Billet invité
De la lecture des divers commentaires des évènements qui se sont produits au cours du dernier week-end émane un sentiment mélangé emprunt d’une certaine confusion. Devons-nous nous en réjouir ? Sommes-nous sortis de l’impasse qui emprisonnait l’Europe, il y a quelques jours encore ?
Saluons tout d’abord la réactivité, tardive mais bien réelle, des autorités européennes (chefs d’Etat et de Gouvernement et institutions confondues). Elles ont su prendre les mesures qui s’imposaient, même les plus radicales comme la possibilité de prise en pension par la BCE de titres des dettes souveraines de certains Etats. Si cela ne résout pas tout, cela marque l’engagement ferme et effectif que l’on attendait dans un processus de mutualisation des risques visant à doter la zone euro d’instruments de solidarité financière et de gouvernance économique. Il s’agit donc de gestes forts qui constituent un évènement marquant dans l’histoire de la construction européenne. Une fois de plus, l’Union européenne a montré qu’elle était capable d’avancer quand elle était au pied du mur. Ceci est sans prix. L’hypothèse d’un démantèlement de la zone euro doit être actuellement écartée, si les dirigeants européens mettent en œuvre rapidement les dispositions qu’ils ont arrêtées durant le dernier week-end.
Toutefois, le problème, né de l’accumulation de la dette publique des pays de l’Union européenne, demeure. L’accent mis très fortement, sous la menace de sanctions, sur l’assainissement des finances publiques et la surveillance des déficits publics, pour tous les pays de la zone euro, laisse craindre une polarisation excessive sur des politiques d’austérité déjà manifeste dans certains pays. Or tous les économistes savent que l’application conjointe de telles politiques risque, d’abord, de briser la très timide et fragile reprise espérée, ensuite, de déboucher sur une profonde récession. Ceci est confirmé par l’expérience : à chaque fois qu’une telle politique a été appliquée dans un pays, elle a commencé par entraîner un arrêt de la croissance – quand il y avait croissance – ou une récession, et ceci pour des raisons mécaniques, à cause de la diminution de la demande intérieure qu’elle a provoquée. Ajoutons que l’effet sur les recettes publiques de la diminution de l’activité économique vient contrecarrer celui de la baisse des dépenses. Une telle politique ne saurait avoir d’effet positif que si elle permet d’accroître la compétitivité du pays concerné, en général par la dépréciation de sa monnaie, et d’augmenter ses exportations. Dans le cas de la zone euro, le risque de dépression est très élevé car le processus cumulatif produira inévitablement une diminution de la demande intérieure à la zone qui représente une part très importante de la demande extérieure de chacun des pays-membre, donc de leurs exportations.
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