Billet invité.
UNE ORNIERE QUI MENE DANS LE DECOR
Au petit jeu des citations, il n’y a ce lundi que l’embarras du choix pour établir le palmarès des propos les moins conséquents.
Sans nul doute, le premier prix doit revenir à Christine Lagarde, une habituée de la compétition, qui a déclaré à propos du risque de contagion de la crise grecque en Europe : « je ne veux même pas y penser ». Elle se voulait catégorique et, soyons honnête, c’était vendredi dernier. « Je crois que le plan qui se met en marche, la procédure qui est engagée, c’est de nature à re-stabiliser une monnaie qui en a besoin » a-t-elle poursuivi pour élargir son propos.
A propos de la politique suivie par le gouvernement allemand, elle s’est contentée de faire preuve de sa transparence habituelle et de constater : « C’est un formalisme auquel les Allemands sont attachés, ils ont raison ».
Le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, n’a pas été en reste et est monté sur la deuxième marche, depuis l’université de Kobe où il s’exprimait devant les étudiants japonais : « Mon impression est que, malgré le fait que nos problèmes soient loin d’être terminés, je suis convaincu que nous maintiendrons la stabilité de la zone euro ».
Mais si tous les regards sont naturellement tournés vers la Grèce et l’Europe, on aurait tort d’oublier le reste du monde occidental. Naoyuki Shinohara, directeur général adjoint du FMI, a mis en garde le Japon : « Même si les problèmes du Japon ne doivent pas être mis sur le même plan que la crise de la dette en Grèce, sa vulnérabilité budgétaire est en train de croître à des niveaux vraiment élevés ». Les agences de notation multiplient ces derniers temps les avertissements à propos de cette dette la plus importante du monde, que les commentateurs affectent encore de tenir pour négligeable au prétexte qu’elle est détenue à 95 % en interne. Ce qui n’affecte en rien le rythme rapide de sa détérioration et le besoin que commence à exprimer le gouvernement de se tourner vers les marchés extérieurs pour se financer.
A la sortie du G20 Finances de Washington, vendredi dernier, Timothy Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor des Etats-Unis, déclarait être convaincu d’une reprise pour 2011, tirée par la demande privée, afin que le pays puisse commencer à réduire son déficit. Il se montrait toutefois plus optimiste que Ben Bernanke, président de la Fed, qui avait déclaré mi-avril devant le Congrès « la hausse de la demande finale [sera] suffisante pour assurer une reprise économique modérée dans les trimestres à venir », sans pronostiquer une date, estimant en réalité que la hausse du PIB serait lente et qu’en conséquence des choix difficiles devraient être faits pour réduire le déficit. Une toute autre hypothèse que celle qui est lancée par Tim Geithner, qui comme l’ont fait au début de la crise de la dette les Européens, pense financer sa réduction par la croissance plus que par des coupes budgétaires. L’histoire a tranché.
En Europe, sans surprise, les taux grecs à 10 ans atteignaient 9,385% à midi ce lundi, tandis que les taux portugais (5,141%), irlandais (4,872%) et espagnol (4,033%) se tendaient. Ce palmarès est en permanence mis à jour et prend de plus en plus l’allure d’une catastrophe annoncée. Elle préfigurera, si elle intervient, ce qui va également ne pas manquer de se passer au Japon et aux Etats-Unis, et va forcer les gouvernements à tenter de sortir de l’ornière dans laquelle ils se trouvent. A produire autre chose que des déclarations du type de celle qu’ils ont adopté dans le cadre de l’Assemblée générale du FMI, samedi dernier, où la plus ferme des résolutions a été adoptée en faveur de la réduction des déficits publics, qui apparaissent de plus en plus comme l’expression d’une situation sans issue.
La crise de la dette publique va dominer tout le reste et imposer de tenter de trouver des solutions inédites, car elle est trop importante pour que les anciennes recettes fonctionnent.