Billet invité
De la contradiction du départ…
Dans « Back to which Bretton Woods? Liquidity and clearing as alternative principles for reforming international finance », Massimo Amato et Luca Fantacci de l’Université Bocconi de Milan, expliquent clairement l’impasse conceptuelle dans laquelle Étatsuniens et Britanniques se sont enfermés à Bretton Woods. Les propositions de White s’opposaient à celles de Keynes car ils cherchaient un même instrument qui fût à la fois de réserve internationale et de paiement international. L’instrument de réserve devait conserver sa valeur dans la durée ; il imposait que les emprunteurs nets subissent un intérêt débiteur. L’instrument de paiement devait au contraire circuler le plus rapidement possible afin que les déséquilibres de balance des paiements ne s’accumulent pas par le jeu-même des réserves et des intérêts créditeurs. Les objectifs abstraitement convergents dans le nouvel ordre monétaire idéal de White et Keynes s’opposaient dans la réalité et la technique : l’accumulation de réserves en dollars par les États-Unis ne pouvait pas être remis en cause en tant que créance des États-Unis sur le monde ni en tant que rente par la perception d’un intérêt réglé par les débiteurs.
Ni White, ni Keynes n’avait de solution théorique d’équilibre entre le besoin de réserve international et le prix de la liquidité de ces réserves. La notion-même de liquidité internationale était empirique comme elle le reste dans l’actuel système de règlement. La liquidité reflète l’équilibre des échanges réels ; échanges qu’on recherche intenses et denses mais sans certitude de la réalité de l’équilibre entre des intérêts nationaux objectivement différents. L’accumulation possible de réserves en 1944 comme aujourd’hui est présumée une situation d’équilibre même si elle nourrit le doute quant à la solvabilité des zones monétaires débitrices nettes vis-à-vis de leurs non-résidents. La Chine massivement créancière de la zone dollar aujourd’hui n’est pas sûre de la valeur à terme de son pouvoir d’achat international ; elle a remplacé les États-Unis dans le rôle de créancier du monde par la zone dollar. Les réserves accumulées par les États-Unis dans leur propre monnaie pour financer la guerre des alliés sont devenues les réserves des Chinois pour financer le bien-être à terme des Chinois comptabilisé en dollar.
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