Billet invité
L’objectif est de proposer une analyse qui évite de spéculer sur ce que souhaiteront et réaliseront les peuples arabes.
L’essentiel de cet article traite des lectures dominantes que nous avons de ces événements et cherche à faire remarquer que les commentaires qui sont les nôtres en disent finalement plus long sur nous-mêmes que sur les pays concernés.
Il est inutile de spéculer sur l’avenir mais il est possible de prendre en compte le fait que le sens de l’Histoire, son inertie pousse dans certaines directions qu’il est intéressant de relever.
C’est ce que cette analyse essaie de montrer dans un deuxième temps. Cette crise risque de rencontrer dans son déroulement à venir certains des déterminismes qui sont ceux d’une réalité globale et historique à laquelle le monde arabe ne pourra pas échapper. En effet, de profondes influences auront tendance à pousser sur le devant de la scène des logiques qui peuvent être autant de limites aux luttes entamées.
Le premier point intéressant à considérer est le regard que porte l’Occident sur la situation. Nous lisons les événements à travers deux grilles de lecture majeures ; deux lectures qui sont liées à notre propre situation, qui est celle d’une civilisation traversant une situation de crise. Cette crise est pour certains passagère et inévitable dans la globalisation, pour d’autres elle nécessite de profondes réorientations.
Ainsi quand les seconds verront dans ces événements au Maghreb et au Proche-Orient la naissance d’une contestation dont l’Occident devrait s’inspirer, les premiers y verront la preuve que les valeurs absolues qui régissent nos sociétés restent plus que jamais d’actualité. Dans les deux cas, ces approches s’inscrivent dans une tentative pour l’Occident de se rassurer sur sa destinée. Se rassurer en espérant y trouver une source d’inspiration pour réformer notre civilisation ou au contraire en y voyant l’affirmation et la preuve de la pérennité de notre modernité et de l’adhésion qu’elle entraine.
Ces deux lectures ne s’opposent pas que du point de vue des conclusions, elles s’opposent plus globalement par les idéologies qui les sous-tendent.
Dans un cas, il s’agit de la pensée révolutionnaire internationaliste néo-marxiste qui part du principe que la révolution contre le capitalisme ne se fera pas en Occident – où il n’existe plus de prolétaires révolutionnaires, seulement des « exclus » de la prospérité – et que le prolétariat potentiellement révolutionnaire se trouve ailleurs. Il se situe dans les ateliers sud-asiatiques, en Afrique, dans les « pays en développement » subissant le capitalisme impérialiste dans toute sa barbarie. D’où l’espoir que ces pays s’unissent dans une contestation globale qui mettrait un terme au capitalisme, et qu’ils exportent leur contestation vers les pays dits développés.
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