Du dessein caché dans les programmes informatiques financiers, par Marc Le Son

Billet invité. Ouvert aux commentaires.

Cher Paul,

Dans votre dernier post, vous dites qu’il ne vous semble pas exister de dessein caché dans les programmes informatiques et, sur ce point, je ne suis pas en phase avec vous, non pas par ce que cela procéderait d’une intention maligne mais tout simplement parce que l’essentiel des logiciels est d’origine anglo-saxonne et que la logique qu’ils expriment est celle de cette culture.

Il en va ainsi de ceux dédiés à la finance.

Mais regardez :

Dans les pays de droit romain, disons du sud de l’Europe, l’engagement d’un emprunteur est principalement de rendre ce qui lui a été prêté, les intérêts n’étant rien d’autre que l’accessoire de la dette.

Dans les pays anglo-saxons, la rémunération du capital est devenue la prime servie au risque depuis l’avènement de l’ère industrielle, notamment depuis la création du chemin de fer en Grande Bretagne, le restitution de la dette elle-même passant au second plan.

La traduction informatique usuelle est qu’on calcule les intérêts sur la dette résiduelle (version anglo-saxonne) alors qu’on devrait le faire sur la fraction de capital qu’on rembourse (version de droit romain).

Dans un prêt amortissable par échéances constantes, on détermine alors les intérêts que l’on retranche de l’échéance pour fixer le fraction de dette remboursée alors qu’on devrait faire exactement le contraire : déterminer d’abord la fraction de la dette que l’on rembourse et fixer seulement ensuite les intérêts qui s’y rattachent.

Mais, si on poussait cette logique jusqu’au bout, on découvrirait alors que le mode usuel d’amortissement d’une créance n’est pas un mode progressif mais un mode dégressif.

Je me propose de vous montrer que cette approche n’est pas forcément absurde puisqu’elle permet de retrouver la formule financière d’un remboursement par termes constants :

Si l’on admet que « e » est l’échéance « i » le taux de période et « k » est la valeur actualisée du paiement on aura k = e*(1+i) -1

On va examiner l’approche selon laquelle on obtient les intérêts en retranchant de l’échéance « e » la dette qu’elle rembourse en posant l’égalité suivante : k*i = e-k

K étant égal à e*(1+i) -1, on obtient : k*i = [e*(1+i)-1] ou encore k-i = e*(1-(1+i)-1).

De là se déduit que l’échéance de paiement unique répond à la formule :

         K*i
e = ————
      1-(1+i)-1

Et, s’il y a plusieurs paiements « nb » de même chiffrage, l’échéance constante répondra à la formule :

         K*i
e = ————
      1-(1+i)-nb

Ce serait donc bien une approche culturelle (anglo-saxonne) qui a imposé le mode d’amortissement progressif général à tous les programmes bancaires alors que le mode dégressif laissait en harmonie l’approche mathématique et celle juridique (des pays de droit romain).

Or des quantités de conséquences sont attachées à cette situation.

L’une d’entre elle, que je défends, est qu’on pourrait sans doute réduire de deux points le niveau de chômage que nous connaissons en adaptant l’amortissement financier à l’amortissement comptable d’un bien parce qu’il n’y a rien de plus idiot que de payer l’impôt au seuil marginal (IS ou IRPP) sur le capital que l’on rembourse.

C’est pourtant ce qui se passe…

Très cordialement.

P. J.: Voici la réponse que j’ai apportée au courrier de Marc Le Son, publié ci-dessus.

Cher Marc,

Je n’entends certainement pas dire qu’il n’ « existe pas de dessein caché dans les programmes informatiques », j’affirme seulement que le programme informatique est servile par rapport à la philosophie « implémentée », en l’occurrence le droit romain vs. anglo-saxon.

Le seul point de vue qui me semble faire sens (indépendamment de toute considération juridique et dans la perspective seulement ou le prêt constitue – comme le comprenaient les classiques – une « avance ») dans le cas d’un paiement mensuel avec amortissement sur la période X mois, est celui où les intérêts versés sont calculés (sur une base mensuelle) par rapport à la somme restant due au cours du mois venant à échéance (celle-ci ayant pu être mobilisée comme « avance » durant toute la période). Une part de capital restant dû est alors ajoutée au montant des intérêts dus pour faire M, le montant de la mensualité, ce dernier ayant été calculé de telle sorte qu’au bout de la période X, le capital restant dû égale zéro.

Je lance volontiers le débat sur le blog (c’est parfait pour la période des fêtes !), donnez-moi le feu vert, et je publie votre message, ainsi que ma réponse. Je garderai le billet en « tête de gondole » aussi longtemps que le débat restera vivace.

Mes amitiés,

Paul

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14 réponses à “Du dessein caché dans les programmes informatiques financiers, par Marc Le Son”

  1. Avatar de Marie-Paule Nougaret
    Marie-Paule Nougaret

    Le vrai nom est « droit romain germanique » (comme l’empire).

    C’est un système de droit écrit, où la loi – par exemple dans le code du travail – est la même pour tous.
    La loi ne s’y n’y confond pas avec le droit (qui décrit entre autres son évolution).

    Cependant cette notion, « le droit » §ensemble des règles valables) ne peut pas se traduire en anglais. En effet, dans la tradition de la « common law » anglaise tout est jurisprudence, un simple tribunal peut tout changer .

    Un contrat dans le système français ou allemand ne peut compter qu’une seule page ( la loi a tout prévu).
    Un contrat anglo américain peut compter des centaines de pages afin de prévoir des solutions pour des milliers de cas de figure.

    Bien entendu la partie qui emploie le plus grand nombre de juristes – je ne dirai pas avocat – à couper ces cheveux en quatre possède un avantage déterminant.

    Bien entendu ce système très souple, où tout est négociable ( – par exemple les exceptions au code du travail – a les faveurs des forces de la mondialisation.

    C’est un basculement important.

    De même que le remplacement des droits d’auteurs, pour les artistes, par les droits de reproduction (copyright) pour les industriels. Mais c’est un autre débat.

  2. Avatar de pierre
    pierre

    Bonjour,
    Merci pour ce point de vu algorithme/valeur sociale! Je n’y avais jamais songé mais votre remarque est pertinente! Cela s’applique aussi pour tout les langages et notamment les langues humaines . Celles ci ont une grande influence dans notre manière de voir le monde. D’ailleurs, on peut se demander si à terme l’apprentissage massif de l’anglais ne va pas conduire à une standardisation des esprits et donc à une diminution des possibilités de décrire et de comprendre le monde qui nous entoure…

    1. Avatar de vigneron
      vigneron

      Que dire alors de la francisation hégémonique en cours en Afrique…

  3. Avatar de vigneron
    vigneron

    L’une d’entre elle, que je défends, est qu’on pourrait sans doute réduire de deux points le niveau de chômage que nous connaissons en adaptant l’amortissement financier à l’amortissement comptable d’un bien parce qu’il n’y a rien de plus idiot que de payer l’impôt au seuil marginal (IS ou IRPP) sur le capital que l’on rembourse.
    C’est pourtant ce qui se passe…

    ??? Y’a un truc qui m’échappe là. Vous êtes gagnant fiscalement en début d’ammortissemen progressift puisque la charge d’intérêts (supérieure dans ce cas là) s’ajoute à la charge d’amortissement comptable de l’actif fibancé. En fin de période évidemment lycée d’Versailles…
    Sinon un petit tableau d’amortissement en exemple piur les deux systèmes et pour 1000€ sur 5 ans à 3% aurait été apprécié. En outre c’est pas tellement les banques mais les emprunteurs qui sont pas trop preneurs des remboursements linéaires, à échéance dégressive. Cela dit un jour faudra bien prêter aussi aux octo ou nonagénaires, vu la densité de cette engeance qui s’annonce, et là il vaudra mieux leur en prendre le plus possible le plus tôt possible, et ils signeront des deux mains sans trembler.

  4. Avatar de Eric83
    Eric83

    Aa lecture de ces informations, les différences fondamentales entre le droit anglo-saxon et le droit romain germanique mises en perspective de l’éventuelle signature du TAFTA, risquent de créer des situations juridiques absolument insolubles…Au profit de qui ?

    1. Avatar de vigneron
      vigneron

      Comme si les questions de conflits de lois et de compétence judiciaire en matière de contrats internationaux attendaient le Tafta pour se poser à l’humanité angoissée et aux cabinets d’avocats languissants…

  5. Avatar de samuel
    samuel

    Ben je préfère toujours ma simplification on fait augmenter le taux en fonction des durées empruntés, on calcule une seule échéance qu’on subdivise en mensualité linéaire capital comme intérêt (qui rembourse encore en annuité?), au moins c’est clair.
    si tu empruntes sur 10 ans par exemple tu as 10% sur 20 ans 20% , au moins le consommateur comprend, parce que la méthode de quelques pour cent qui cumulés sur n mensualités représentent 40% du capital qui au final décroit moins vite que les intérêts, c’est du foutage de gueule (c’est d’une autre indécence que le prix au kilo en tout petit ou les petites lignes des contrats d’assurances).
    (les jeunes couples qui divorcent au bout de 5-6 ans n’ont presque rien remboursés de leurs pavillons et ce retrouvent plombés pour x années, parce qu’un divorce c’est pas la meilleur méthode pour revendre une maison et ils ont a peines regardés le montant global du crédit pour les prolos).
    Bon quand les échéances étaient courtes et que les salaires bénéficiaient d’une inflation, c’était pas trop grave, mais aujourd’hui c’est du vol, comme la limite à 21% des prêts consos.
    Les maths c’est sympa, mais il faut pas trop en demander aux gens, le monde doit être accessible à Mme Michu, c’est cela l’important, simplifier pour rendre les choix lisibles aux gens.

    1. Avatar de samuel
      samuel

      (les jeunes couples qui divorcent au bout de 5-6 ans n’ont presque rien remboursés de leurs pavillons et ce retrouvent plombés pour x années, parce qu’un divorce c’est pas la meilleur méthode pour revendre une maison et ils ont a peines regardés le montant global du crédit pour les prolos).
      J’aurai du ajouter: parce qu’ils comparent la mensualité à leurs précédents loyers, ils ont déjà du mal à anticiper qu’il y aura des impôts fonciers au bout (cela me rappelle Piketty), le coût du chauffage, l’entretient, ils ont à peines un apport, alors certes c’est des problèmes de jeunes en zone péri-urbaine, mais ils existent c’est des gens, c’est pas parce qu’ils votent pas coco qu’il faut les rayer de l’humanité.

    2. Avatar de adoque
      adoque

       » …le monde doit être accessible à Mme Michu, c’est cela l’important, simplifier pour rendre les choix lisibles aux gens. « 

      Surtout pas ! samuel…
      l’endettement est le nerf de la croissance,
      et encore plus, le surendettement,
      tout cela pour une « propriété » plus qu’illusoire !!!

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Ben oui mais tant que, par exemple, il y aura plus de 90% de Français qui préféreront payer 100€ tous les mois pendant un an pour se payer un bien de 1 000€ plutôt que rembourser les 1 000€ un an après l’achat avec 20% d’intérêts, l’avenir restera rose pour les gens qui savent compter…
        (C’est une des questions du dernier sondage sur la « vulnérabilité financière » des Français et à peine 9% des sondés faisaient le bon choix – pas d’illusions, les bacheliers et + ont quasiment le même score final au questionnaire que les autres…)

  6. Avatar de Le Flan 2017
    Le Flan 2017

    Pas mal de perles venues et à venir sur ce fil 🙂
    Le copyright ne remplace pas le droit d’auteur : il y a confusion entre droits patrimoniaux et droits non patrimoniaux.

  7. Avatar de Mathieu Van Vyve
    Mathieu Van Vyve

    Pouvez-vous donner une exemple chiffré simple (genre 10% et 3 mensualités) pour comparer les deux systèmes? Parce que sinon, tous les lecteurs intéressés du post vont faire exactement cela chacun de leur côté. Autant que vous le fassiez une seule fois pour tout le monde, et de manière correcte.
    Merci!

    1. Avatar de Marc Le SON
      Marc Le SON

      Le propos est réduit aux prêts à durée déterminée et à échéances constantes (et non à remboursements constants, qui conduiraient à des échéances dégressives).

      Pour répondre au souhait, exprimé par deux d’entre vous mais probablement celui du plus grand nombre, il serait souhaitable de disposer d’une application informatique :

      Cela devrait permettre de reformuler l’interrogation soumise à débat en permettant à chacun les vérifications utiles, idéalement en fonction des chiffrages de son choix.

      C’est chronophage mais je vais tenter de faire cela si vous voulez bien m’accorder quelques jours pour l’élaborer et vous la présenter via un lien vers mon blog :
      https://plus.google.com/106390936333447091972/posts

  8. Avatar de Marc Le Son
    Marc Le Son

    Voici le lien vers la reformulation du questionnement comportant elle-même un lien vers l’application informatique annoncée comparant les modes progressif et dégressif d’amortissement d’une dette par termes constants.
    Peut-être y a t’il à creuser dans cette veine, peut être pas mais c’est ce que vous pensez qui me parait important.

    https://plus.google.com/106390936333447091972/posts/hatjrAtvRKJ

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