Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Il y a trois jours, dans un commentaire à propos de ma série récente sur l’exception de jeu, zébu écrivait ceci :
… je m’aperçois que c’est justement le droit qui a servi de cheval de Troie à la spéculation. Créer un précédent, en faire une jurisprudence. Puis de cette jurisprudence, en faire, par sa récurrence et sa constance, un ‘fait social’. Puis de ce ‘fait social’, en tirer un rapport de force social favorable pour ‘imposer’ au législateur la législation qui ‘correspond’ au fait social (sorte de ‘mise à niveau’, en quelque sorte, entre la réalité sociale et le politique, au travers de la loi et du droit).
Un article dans le Wall Street Journal d’hier (1) m’a rappelé cette remarque. L’article s’appelle « Hedge Funds Raided in Probe », perquisitions au siège de fonds d’investissement spéculatifs. L’enquête porte sur des délits d’initié. L’article dit entre autre ceci :
La question est floue du fait que le délit d’initié n’est pas défini légalement. La ligne qui sépare un comportement criminel d’un comportement légitime a évolué dans la jurisprudence depuis des dizaines d’années, alors que les tribunaux se sont efforcés d’interpréter les articles portant sur la fraude dans les lois financières qui furent votées à la suite du krach boursier de 1929.
Suspense : le droit servira-t-il, une fois encore, de cheval de Troie à des pratiques réprouvées, non pas la spéculation cette fois, mais la fraude ? Selon le même article du Wall Street Journal, certains s’y activent :
Certains juristes disent que les autorités tentent de criminaliser un comportement typique des marchés, comme lorsque les fonds d’investissement spéculatifs rivalisent à obtenir l’avantage en rassemblant de l’information provenant d’un grand nombre de sources sur une compagnie.
Un autre article du Wall Street Journal rapporte l’opinion que le délit d’initié est devenu « endémique » aux États-Unis (2). Personnellement, je trouve « obtenir l’avantage en rassemblant de l’information provenant d’un grand nombre de sources sur une compagnie » très long et je préférerai toujours « délit d’initié ».
Cela me rappelle encore autre chose : le jour où j’avais remis en question le fait que l’établissement financier pour lequel je travaillais utilisait des modèles financiers que nous savions faux et où un représentant d’une des quatre grandes firmes comptables internationales m’avait répondu que tout le monde le faisait et qu’il s’agissait donc d’un « industry standard », de la norme dans le secteur d’activité. Pas de quoi fouetter un chat.
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(1) Susan Pulliam, Michael Rothfeld, Jenny Strasburgh, Hedge Funds Raided in Probe. FBI Agents Seize Documents in 3 Cities as Insider-Trading Investigation Widens, Wall Street Journal, le 22 novembre 2010
(2) Dennis K. Berman, Insider Trading: The Next Frontier. Big Lots Suit Targets Stock-Research Firm’s Methods in Digging Up Information, Wall Street Journal, le 23 novembre 2010
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