorise à penser que le discours scientifique sur la nature épuise à lui seul tout ce que nous pouvons en dire?
    (ii) Nous ne percevons de la réalité que ce que nos sens nous autorisent à percevoir. Que la totalité des dimensions de l’univers soit épuisée par nos 5 sens, voilà une position purement arbitraire.
    (iii) Quel rapport y a t-il entre « la loi de la gravitation universelle » et la proposition « l’univers est écrit en langage mathématique », au delà du fait que les deux propositions ont été formulées par Newton? Aucun. Il n’y a aucun lien logique entre ces deux affirmations. Il se pourrait très bien qu’une partie de l’univers seulement soit écrite en langage mathématique (pour peu que les mathématiques soient effectivement un « langage ». O La seconde proposition ne découle pas de la première. Elle n’en est qu’une interprétation. Cette interprétation n’est pas en elle-même une équation. Toute équation est « muette », par définition. Les scientifiques outrepassent manifestement leurs compétences quand ils commencent à aborder ces sujets.

    Sur les « faits »:
    « et jamais nous n’avons trouvé quoi que ce soit d’observable qui soit d’une autre essence que celle-ci. Ce n’est pas faute d’avoir observé le vivant, et l’humain »
    (i) nous n’avons jamais rien observé qui soit immuable, au contraire. Il n’y a pas de « lois » de la physique. L’émergence de ce concept de « lois de la nature » est d’ailleurs assez fascinante à observer…
    (ii)le physicien, par définition, ne s’interroge jamais sur ses propres opérations mentales, qui appartiennent à l’univers qu’il décrit. Les faits, rien que les faits, ok, mais TOUS les faits. ET les faits sont têtus. Il est impossible de réduire ces opérations mentales (qui impliquent quelque chose comme une « représentation de la conscience comme un « contenant », sic) à du physico-chimique. La réponse du scientifique est que « oui mais demain… ».
    (iii)Toutes les expériences qui ne vont pas dans ce sens sont purement et simplement niées (n’espérez ps voir ça étalé dans sciences et vie, qui pensent démontré que « Dieu habite le cerveau droit » (décadence de l’esprit scientifique…), parce que « dérangeantes » pour le paradigme dominant. Remettre en question les représentations usuelles du temps, de la spatialité, de l’intégration des centres nerveux, etc etc c’est quelque chose qui ne plait pas (et les plus « résistants » aux changements de paradigmes sont toujours les médecins et les psychologue, ce qui n’est certainement pas un hasard). Je vous renvoie au courant « spritualiste » en sciences et à toutes ses variantes sur ces questions.

    « Egalement parce qu’on a de bonne raisons de penser qu’il y a eu une lente évolution de notre ancêtre commun avec le chimpanzé à nous »
    Il n’y a aucune « bonne raison » de penser cela, si ce n’est un matraquage idéologique consatnt dans « science et vie » et autre revue prétendument scientifique.
    N’oubliez pas que la thèse de « l’ancêtre commun » n’est soutenue, en dernière alternative, que parce qu’il faut qu’il en soit ainsi pour que l’ensemble de l’édifice tienne debout, pour que la fable de l’histoire de l’homme soit cohérente jusqu’au bout. On retrouve là le problème des « modèles ». Mais objectivement, rien ne vient le prouver. On est dans le registre de la fiction, pas dans celui de l’argumentaire scientifique. Il y aurait beaucoup à dire sur les méthodes, la valeur scientifique, et la place de l’argument d’autorité en paléontologie. Le travail de détective ou d’avocat plutôt du paléontologue n’est en rien celui de l’inquisiteur de la nature qu’est le physicien ou le biologiste, voire même celui de l’anthropologue. C’est quelque chose que nous avons trop tendance à oublier.

    « D’après moi l’homme est un animal, c’est la civilisation qui est exceptionnelle et qui nous rend nous individus, exceptionnel, pas l’homme en lui même, et si la société ne nous apprenait pas à parler et à penser, nous ne serions pas bon à grand chose »
    Vous faites au niveau macro ce que les médecins/psychologue font au niveau micro.
    Tout comme les seconds disent « nous avons rompu avec le dogme du dualisme, puisque nous pensons en terme d’interactions continues (exemple typique le domaine du « psycho-somatique », qui n’est qu’un cache misère métaphysique), alors que ceci implique d’avoir DEJA posé les deux ordres/domaines de manière séparée (et c’est tout ce qui leur est reproché par les « monistes »), vous me dites « l’homme est animal que la civilisation/société rend humain ». Vous escamotez le problème. Parce-que l’on vous objectera qu’il faut déjà que l’homme soit capable de la civilisation pour être civilisé. Et dès que vous voudrez clarifier ce point vous retomberez sur le problème que cette hypothèse était censée résoudre. Autrement dit le « mot » recouvre pudiquement le problème de fond, et tout le monde fait comme si il avait été résolu (du genre « on change les règles comptables 😉 ). De plus, ce n’est pas parce qu’un être humain aurait été élevé avec et par des loups, que sa condition ontologique ne serait pas déjà, avant toute civilisation, radicalement différente de celle des autres loups. Pour faire simple disons qu’il n’est pas dans la nature comme le loup est dans la nature; sa spatialité et sa temporalité ne sont pas celles du loup quand bien même vivrait-il à la manière du loup… je ne peux renvoyer qu’à l’introduction d’Etre et Temps, sur la façon dont spatialité et temporalité de l’homme ne sont pas celle de l’animal… non seulement indépendamment de toute culture/civilisation, mais aussi et surtout parce que c’est là la condition de possibilité même de toute culture/civilisation (pardon pour les raccourcis pour ceux qui me lisent).

    « D’autre part je ne suis pas convaincu que ce soit si culturel que ça de chercher une unité à toute chose (et le “tao”, alors ?) »
    Ce n’est pas ça qui est culturel, ce qui est culturel, c’est de chercher l’unité dans un genre de continuité tout à fait particulier.
    J’attends toujours qu’on reproduise en laboratoire le passage du non-vivant au vivant.
    J’attends toujours de voir une « intelligence artificielle » être capable d’un sentiment comme « l’espoir ».
    Les deux n’arriveront jamais… pour des raisons d’ordre ontologique (inutile donc, de sortir l’argument des petits hommes sur la lune et la thèse hors-sujet du « progrès scientifique »).

    Mon propos n’est pas de convaincre, ici. Mon propos consiste simplement à montrer que la science ne permet et ne permettra certainement jamais d’arbitrer entre ces deux conceptions. D’instituer le doute. Et qu’en la matière s’il y a une certitude, c’est qu’il n’y a pas de certitude. Il faut juste que les scientifiques restent « à leur place », et distinguent soigneusement ce qui relève des faits de ce qui relève d’interprétations purement arbitraires de ces mêmes faits. C’est d’ailleurs essentiellement à celà que sert la philosophie de sciences, à palier leur indiscipline… à distinguer croyances rationnelles, croyances irrationnelles (pas nécessairement fausses), ou plutôt à distinguer des formes de rationalité, qui ont chacune leur légitimité dans leur sphère propre, mais pas au delà.

    C’est faux… même les lois de la physique ne sont pas grévées dans le marbre. Les atomes d’hydrogène eux-même évoluent… Tout état n’est qu’ abstraction.
    Par ailleurs, en bon empiriste, je ne reconnais que les faits , rien que les faits, mais TOUS les faits.
    Typiquement, le physicien exclue de champs d’étude ses propres « opérations mentales ». Vous pourrez faire ce que vous voudrez, vous ne pourrez jamais réduire celles-ci à du physico-chimique. La continuité, ici, est introuvable. En général, pour créer de la continuité là ou il n’y en a pas, et là ou on ne la comprend pas, on utilise un terme novlangue « psychophysique », ou « biosocial ». Le corrélat de cette opération de camouflage consiste à présenter

  9. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ antoine, (manque un bout de ton texte…)

    Mais tu globalement raison.
    Je vais essayer de faire plus simple.A:
    1- on peut donner à un biologiste tous les éléments de la table de Mendéléïev, et toutes les bécannes qu’il veut pour faire ses manip qu’il ne parviendra pas à fabriquer une cellule vivante capable et de vivre et de se reproduire. Entropie pour le minéral, néguentropie pour le vivant. Il ya là un premier saut de rationnalité hors de portée des théoriciens comme des expérimentateurs et pour un sacré bout de temps.
    2- entre les fonctions naturelles (de représentation, de manipulations simples, de vie grégaire, de capacité de choix) des vertébrés, et nos facultés nous faisant émerger (via le langage, l’art de s’y prendre pour faire, notre socialité nous faisant aculturer l’espace et le temps, notre distanciation du pulsionnel) à du culturel, il ya encore un deuxième saut de rationalité. (ce qui ne nous empêche pas pas notre nature de partager ces mêmes fonctions naturelles mais dont nous faisons tout autre chose d’être analysée-réinvesties par les facultés culturelles. Vous aurez noté la distinction fonction/faculté!)

    L’histoire même des sciences reproduit cette succession historique: d’abord les sciences dites physiques, ensuite les sciences de la vie qui ont dû s’affranchir des modèles physicalistes pour découvrir les lois de leur domaine propre, ensuite les sciences humaines qui doivent cerner et construire la-les théories de leur domaine en inventant leurs propres modes de vérification-falsification, sans penser que ceux des autres pourront les aider en quoi que se soit.

    Imaginer qu’il y ait continuité, c’est tomber ds la facilité. C’est d’un rapport d’emboitement qu’il s’agit comme de poupées russes ou de boites de carton les unes ds les autres, jusqu’à tomber sur les lois qui font notre humanité comme la faculté logique qu’on retrouve, comme par hasard, ds les mathématiques, mais elle est d’abord ds notre faculté de langage elle-même.

    Ou de faire plus compliqué, B:
    http://pagespro-orange.fr/bcc/idxmed.htm
    Bref, il n’ya ni fait ni valeur ni continuité ni données immédiates de la consciences d’être tous et toutes filtrés par un quadruple écran de langage, de technologie pour faire simple, de socialité, et de droit que nous nous donnons….

    Ainsi, chercher la solution d’une question de civilisation (crise économique et financière) ds ce que la civilisation a produit (théories biologiques, mathématiques et j’en passe) revient exactement à vouloir expliquer le vol de l’oiseau par la balistique, donc une approche réductionniste de la biologie à la physique (cinématique)… je vous laisse faire la transposition de la biologie à l’humain avec les images adaptées.

  10. Avatar de quentin

    J’ai l’impression que dans l’histoire, vous cherchez la discontinuité parce que ça vous semble évident (un homme n’est pas un animal, un animal n’est pas minéral). Mais au delà de ce qui semble évident, encore faut-il trouver en quoi réside la discontinuité, avant de pouvoir affirmer qu’il y en a une.

    Pour ma part je pense qu’il n’y a pas de discontinuité mais qu’il y a des fossés rendu infranchissable par des millénaires d’évolution, et qu’à posteriori, ces fossés semblent tellement infranchissable que l’intuition se refuse à imaginer qu’il y a quelques millions d’années ces fossés pouvaient ne pas exister.

    Ok, je vous concède que la science est bien loin de décrire le monde dans son ensemble, et que la réalité mentale est effectivement quelque chose qui lui échappe presque complètement. Je vous accorde aussi que l’homme est un animal particulier. Je pense qu’il a évolué conjointement avec la société, s’adaptant à elle tout en la « générant ». (cependant j’ai cru entendre dire que les enfants sauvages n’apprennent jamais à parler ?)

    La où je ne vous suis plus, c’est quand vous nier qu’il puisse y avoir un ancêtre commun entre nous et le chimpanzé. Autrement dit vous êtes créationniste ? Nous avons les mêmes gènes, nous avons des fossiles montrant que nos ancêtres et ceux des chimpanzés se ressemblaient beaucoup.

    « il faut qu’il en soit ainsi pour que la fable tienne debout »… Oui, c’est le principe de la méthode scientifique. On pose un modèle hypothétique, on en tire les conséquences, et on vérifie le modèle sur la réalité. La théorie de l’évolution est quelque chose d’extrêmement vérifié, et s’il est impossible de remonter le temps pour s’assurer que les hommes sont bien les descendants d’une tribu de singe qui a divergé des autres, le nombre d’élément qui corrobore au modèle laisse peu de doute. Maintenant si vous pensez qu’il existe un modèle plus juste, ou que des éléments contredisent celui-ci…

    Je ne vous suis plus non plus, pour à peu près les mêmes raisons, quand vous dites qu’il n’y a pas de loi de la nature. Mettons de côté la question métaphysique de savoir si ces lois ont une réalité physique ou n’existent que dans nos têtes… Le fait est qu’on observe des régularités dans le comportement de la matière, que ces régularités sont mesurables, objectivables et que depuis quelques centaines d’années et sans doute des millions ou milliards d’expériences, y compris dans des domaines extrêmes, ces régularités n’ont jamais été violées.

    Les atomes composant les êtres vivants ne se comportent pas différemment des autres atomes. Il n’y a pas de « substance magique » qui modifie ce comportement. La science n’explique pas tout, certes, ce n’est pas une raison pour affirmer « c’est inexpliquable ». Ca ne l’est pas à priori. Il n’y a aucune raison de limiter le champ d’investigation de la science parce qu’on decrète que quelque chose ne peut pas être explicable scientifiquement, ou alors il faut une bonne raison pour décréter que c’est effectivement inexpliquable.

    Puisque je suis d’humeur concédante, je vous accorde cependant que la science est limitée, et elle connait ses limites, car si on s’en tient au modèle de la physique quantique, les lois de la physique classique sont finalement des approximations sur un grand nombre de particule, chaque particule prise indépendamment ayant un comportement aléatoire. Autrement dit il n’y a de lois que statistique…

  11. Avatar de Cécile
    Cécile

    à Dissonance
    je veux juste dire que Darwin n’est pas Galton (Darwin est quelqu’un de bien ), essaye d’utiliser « néodarwisme social », lorsque tu parles de « néodarwinisme social » (et d’éviter d’écrire « darwinisme », m^me si c’est long à écrire j’en conviens, mais cela vaut la peine de se donner ce mal …
    je rajoute dès fois que il faille écrire gros, la pervertion de la théorie de l’évolution, c’est une chose, ….
    confondre le « darwinisme » et sa perversion le « néodarwisnisme social » en est une autre
    est-ce que ce sont les créationistes qui feront la différence ???

    à Antoine
    Oui, l’économie pose la question de la Loi de l’échange
    et c’est bien parce que la loi du marché est la seule à la fois réalisée et universelle, la seule à avoir la forme de l’universel, qu’elle s’impose comme la loi de la réalité (du marché)
    mais cela n’empêche pas qu’il lui manque encore d’être nécessaire (et que la nécessité du marché, c’est l’humanité …, sans l’humanité le marché n’est qu’un coquille vide, il n’a pas de nécessité)
    en bref
    « la Loi prescrit de légiférer selon la forme de la loi, mais l’universalité n’est pas donnée »

    PS je n’ai pas inventé ce mot de « biosocial », ni la résurgence du néodarwinisme social, c’est l’extrait un cours de médecine, début 2000, je dirais 2003,
    je n’ai pas recopié les exemples, il y en a
    donc regarde autour de toi l’augmentation des inégalités sociales, surtout écoute toutes ces alertes à la surpopulation comme la calamité qui nous menace, et vois de quoi nous sommes capables

  12. Avatar de Cécile
    Cécile

    à Antoine, rectificatif
    c’est de Jean-Luc Nancy, il s’exprime ainsi, (les parenthèsed sont de moi)
    « la Loi prescrit de légiférer selon la forme de la Loi, c’est à dire selon la forme de l’unniversel, (la réalité de la Loi) mais l’universalité (la nécessité de la loi) n’est pas donnée »
    (le règne des fins , autrement dit la finalité sans fin des lumières, est donc toujours, sinon plus que jamais d’actualité, ….

  13. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    @Monique:

    Merci, c’est flatteur. Trop sans doute…

    @Tous:

    Ma culture dépasse à peine celle d’un simple lycéen. C’est sans doute pourquoi il est si facile pour chacun de vous de m’opposer telle ou telle théorie qui serait plus pertinente…

    Ce billet, comme la plupart des commentaires que je laisse ici, présente à la fois le mérite et la tare d’être issu pour l’essentiel de ma propre pensée. Il ne se repose pas, contrairement à ceux de beaucoup d’entre-vous, sur un socle culturel très étoffé. Je n’ai jamais lu Aristote, ni Marx ou Smith, par exemple…

    Galton, Dawkins, m’étaient parfaitement inconnus jusqu’à ce que je lise ce blog, de même que Gesell, etc. La théorie synthétique de l’évolution, qui a fait tant débat sur ce billet, je l’ai découverte par le biais de l’article Wikipédia consacré (bien que j’aie étudié évolution et introduction à la génétique au lycée).

    Je n’aime pas me nourrir de « prêt-à-penser ». Prenez-le comme vous voulez. Quoi qu’il en soit, en ce qui me concerne, je ressens vos oppositions comme un honneur, celui de voir ma propre réflexion mise en contradiction par celles de tant de noms prestigieux. Culture contre intelligence en somme…

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=2486#comment-21644

    P.S. A la relecture, ce commentaire me paraît prétentieux. Il l’est sans doute. Tant pis.

  14. Avatar de Vincent WALLON
    Vincent WALLON

    Une découverte intéressante sur le comportement des octopus.

    Aussie scientists find coconut-carrying octopus

  15. Avatar de karluss
    karluss

    des truffes, j’y vais demain !
    c’est bien par la ruse et l’association que se fait l’adaptation et non pas par la guerre.

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